http://www.afrikaweekly.com 30 AVRIL 2013 13 H 45 MIN
Martin Ziguele, président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain, nous a accordé une interview exclusive afin de porter à la connaissance de tous, son analyse de la situation qui prévaut en Centrafrique.
1- Monsieur Ziguele, président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC), un mois s’est écoulé depuis la prise du pouvoir en République Centrafricaine par la coalition SELEKA. Quelle lecture faites-vous, aujourd’hui, de la situation qui prévaut en Centrafrique ?
A notre retour de Libreville le 11 janvier dernier, j’ai cru comme beaucoup d’autres centrafricains qu’une issue politique était désormais en chantier pour permettre à notre pays de continuer sa marche dans la paix. Mais force a été de constater qu’un des acteurs majeurs, à savoir l’ancien Président BOZIZE n’avait aucune intention de jouer le jeu de la réconciliation. Il a délibérément refusé de respecter ces accords, ce qui a occasionné la reprise des hostilités qui ont tourné en sa défaveur. François BOZIZE a échoué à faire la paix, et comme il a également volontairement affaibli les FACA, il ne pouvait que finir par perdre le pouvoir.il est entièrement responsable de cette issue violente.
Par principe, en tant que démocrate, nous condamnons toute prise de pouvoir par la force mais compte tenu de l’autisme politique de François BOZIZE après- Libreville, nous ne pouvons que prendre acte de ce changement.
2- Depuis le changement de régime, il y’a persistance de viols, d’exactions et de pillages des biens privés et édifices publics. Certains imputent cela aux éléments de la Séleka et d’autres aux partisans de l’ancien président François Bozize, partagez-vous l’un de ces points de vue ?
Nous condamnons évidemment toutes ces violences, quelqu’en soient les auteurs. Comme vous le dites, ces violences sont le fait en tout cas d’hommes armés, qui sont aussi bien des éléments incontrôlés de Séléka que des partisans armés de Bozizé. Ils doivent être arrêtés et mis à la disposition de la justice, pour que force reste à la loi
3- Selon vous, quelle issue à cette crise en République Centrafricaine ?
Il faut que les nouvelles autorités intensifient les efforts déjà entrepris pour que les forces de défense et de sécurité , dans leur ensemble, soient effectivement opérationnelles dans Bangui et à l’intérieur du pays. Il faut qu’à tous les niveaux du sommet à la base, les différents responsables de l’armée, de la gendarmerie et de la police soient rapidement nommés ou confirmés, pour battre le rappel de leurs hommes et assurer la sécurité des personnes et des biens, et notamment des postes douaniers aux frontières, des sites sensibles comme les parcs nationaux, des unités de production et des biens publics et privés. De même, le cantonnement des éléments de la Séléka doit être pour ne pas donner l’impression à la population que les hostilités continuent, et que nous vivons toujours dans un état de guerre.
Il faut créer un climat de sécurité et de paix, et la vie reprendra, même lentement, mais sûrement.
4- Les centrafricains reprochent à sa classe politique son inaction et son immobilisme. Comprenez-vous ces frustrations ?
Oui je comprends ces frustrations, car dans ces moments difficiles, notre peuple déboussolé a besoin d’entendre des voix qui le rassure. Je voudrais préciser ici que pour ce qui me concerne et le MLPC, nous ne nous sommes jamais tus. Nous avons toujours tenu à exprimer notre compassion à notre peuple meurtri et aujourd’hui appeler à la reprise du travail pour reconstruire notre pays.
5- Pensez vous que votre parti, le MLPC, fasse partie de cette classe politique ayant frustrée les centrafricains de par son immobilisme et son inaction ?
