Un mois jour pour jour-le 24 mars- après avoir défait (brisé) la résistance de l’armée loyaliste représentée à l’époque par l’armée centrafricaine ou ce qu’il en restait et le corps expéditionnaire sud-africain dépêché à la rescousse du gouvernement centrafricain en vertu d’accords de coopération militaire, les éléments armés de l’ancienne coalition rebelle de la Séléka faisaient leur entrée triomphale dans la ville de Bangui, suscitant les vivats d’une partie non négligeable de la population et sonnant ainsi définitivement le glas du pouvoir « légal » mais pas moins clanique, népotique et autoritaire du Général-président qui a, entretemps, achevé d’agacer et fini par être lâché par ses pairs de l’Afrique centrale en raison de son obstination, dit-on, et subsidiairement faiseurs de roi au moment de sa prise du pouvoir inaugurée par « l’ère de la libération du 03 mars 2003 » et principaux soutiens durant ses dix années de règne .
Comme tout changement, après un exercice décennal d’un pouvoir sans partage, cette victoire opérée par la force des armes a plutôt été diversement appréciée par les segments de notre société ; les uns euphoriques et convaincus que cette alternance militaire pourrait apporter un mieux-être dans leur vie ; les autres favorables au régime défunt regrettant de perdre ainsi brutalement les leviers du pouvoir avec son corollaire de lucratifs avantages matériels, de contrôle des ressources publiques et de prébendes.
Ainsi, vont malheureusement les vicissitudes de la vie politique sous les tropiques et notamment en RCA.
Ce changement, du moins pour l’instant- loin de garantir le bonheur tant rêvé- est venu accroître la misère déjà indescriptible et le désarroi du peuple centrafricain. C’est le moins que l’on puisse dire.
Depuis cette date mémorable du 24 mars 2013 à ce jour, les populations centrafricaines sont soumises à un phénomène de pillage d’anthologie et aux violences de toutes sortes. Même si, depuis, leur intensité tend à s’amenuiser.
On parle même aujourd’hui de cas d’assassinats et de viols massifs sur la personne de nos filles et de nos femmes.
Ce qui est d’une extrême gravité.
Si tel est le cas- ce qui semble se confirmer selon divers témoignages recueillis- des mesures urgentes doivent être impérativement prises pour faire cesser ces violences inqualifiables et leur réserver, le cas échéant, les conséquences judiciaires qui s’imposent.
Car, de tels faits ne peuvent être tolérables sous aucun prétexte.
Il ne saurait y avoir, en l’état actuel des choses, une justice des vainqueurs et une justice des vaincus.
L’Etat doit être rétabli dans ses fonctions régaliennes de l’Etat de droit dans un régime dit libéral au sens politique du terme.
Une chose est de prendre le pouvoir par les armes ; une autre est de savoir le gérer au nom de l’impératif d’intérêt général et de l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Nul ne peut se faire justice à soi-même. Faute de quoi, l’on assistera à la loi de la jungle dans un Etat voyou. Je ne souhaite pas ce sort à mon pays d’autant plus qu’il est déjà très exsangue.
L’Etat ne peut, ne doit continuer à consacrer l’impunité à une catégorie de citoyens privilégiés au détriment des autres.
On juge le maçon au pied du mur, dit-on.
C’est le lieu de demander instamment aux autorités en place de prendre toutes les dispositions qui s’imposent et nécessitées par les circonstances exceptionnelles pour pacifier le pays.
C’est aussi, à juste titre, que nous saluons la dernière décision prise lors du sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) tenu à N’djamena de porter à plus de 2000 hommes, et ce au-delà de toute espérance, le contingent multinational africain (la FOMAC) déjà présent sur notre sol afin d’aider à la sécurisation du pays non seulement à Bangui mais également à l’intérieur de nos frontières.
Il faut rappeler que les populations de l’intérieur n’échappent pas aux affres des violences en cours sur l’ensemble du territoire.
C’est aussi l’occasion de réitérer solennellement notre demande à la France, en sa qualité d’ancienne puissance tutélaire de la RCA, notre partenaire privilégié et de toujours d’aider nos forces de défense et de sécurité à ramener l’ordre et la paix sur l’étendue du territoire national.
La France en a les moyens ; elle en a l’expertise ; elle a les capacités opérationnelles d’intervention afin de faire face à la situation très préoccupante que vivent stoïquement nos populations.
La vie humaine n’a pas de prix et la nécessité de préserver les vies humaines passe avant toute exigence d’impératifs de considérations d’ordre démocratique. Je veux, ici, faire allusion aux derniers propos du ministre français des affaires étrangères interpelé sur le sujet et qui exige, au préalable, la mise en place d’autorités légitimes.
Certes, les institutions centrafricaines actuelles ne répondent pas aux standards et critères démocratiques internationaux. N’empêche, la France ne doit abandonner le peuple centrafricain au milieu du gué.
