Le jeudi 30 mai, voici ce que j’écrivais dans mon dernier bulletin : «Comme on le voit, le sort des centrafricains ne
préoccupent guère Bozizé, Ndoutingaye, Findiro et les voleurs qui pillent outrageusement la République Centrafricaine depuis bientôt dix
bonnes années. Seule leur importe leur soif du pouvoir et du lucre. Et dans cette perspective, tout indique que le vice-roi, sûr de son coup il y’a quelques temps encore, est plus proche
aujourd’hui de la porte de sortie que de la dernière marche du pouvoir suprême».
Le vendredi 1 juin, le tout-puissant Sylvain Ndoutingaye était
sèchement viré de son poste hyper lucratif de ministre des Finances. Le match est-il fini ? Que nenni !
Ndoutingaye out ! What else (pastiche)
Inutile de revenir sur le scenario de l’éviction de l’ex maître de Bangui, même si dans certaines circonstances, il est
toujours recommandé de s’assurer que le cadavre bouge encore ou pas. Et en l’occurrence, François Bozizé ne semble pas au bout de ses peines.
En effet, aussi étrange que cela pouvait paraître et en dépit des faisceaux convergents de présomptions contre lui,
Sylvain Ndoutingaye, sûr de son pouvoir absolu sur Bozizé, ne semblait pas autrement inquiet. Ces derniers temps, malgré les mesures conservatoires prises à son
encontre (interdiction de garer sa voiture dans l’enceinte du palais, de voyager à l’intérieur comme à l’extérieur etc…) le vice-roi s’employait à rassurer ses innombrables obligés. Jusqu’à cette
soirée fatidique du 1 juin et le décret tant attendu par de nombreux centrafricains, en particulier par les enfants de Bozizé, lesquels ont fêté la nouvelle.
Mais d’autres parmi les enfants de Bozizé regrettent ouvertement que Ndoutingaye n’ait
pas été arrêté, voir éliminé physiquement. La vengeance est un plat qui se mange froid. En effet, la détermination de ces extrémistes est renforcée par la découverte, tenue cachée pour l’instant,
d’un document dans lequel Ndoutingaye et ses complices entendaient passer par les armes, si leur coup avait réussi, un certain de personnalités parmi lesquelles le président de
la République lui-même, quatre de ses enfants, deux de ses plus collaborateurs ainsi que deux ministres militaires. C’est la technique du nettoyage par le vide.
Ces rejetons de Bozizé sont d’autant plus enclins à préconiser la méthode radicale que la
contre-attaque des obligés de Ndoutingaye, k.o debout le vendredi soir et le samedi, n’a pas tardé. Première à monter aux barricades, Solange Pagonendji Ndakala,
longtemps membre du gouvernement par la grâce de Ndoutingaye, lequel en a fait une de ses innombrables maîtresses, avant de lui octroyer la coquette somme de 100 millions
de CFA (excusez du peu) afin de l’aider à conquérir frauduleusement le siège de député de Bambari.
Depuis, Arôme Maggi, comme les mauvaises langues de Bangui la surnomment, a été bombardée à la
3e vice-présidence de l’Assemblée nationale. Reconnaissance du ventre comme de l’oreiller, l’égérie
de Ndoutingaye, a réuni des jeunes du knk en soutien au démis. Première escarmouche, une manifestation des partisans de Ndoutingaye au PK 13
route de Boali, dispersée par la police.
Il y’a également l’animateur de l’émission ‘’Yé so é lingbi ti inga’’ Séverin Vele
Faimindi, une ersazt des émissions de la ‘’Radio Mille Collines’’ au Rwanda d’avant le génocide et qui passe tous les matins sur Radio Centrafrique. Cet animateur a pour
consigne d’inonder les antennes avec des émissions favorables à Ndoutingaye, chantant ses louanges rappelant ses bienfaits (sic).
Mais ce n’est pas tout. Entre également en scène un étrange personnage dénommé Fawaz, Libanais de son
état mais Centrafricain pour les besoins de la cause. Pour rappel, c’est ce sulfureux quidam qui avait offert des pots de peinture au tribunal de Bangui et qui s’était rendu personnellement à la
cérémonie de remise de ces cadeaux de misère en lieu et place de Ndoutingaye, prouvant ainsi les liens incestueux entre le ministre des Finances et les commerçants véreux de la
place.
