A l’occasion de l’audience accordée le 29 mai 2012 à l’Elysée au Président du BENIN, Son Excellence Thomas BONI YAYI,
Président en exercice de l’Union Africaine, le Président François Hollande a exposé sa politique pour l’Afrique, se définissant notamment par l’assainissement des relations entre la France et
l’Afrique, précisément la rupture avec ce qui est qualifié par le vocable « françafrique », le principe d’un nouveau partenariat équilibré,
la promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance, le pacte de croissance et de développement, la reconnaissance du continent dans le G20, la stabilité, la sécurité.
Le soutien de la France à la démocratie et à la bonne gouvernance en Afrique, desquelles pourraient découler la
croissance et le développement de ce continent serait salutaire. En effet, le déficit démocratique en Afrique s’accentue de plus en plus, avec des conséquences dramatiques sur les
populations et une répercussion indirecte sur les pays industrialisés dont la France.
DEMOCRATIE
Dans mon discours devant le Président du Sénat français en 1992 (à l’époque René MONRY) en qualité de chef de délégation de Parlementaires Africains en tournée en Europe et en Amérique du Nord sur le processus de démocratisation de l’Afrique, j’avais déclaré que
« Nos peuples aspirent à la liberté, à la démocratie, mais surtout à la paix pour se développer. C’est seulement et précisément dans ce sens que la démocratie est porteuse d’espoir en
Afrique ».
Dans cette même intervention, j’avais particulièrement attiré l’attention de la communauté internationale qui prône la
démocratie en Afrique, ce qui entraîne nécessairement l’alternance et le partage des pouvoirs, sur le fait qu’elle engagerait lourdement sa
responsabilité devant l’histoire et l’humanité toute entière en restant à l’écart de ce mouvement pour suivre son évolution sur ce continent ainsi que ses conséquences en
spectatrice.
J’avais par ailleurs souligné l’importance de l’encadrement de la communauté internationale dans la nouvelle marche de
l’Afrique vers la démocratie, car elle n’entendait pas sortir d’un chaos pour entrer dans un autre par l’anarchie, la division, la violence, le terrorisme politique, bref, le déchirement.
Le problème de l’efficacité des missions d’observations électorales et de
leur crédibilité qui dépendent d’un travail en amont et en aval des consultations (avis, assistance dans l’observation des projets de codes
électoraux afin de garantir l’égalité de traitement et de chance des candidats, organisation matérielle, surveillance des scrutins, de leurs dépouillements, conseils à la modération, à la
tolérance, stricte neutralité et objectivité dans les constats ou rapports etc.) y avait également été soulevé. En effet, en arrivant juste à la veille des élections pour repartir le lendemain de
leur proclamation, il est évident que les missions d’observations ne peuvent pas avoir le temps nécessaire pour effectuer un tel travail.
La crainte exprimée dans ce discours au sujet d’une Afrique déjà en retard, mais qui allait creuser davantage sa tombe
si un certain nombre de dispositions n’étaient pas prises, s’est réalisée aujourd’hui, 20 ans après. (copie intégrale du discours dans les archives l’Assemblée Parlementaire de la
Francophonie).
Si le soutien à la démocratie dans le cadre de la nouvelle politique africaine prônée par le Président François HOLLANDE
est effectif, il permettrait de corriger une grave contradiction entre d’une part l’évolution des idées sur le continent, consécutive à la mondialisation, au progrès de la technologie de l’information, au niveau élevé d’instruction des Africains d’une part et une gestion par des dirigeants en
marge de ce mouvement, laquelle se caractérise par des méthodes et un esprit passéistes, facteurs d’enlisement, de recul d’autre part.
BONNE GOUVERNANCE
Tout citoyen aspire au mieux-être, au bonheur et les dirigeants
nationaux ont pour cela le devoir de s’en préoccuper à travers l’organisation politique et la bonne gouvernance. La bonne
gouvernance qui recherche l’intérêt général qui est un bien commun, consiste à mieux faire, et porte sur des actions dans les divers secteurs de la vie nationale pour l’épanouissement de la population. Elle nécessite bien évidemment un
certain nombre de critères et conditions essentielles qui manquent malheureusement assez souvent en Afrique et dont les conséquences sont à l’origine
de son recul et de la misère croissante de sa population. La révolution américaine était l’affaire d’une élite qui a organisé les anciennes colonies par d’importants changements intellectuels
guidés par des idéaux républicains et démocratiques, qui forment aujourd’hui les valeurs américaines, à travers des textes de référence (Déclaration
d’Indépendance, Constitution) dans lesquels sont affirmés les droits à la liberté, à l’égalité et à la
recherche du bonheur. La révolution française a été également l’œuvre d’une élite (philosophes des lumières, c'est-à-dire un courant intellectuel du XVIIIème siècle, créé en France, ayant eu pour
but de sortir le peuple de l’obscurantisme par la connaissance). En
Afrique, les dirigeants sont arrivés pour la plupart au pouvoir sans idéal véritable, sans même parfois une idée de ce que représente un Etat, encore moins son fonctionnement, la collaboration
entre les institutions pour son intérêt, mais préoccupés par la recherche systématique de leurs propres intérêts, ceux de leurs familles, de leurs
clans avec tout simplement l’objectif de se fixer à sa tête de la nation par tous les moyens et pour toujours. La conception, les orientations, les
actions concernant la vie de la nation s’éloignent bien évidemment dans ces conditions de la bonne gouvernance. Par ailleurs, la compréhension entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés
manque, les premiers n’ayant aucun compte à rendre aux seconds quand bien même leurs actions malencontreuses ont toujours mis en péril la vie de ces derniers, et même de plusieurs
générations.
