http://www.marianne.net ALAIN LÉAUTHIER Mardi 30 Avril 2013 à 16:26
Que se passe-t-il en République centrafricaine? Depuis que le 24 mars dernier, une coalition hétéroclite de divers mouvements rebelles issus du Nord, la Séléka a renversé par les armes le président François Bozizé, l’intérieur du pays et plus encore la capitale Bangui sont plongés dans le chaos, soumis aux pillages en règle et aux exactions en tous genres.
A plusieurs reprises diverses institutions onusiennes ou africaines ont tiré la sonnette d’alarme. Le 25 avril, Leila Zerrougui, représentante spéciale du Secrétaire général de l’Onu pour les enfants s’inquiétait publiquement du sort que leur réserve la Séléka, notamment en les enrôlant de force dans ses rangs. Trois jours plus tôt, la Gambienne Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale (CPI) menaçait de poursuivre les auteurs d’éventuels crimes et violations des droits de la personne.
Signe de la tension persistante, il y a une dizaine de jours, sur l’axe Mbrès-Kaga Bandoro, exaspérés par les pillages, des villageois s’en sont pris à des éléments de la Séléka, tuant l’un d’entre eux. En représailles, les rebelles auraient brûlé des dizaines de maisons et tué onze villageois. Mais manifestement, le nouvel homme fort et président auto proclamé Michel Djotodia n’entend pas le message ou du moins a-t-il les plus grandes difficultés à imposer un semblant de discipline aux diverses milices en présence.
La fin des désordres risque de se régler sans douceur. C’est du moins la menace que brandit aujourd’hui le commandant Armel Sayo, un des principaux chefs militaires de la Séléka. Après avoir rompu avec ses anciens compagnons d’armes, il leur lance aujourd’hui un ultimatum les enjoignant de cesser les violences sous peine de les déloger par la force. Ancien responsable de la sécurité de feu le président Ange Félix Patassé (renversé par un coup d’Etat de Bozizé en 2003), ce militaire aguerri assure avoir derrière lui nombre de dissidents de la Séléka.
C’est le cas du Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) d’Abdoulaye Miskine, mais aussi d’une partie des Forces armées centrafricaines (FAC), les forces régulières balayées par l’offensive des rebelles. Marianne a pu interroger Armel Sayo, alors qu’il prépare une éventuelle opération anti Séléka, quelque part entre le Cameroun et l’ouest du pays.
Marianne. Qu’est ce qui justifie votre ultimatum à la Séléka et Michel Djotodia ?
Armel Sayo. Il y a urgence à rétablir une forme de stabilité car les populations ne supportent plus les débordements, les exactions, les pillages et ce qui s’apparente de plus en plus à un terrorisme anti-chrétien et une tentative de nettoyage ethnique.
Marianne. Vous avez des preuves de cela ?
A.S. Il y a eu des églises brûlés ou mitraillés, des nationaux tués parce qu’ils sont chrétiens. C’est l’inconscient caché d’une partie des forces de la Séléka qui refait surface. Oui il y a bien une tentative de créer un espace islamisé en s’appuyant sur des forces venues du Soudan et du Tchad.
Marianne. Mais au début vous étiez allié avec ces éléments.
A.S. Nous avions un but commun : nous débarrasser de Bozizé. Cet objectif a été trahi lors des accords de Libreville où une partie de la Séléka a accepté de composer avec lui. Et c’est pourquoi nous avons rompu avec eux. Finalement, ils ont chassé Bozizé mais pour instaurer un climat et un régime dont nous ne voulons pas.
Marianne. Que voulez-vous alors ?
A.S. Une transition pacifiée permettant au plus vite l’organisation d’élections réellement démocratiques. Ce pays a besoin de stabilité, de paix et de développement et actuellement c’est tout le contraire qui est à l’œuvre, une véritable régression vers le passé. Avec les évènements au Mali, est-il besoin d’ajouter que cette situation est aussi un danger pour toute la sous-région ?
Marianne. Comment voyez-vous la suite ?
A.S. Il faut coûte que coûte restaurer la souveraineté de l’Etat et chasser ceux, qui avec l’aide de forces étrangères, veulent imposer des valeurs étrangères aux nationaux.
Marianne. Une médiation est-elle encore possible ?
A.S. Nous leur avons tendu la main mais ils n’ont pas répondu. Tant pis. Ils ont mal commencé et ils vont mal finir.
Marianne : Qu’attendez-vous de la France ?
A.S. C’est un allié historique mais elle doit se tenir à l’écart. Cette histoire est purement centrafricaine et ce sont les Centrafricains et eux seuls qui doivent apporter une solution démocratique.