En effet, il est acté que ce Fawaz a joué un rôle déterminant comme l’un des financiers du complot
visant à renverser François Bozizé. Cette opération de ripolinage visait à assujettir davantage, par Firmin Findiro interposé, le corps judiciaire à la botte de
Ndoutingaye.
Fawaz a donc reçu mission, appuyé par Rufin Benam Beltoungou, directeur général de la
SODECA et par beaucoup d’autres directeurs généraux de la galaxie de Ndoutingaye, d’abreuver les directeurs de publication de la presse privée de subsides. Dès
lors, ces derniers devront pondre à foison dans les prochains jours des articles à la gloire de Ndoutingaye et parallèlement stigmatiser l’ingratitude de Bozizé
et de certains milieux knk, qui n’ont pas juré fidélité à l’ex vice-roi.
Des préfets, notamment ceux de la Mambéré Kadéi et de la Lobaye, lesquels selon une
source proche du ministère de l’Intérieur, ont coutume de rendre compte d’abord à Sylvain Ndoutingaye avant leur hiérarchie officielle, ont également été mobilisés.
Firmin Findiro, le délinquant ministre de la Justice, lui aussi dans l’oeil du cyclone en tant
qu’auteur intellectuel du coup de force raté, doit se dépêcher pour ‘’faire tomber très rapidement’’ quelques ‘’ennemis’’ de Ndoutingaye. Mais l’ancien procureur véreux sait que
ses jours sont comptés.
CEMAC, tendre fromage.
Toutefois, l’information la plus incroyable (mais peut-on encore être surpris ?), c’est celle que je vous donnais en
exclusivité et en priorité depuis plusieurs mois, bien avant le déclenchement de l’affaire Antoine N’Tsimi. Sylvain Ndoutingaye, aujourd’hui blackboulé du
gouvernement, entend plus que jamais atterrir à la présidence de la Commission de CEMAC qui, en théorie, doit revenir à la République centrafricaine.
Inutile de préciser que dans les capitales de la région, les autorités sont vent debout. Les commentaires sont partagés
entre l’affliction et les railleries. Un ministre camerounais explique : «Va pour le tour de la RCA à la tête de la CEMAC. Toutefois, les centrafricains sont-ils autant dépourvus de
cadres valables pour oser présenter la candidature d’un pseudo ministre des Finances qui avait affirmé sans rire que c’est l’euro qui est adossé au Franc CFA ?». De
profundis…
Même colère à Brazzaville où le président Denis Sassou Nguesso ne cache guère sa volonté d’imposer son
poulain Pierre Moussa, (retenez votre souffle) ministre d’Etat, ministre coordonnateur du pôle économique, ministre de l’Economie, du plan, de l’aménagement du territoire et de
l’intégration (ouf). Ce qui est sûr, c’est que cette affaire ne va pas améliorer les relations extrêmement délétères entre François Bozizé et ses pairs de la sous-région. Ne
parlons pas de ses futurs liens avec la nouvelle équipe en place à l’Elysée.
La légende de l’hydre à sept têtes
Sylvain Ndoutingaye ayant mis un genou à terre, se pose inéluctablement la seule question qui vaille
aujourd’hui. Cet homme doit rendre gorge. En d’autres termes, il convient d’entamer contre lui des procédures judiciaires susceptibles de retrouver et de rapatrier les dizaines et les dizaines de
milliards de FCFA qu’il a impunément détournés durant ses huit ans à la tête du ministre des Mines, plus un an aux Finances.
Il convient de lancer dans un second temps une demande d’entraide internationale à des institutions comme
Tracfin, organisme du ministère français des finances chargé de lutter contre les blanchiment d’argent et capables de tracer les énormes sommes qu’ils ont englouties,
Bozizé et lui, au titre des bonus à la signature des contrats léonins signés à tour de bras depuis près de 10 ans.
Comme avec Ndoutingaye, nous avons affaire à une hydre à sept têtes, un véritable nettoyage s’impose
dans la foulée, dans toutes les sphères du pouvoir à Bangui, à commencer par le gouvernement où sa principale maîtresse, Marilyn Roosalem, ministre du Commerce et trésorière du
parti knk, connait l’essentiel de ses petits et grands secrets.
