Après deux ans à la tête de la Banque de développement des États de l’Afrique
centrale (BDEAC), le gabonais Michaël Adandé a montré ses limites et semble peu outillé à tenir le gouvernail de l’institution sous régionale. Si à l’intérieur de la Banque les critiques sur sa
gestion fusent, on peine quand même, surtout à l’extérieur, à ne pas craindre le pire…
D’autant plus que rien ne va plus au sein de la Banque de développement
de la CÉMAC à cause de son président qui cultive une logique de défi permanent vis-à-vis du personnel de la Banque. C’est même manifestement le fil
rouge de sa politique, entrainant ainsi une démotivation généralisée des effectifs. La BDEAC n’est plus ce qu’elle était il y a encore quelques années, c’est-à-dire, une institution en pleine
expansion. « Elle est définitivement fichue et totalement voilée de la tête aux pieds, complètement enveloppée comme dans un
linceul », analyse un cadre sur le départ. Pour un grand nombre de spécialistes, à ce rythme où les démissions se succèdent en cascades parmi les cadres qui ont plusieurs années
d’expériences, le sort de la Banque est réglé. Expédié, plutôt, avec quelques salves d’analyses pessimistes comme autant de pelletées de terre sur un cadavre qui présente toujours l’inconvénient
de bouger encore, « parce qu’il ne sait pas qu’il est définitivement fichu, prêt à être porté à six mètres sous terre ». La cause perdue de l’institution est pour eux presque sans appel. Les spécialistes, dans leur grande majorité, ont voté… la peine capitale. Sans les
circonstances atténuantes : le président de la Banque est le principal responsable du climat délétère qui compromet dangereusement son avenir. Pour le seul mois de septembre, on a noté la
démission de pas moins de cinq employés de la Banque, notamment du responsable de l’unité environnemental, Niaro III Ludovic, de Ako’o Daniel, chef de division budget et contrôle de gestion, du
conseiller du président chargé des moyens et systèmes de paiement, Lionel Beina, de Ngalé Vanessa, chargé de l’audit interne, du chef de division administration, patrimoine et sécurité et de
Martial Yandzi, administrateur réseau. À ce rythme, d’ici à la fin de l’année, et nous exagérons à peine, on va retrouver, comme employés de la Banque, que les seuls obligés gabonais de Michaël
Adandé, arrivé à la tête de la BDEAC dans un contexte de mutation au sein de la sous région et qui n’a cherché à s’entourer que des siens. Même le
cabinet SOFRECO, commis pour « élaborer et proposer un dispositif global en vue de renforcer les capacités des ressources humaines de la BDEAC et
d’assurer la gestion efficace de ses compétences », a écrit noir sur blanc dans son rapport que « de réunions fréquentes et longues
[ organisée chaque jour par Adandé, NDLR]
mobilisent l’ensemble des cadres
et responsables de structure (chefs de division, chefs de départements, conseillers, directeurs) sur une grande diversité de sujets. Ces réunions, dont la durée n’est pas déterminée à l’avance,
affectent le temps de travail nécessaire aux cadres pour les travaux d’analyse et de conception en plus qu’elles
[ces réunions, NDLR]
posent un problème d’efficience
si l’on considère les coûts liés à leur mobilisation collective récurrente ».
Le bavardage peut faire
recette un temps mais pas tout le temps.
Il y a assurément une malédiction Adandé, dont le bavardage et la violence verbale sont des marques de fabrique. Une sorte d’incapacité à gérer qui l’amène à dresser les employés de la Banque les uns
contre les autres. C’est un mélange d’incompétence et de mensonges qui lui a permis de tenir le coup depuis janvier 2010. Pourtant, on le savait placé sur la sellette avant le 11e
sommet des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale, tenu à Brazzaville fin juillet 2012, mais il a réussi à passer entre les gouttes grâce au
soutien, dit-on, de son pays. Rien d’étonnant, lorsqu’on sait que les responsables politiques d’Afrique centrale ont toujours un faible pour les marchands d’illusions et les vendeurs de rêves.
Autant dire que la dégringolade actuelle de la BDEAC est un travail collectif. Toutefois, les dirigeants y ont leur part, une grande part. Ce qui explique, en partie, le cynisme d’Adandé, qui n’a
cessé de clamer, depuis la fin du sommet de Brazzaville, qu’il a « sauvé sa tête ». Mais pour combien de temps ?
Le « bonimenteur » comme l’appellent certains cadres de la Banque, a tellement raconté tout et son contraire qu’il se trouve aujourd’hui dépassé.