L’absence de bonne gouvernance en Afrique devient de plus en plus
non seulement source de pauvreté, mais d’immigration.
En effet, de la même manière que l’Afrique a suivi le modèle
d’urbanisation des pays occidentaux ou industrialisés sans en avoir les moyens, elle prend aujourd’hui celui de la démocratie de l’Occident sans les valeurs républicaines qui accompagnent ce
processus. Alors qu’en Occident au XIXème siècle, l’urbanisation était source de création de richesses dans les villes dont l’industrialisation avait
besoin de la main d’œuvre d’origine rurale, c’est le contraire en Afrique. L’absence de développement des zones rurales est source de déséquilibre du territoire, lui-même source d’exode
rural massif vers les villes africaines, lesquelles n’offrent ni emploi, ni logement, ni soins, mais se caractérisent au contraire par la
squattérisation, la sur densification, la bidonvilisation bref, des conditions de précarité physique extrême. Aux conditions socioéconomiques se
superposent celles à caractère sociopolitique, répulsives, facteur bien évidemment de l’immigration dans des conditions souvent dramatiques en
Occident d’une manière générale et en France, ancienne puissance colonisatrice en particulier. La nécessité de survie est dans ces conditions telle qu’un sous-emploi en Occident pour des cadres
africains formés pourtant pour le développement de leurs pays devient préférable, même si cela les amène à perdre la main.
SUGGESTION DE SOLUTIONS A CETTE SITUATION
La pauvreté de l’Afrique aura nécessairement des répercussions indirectes sur l’Occident par l’immigration des
populations de ce continent. En apportant un soutien effectif à la bonne gouvernance en Afrique, la France pourrait la faire conduire non seulement sur la voie de la recherche de l’intérêt
collectif, de la croissance, du développement, mais faire véritablement freiner l’immigration sur son territoire.
Un soutien à l’accompagnement des politiques de « développement
équilibré du territoire » en Afrique en assurerait le rééquilibrage physique en corrigeant les inégalités spatiales en termes économiques et sociaux. Un tel partenariat ou coopération serait
directement bénéfique aux populations (actions géographiques sur un certain nombre de composantes : réseaux de communication, localisations industrielles, développement agricole et urbain
etc.). Les avantages d’un tel soutien seraient multiples. Il permettrait ainsi de contourner la mauvaise gestion de l’aide internationale qui n’aboutit pas souvent ou entièrement aux peuples d’Afrique qui en sont les destinataires, en leur profitant directement par cette formule. En deuxième lieu, ce nouveau volet de soutien permettrait
de freiner l’exode rural et même redistribuer les populations des grandes villes sur l’ensemble du territoire par l’attrait d’activités créatrices d’emplois, de richesses. En troisième lieu, une
telle politique freinerait l’immigration et même conduirait les cadres africains immigrés à retourner dans leurs pays pour se mettre à leur service dès l’instant où la démocratie serait
effective, apaisée, tolérante, la bonne gouvernance appliquée à la recherche de l’intérêt collectif, la voie du développement ouverte.
En ce qui concerne les cadres, il n’est nullement dans l’intérêt de l’Afrique de perdre des cerveaux dont la formation a
été coûteuse et qui est en train de dépérir dans le cadre de « l’immigration forcée », c'est-à-dire consécutive à la gestion répulsive de
ses dirigeants. Cela ne ferait que retarder son développement. La France n’a pas non plus intérêt à voir la pauvreté de l’Afrique se poursuivre avec des conséquences sur l’immigration massive et
surtout clandestine sur son territoire. Une réaction collective est pour cela nécessaire dans le cadre d’un mécanisme approprié de
développement du continent africain qui représente un grand chantier de production entièrement neuf. La communauté internationale d’une manière générale, la France en particulier (dans le cas
présent) dispose de tous les moyens pour non seulement encourager une telle politique, mais la faire réaliser.
Fait à
Paris le 04 juin 2012
E. Olivier GABIRAULT
* Urbaniste-Aménagiste en Chef (freelance)
Personnalité Indépendante centrafricaine