Il faut dire que l’ex Dom Juan de pacotille l’a étroitement associée, ces dernières années, au pillage du trésor en même
temps qu’il l’instrumentalisait dans son entreprise de démolition des intérêts de la France en Centrafrique. Dernière illustration, Roosalem vient d’infliger une amende de 100
millions FCFA à Mocaf et Sucaf, deux entreprises du groupe français Castel. Personne n’aurait eu à redire si cette procédure ne relevait pas
d’une intention cachée : mettre à mal les relations entre Bozizé et la France, l’isoler et favoriser le coup foireux que Ndoutingaye et sa bande comptaient
tenter. Astucieux…
Ndoutingaye va-t-il rendre des comptes? On peut toujours rêver tant la toile tentaculaire qu’il a
tissée au ministère de la Justice en nommant Firmin Findiro à la tête de ce département le préserve de toute inquisition. Mais on peut surtout douter de la volonté de
François Bozizé de tirer une quelconque leçon de la tragi-comédie orchestrée par son neveu autrefois chéri et qu’il défendait bec et ongles.
En effet, dès le lendemain de l’éviction de Ndoutingaye, le soufflet est vite retombé avec la
nomination aux Finances d’un autre prédateur, Albert Besse. Comme le dit un cadre du ministère, «Ndoutingaye et Besse, c’est bonnet blanc et blanc bonnet»,
admirable locution popularisée par le communiste Jacques Duclos en 1969. Le même Besse qui envisageait, lui aussi, de briguer la présidence de la commission de
la CEMAC.
Gouvernement fantôme
Pour finir, juste au moment où je boucle la présente chronique, me provient la liste supposée d’un gouvernement d’union
ou de large ouverture destinée à être publiée le 18 juin prochain. Cette information ne me surprend guère. Je l’avais anticipée dans ma dernière tribune. En effet, j’y avançais
l’hypothèse plus que probable selon laquelle le pseudo-dialogue avec l’opposition et la société civile, amorcé depuis le 15 mai dernier, était juste destiné à débaucher quelques leaders en vue.
Du moins à tenter de les débaucher, si l’on en croit la cascade de démentis qui a suivi la publication de cette liste.
Vrai ou faux, j’imagine la chaude ambiance qui caractérisera la machine gouvernementale d’où bon nombre de ministres se
savent déjà éjectés. A l’opposé, je mesure la fureur de ceux qui espéraient y entrer, étant entendu que beaucoup doivent sans doute faire leur deuil de leur carrière gouvernementale mort-née.
Selon un membre du cabinet présidentiel, ces documents sont des faux en ce qu’ils comportent déjà des numéros d’ordre alors que d’ici le 18 juin, le président de la république
sera amené à signer un ou plusieurs décrets.
Ce qui est sûr, selon une source crédible, c’est que toute cette histoire a été montée et mise en musique par deux
frères dont l’un aurait été le grand gagnant de cette opération de replâtrage. Il s’agit de Théodore Jousso et de Maurice Ouambo, alias Djento.
Le premier, actuel ministre délégué à la présidence de la République chargé de l’Aviation civile, se serait retrouvé Premier ministre, excusez du peu. Le second, chargé de mission en charge des
Centrafricains de l’étranger, séjourne en ce moment à Bangui et fait feu de tout bois pour obtenir le poste stratégique de secrétaire général du parti KNK au pouvoir.
La nature ayant horreur du vide après l’éviction de Ndoutingaye, les deux frangins, nés de père
Camerounais, entendent désormais jouer les missi dominici auprès de Bozizé. Or selon nos sources, Théodore Jousso faisait lui aussi partie de la galaxie
Ndoutingaye.
Sentirait-il déjà le noeud de la corde s’enrouler autour de son cou plantureux ? En réalité, cette affaire ressemble
plus à une cabale, une de plus. Loin de développer tout esprit xénophobe, mais tout de même. Les Centrafricains, les vrais, ils sont où ?
Jusques à quand Bozizé, sa famille, son clan, sa région et ses obligés prendront-t-ils la République
centrafricaine pour leur chasse gardée ?