« Depuis que je suis là, la Banque a pu remplir ses missions que sont de lever des ressources, ce qui se faisait plus, et de financer les
projets, tout en poursuivant les réformes qui sont incontournable et indispensables. Et pour lever les ressources à l’extérieur, il faut être performant. Il faut être aux normes. Or, la banque
n’est pas aux normes. Elle ne sera mise aux normes que grâce aux réformes », nous déclarait-il en marge du sommet de la CEMAC. Michaël Adandé est comme cela. Toujours vantard et
ramenard. Le comble, c’est qu’il parle seul, de tout et surtout. Lorsque l’on a le malheur de croiser son chemin, et ce, depuis sa nomination, on se voit répéter qu’à sa nomination par les
chefs de l’État en janvier 2010, il avait trouvé la Banque « en lambeau » et qu’il « s’est
donné un mal fou à la remettre sur les rails » mais « se heurte à la résistance farouche d’une parties des cadres, réfractaires à toutes
évolutions ». Aujourd’hui, envolés, ces contre-vérités ! dissipé le bavardage qui ensorcelait et paralysait amis comme ennemis. On le voyait toujours plus beau qu’il n’était,
promettant à tout-va de sauver la Banque. On avait tellement surestimé sa « vraie valeur », qu’on en est actuellement à reconnaître, avec
regret, il faut le souligner, qu’en deux ans, Michaël Adandé n’a rien apporté de concret à l’institution sous régionale, si ce n’est le mépris total des statuts et autres textes réglementaires de
la Banque en allant lui-même rechercher les projets et négocier les conventions de financements avec les prometteurs, prélevant au passage une dîme. Ce qu’aucun de ses prédécesseurs ne l’avait
fait auparavant. En outre, le moins convenable de cette histoire n’est pas qu’il ne soit pas à la hauteur de la tâche, mais qu’il s’est s’approprié, avec l’arrogance du parvenu, la paternité des
réformes entreprises sous la gouvernance de son prédécesseur, le centrafricain Georges Anicet Dologuélé. La précédente présidence, il faut le rappeler, avait notamment intensifié la coopération
avec certains partenaires internationaux et sous régionaux comme la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement et élaboré le programme des appuis institutionnels (PAI) devant
renforcer les capacités d’intervention de l’institution afin de lui permettre de mieux remplir ses missions statutaires. Les conventions de partenariat avaient déjà été signées ne restait plus
que la mise à disposition des fonds nécessaires. Pour mémoire, les négociations avaient été conduites par le camerounais Paul Guy Nanda, ancien conseiller du prédécesseur de Michaël Adandé. Mais
depuis, patatras ! À cause d’un style de management pour le moins décrié du président de la BDEAC, la Banque africaine de développement ne semble plus presser à libérer ses actifs pour
l’augmentation du capital de la BDEAC. Elle pose des conditions, à juste titre d’ailleurs.
Pour tout dire, le bilan de « monsieur 10% », allusion aux commissions que « touche » Michaël Adandé avant l’attribution de toutes subventions, est là,
catastrophique. Malgré des efforts entrepris
il y a quelques années pour redonner à l’institution sa lettre de noblesse, la Banque a clôturé les comptes de l’exercice 2011 par un résultat déficitaire de près de cinq milliards de francs CFA.
Sa gestion pour le moins contestable et ses recrutements anarchiques ne respectant aucune procédure prévue par les textes de la Banque ont occasionné l’accroissement de 35% de la masse salariale.
Le cabinet SOFRECO a même noté dans son rapport que « la progression sur la même période
[ celle qui a suivi la nomination de Adandé, NDLR]
des retenues
diverses (remboursements de prêts, avances, acomptes) à hauteur de 85% est sujette à interrogations ». Ceci expliquant cela, puisque le président de la Banque lui-même
ponctionne le budget de fonctionnement sans discernement pour des voyages et autres missions tout aussi inutiles et non justifier.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pouvoir use et le pouvoir
absolu use absolument. Aujourd’hui, l’aura et le drapeau de Michaël Adandé sont en berne, son teint est plus pâle et sa démarche plus cabossée. Il est brutalement redevenu, ce qu’il a semblé
oublié à ses débuts, un simple mortel parmi d’autres. Ce retour sur terre est ni plus ni moins qu’un crash définitif, avec le risque qu’il entraine dans cette chute, la BDEAC.
Serge Wakodro et Thierry Armand