Quand la maison de ton voisin brûle, tu l’aides à éteindre le feu avant de t’interroger sur les causes et les circonstances de la survenue du sinistre ou avant de chercher à savoir si l’incendie résulte de son propre fait.
C’est en période de difficulté, que l’on reconnaît ses vrais amis.
Si, au nom de l’enjeu de lutte contre le terrorisme international, la France, La Grande France est intervenue immédiatement et comme un seul Homme pour porter secours au pays frère du Mali et le sauver de ce péril menaçant à la demande des autorités maliennes issues tout autant d’un coup de force, cette même grande France que nous aimons doit, sans sourciller, agir pour préserver la paix et surtout les vies humaines en RCA.
Nous demandons à la France de renoncer à pratiquer la doctrine du deux poids deux mesures en s’investissant dans la résolution de la crise centrafricaine pour protéger les populations afin de ne pas être taxée demain de non-assistance à peuple en danger.
La France pourrait, par exemple, agir dans le cadre d’une résolution du conseil de sécurité des Nations Unies en vertu du chapitre 7 de la charte des Nations Unies qui impose, au besoin, le recours à la force.
Dans ce cas, elle interviendrait comme une force d’imposition de la paix.
Au nom du concept internationaliste du devoir d’ingérence humanitaire, la France doit agir pour arrêter la casse.
Un véritable drame humain et une catastrophe humanitaire sont entrain de se dérouler en RCA faisant inopportunément et malencontreusement fuir, pour des raisons d’insécurité, les ONG humanitaire dont la mission principale est justement d’assister les populations démunies en temps de conflit.
La RCA est, aujourd’hui, menacée de somalisation. Nul ne peut souhaiter un tel destin funeste à son pays ou à son voisin.
Cet appel à la solidarité et à l’ingérence militaire internationale ne saurait exonérer de leurs responsabilités nos propres autorités qui doivent être, dans ces circonstances, en première ligne dans ce combat contre l’insécurité et prendre leurs responsabilités mais toutes leurs responsabilités devant les Hommes et devant l’Histoire.
Le monde les regarde, l’Afrique les regarde, les peuples de Centrafrique les observent.
Dans cette perspective, le gouvernement du Premier ministre Nicolas Tiangaye doit, sans tarder, procéder à l’encasernement et surtout au désarmement des éléments incontrôlés de la Séléka et des autres miliciens de l’ancien régime qui continuent d’écumer les quartiers de Bangui commettant pillages systématiques et semant, au pasage, la désolation.
Le nouveau gouvernement serait bien avisé de prendre très au sérieux les récentes menaces proférées par la Procureure générale près la Cour pénale internationale (CPI), madame Fatoumata Bensouda d’ouvrir, le moment venu, une information judiciaire sur les exactions commises en Centrafrique sur les populations civiles.
Dixit les termes d’un communiqué publié par le bureau de la Procureure.
Sans paix, sans sécurité, rien de viable ne peut se faire en Centrafrique. Aucune activité économique ne peut être entreprise. Tout investisseur étranger, quelle que soit sa bonne volonté, serait très frileux quant à la destination Centrafrique alors que tout est à faire chez nous. Et, que nos populations sont dans le dénuement le plus complet.
Le défi sécuritaire relevé, la RCA peut alors se consacrer à ses énormes tâches de développement, ci-devant le cœur de toute politique crédible et marquée du sceau de la dignité et de la responsabilité.
Le service de l’Etat est exercé pour satisfaire les besoins vitaux de l’humanité. Et, en la matière, les défis sont colossaux, voire titanesques en RCA. Mais quand on veut, on peut.
Du coup, les problèmes sécuritaires que connaît aujourd’hui la RCA bloque le fonctionnement de ses administrations. Pas d’école. Les activités tournent au ralenti en attendant-espérons le- des lendemains meilleurs.
En rédigeant ces lignes, j’ai présent à l’esprit les paris à tenir dans les domaines très variés de l’éducation, de la santé, de la culture, du civisme, des infrastructures (routes, ponts, aéroport, aménagement du territoire, urbanisme, habitat social, logement, télécommunications), des services de base (eau, électricité), des ressources minières, de l’agriculture et de l’élevage, de l’assainissement et du redressement des services financiers de l’Etat (impôts, douanes, trésor), de la justice et, bien sûr, dans le domaine du chantier phare de la restructuration du secteur de la sécurité (police, gendarmerie et forces armées), objet de cette étude.
Autant de thèmes qui intéressent la vie et l’avenir de notre nation et auxquels j’ai déjà consacré une analyse en présentant les aspects protéiformes des reformes structurelles à mettre urgemment en œuvre.
Que Dieu Eternel des Armées n’oublie pas la RCA.
Wilfried Willy ROOSALEM