Le 12 mars 2013 le MLPC par ma modeste voix est intervenu sur Radio Ndeke Luka pour condamner les appels à la haine lancés par les animateurs de COCORA et de COCOA, et leur prise de position pour dénoncer les Accords de Libreville. J’avais notamment dit que ces irresponsables jouaient avec le feu en opposant les centrafricains les uns contre les autres en distribuant des armes aux jeunes, en érigeant de barrières nocturnes dans tout Bangui, etc. Le MLPC par ma voix est monté au créneau pour dénoncer cela alors que d’autres encourageaient BOZIZE à s’entêter en organisant des marches de soutien à sa gloire. On a même vu des hommes ayant appartenu à la Médiature et des responsables de certains partis politiques s’associer aux responsables de COCORA pour créer des mouvements politiques appelant ouvertement à la haine entre centrafricains. Tous ceux-là aujourd’hui veulent se refaire une virginité politique et exigent sans vergogne d’ entrer au CNT. Qui a toujours été actif pour défendre les principes républicains face à BOZIZE? Le MLPC et l’opposition démocratique. Soyons humbles dans la critique. Nous avons parlé hier et nous continuons à parler pour défendre les valeurs de la République et notre vivre en commun.
6- Comment le MLPC entend t-il participer à l’animation de la vie politique et de la refondation de l’Etat Centrafricain ?
Le MPLC est un parti républicain et social-démocrate. Nous avons toujours lutté , depuis Bokassa dont certains se sont accommodés sans état d’âme, pour la République. Nous allons continuer notre combat comme parti politique respectueux de la loi et de l’ordre, pour le respect en tout temps et en tout lieu des valeurs de la République: égalité des citoyens devant leurs devoirs et dans leurs droits, respect des libertés individuelles et collectives, et bonne gouvernance pour un développement inclusif de notre pays.
7- Comment avez-vous accueilli les décisions ayant abouti à la mise en place du CNT et à l’élection de Djotodia ainsi que les dernières recommandations des chefs d’états de la CEEAC ?
Je voudrais une fois de plus remercier les Chefs d’Etat de la CEEAC qui se sont mobilisés dans l’urgence et à plusieurs reprises au chevet de notre pays. Ils ont une connaissance intime de notre pays et de notre histoire tumultueuse, et en conséquence, ils ont pris de sages décisions qui prennent à la fois compte de la légalité et de la réalité, avec l’appui de la communauté internationale que nous saluons ici. A nous centrafricains de ne pas décevoir toute cette mobilisation autour de notre pays.
8- La transition est censée se conclure dans dix-huit mois par des élections présidentielles et législatives. En 2011, vous avez représenté le Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain aux présidentielles, serez-vous encore à nouveau candidat ?
La décision de choisir un candidat est une prérogative exclusive et statutaire du Congrès du MLPC. Puisque je suis un militant discipliné, je ne peux préjuger de la décision à venir du Congrès du Parti.
9- Absent du Gouvernement et du CNT, quel sera votre rôle durant cette transition ?
Je suis citoyen centrafricain, militant du MLPC et présentement Président du Parti. Parallèlement à cela, je suis un modeste consultant international dans le domaine des assurances et de la finance. Comme a dit le Christ, à chaque jour suffit sa peine, et croyez-moi, mes journées sont bien remplies.
10- Pour conclure, quels conseils pourriez-vous donner aux nouvelles autorités afin de mener à bien la mission qui leur incombe durant cette transition ?
Le conseil que je donne très modestement aux nouvelles autorités de notre pays est d’être constamment à l’écoute du peule centrafricain, Comme le disait Feu Omar BONGO ONDIMBA, le visage des centrafricains doit être le miroir du Président DJOTODIA. Si les centrafricains sourient, il doit s’en réjouir mais si les centrafricains ont des inquiétudes, il doit les faire siennes et leur donner des réponses. Le Président DJOTODIA doit garder le cap qu’il a pris restant modeste, en étant accessible à tous, et prennent de son temps pour être à l’écoute de tous. Les centrafricains sont tellement traumatisés par la gouvernance violente, prédatrice et familiale de Bozizé qu’en réalité ils demandent aux nouvelles autorités de « ne pas faire comme Bozizé. Ils veulent que les nouvelles autorités leur donnent des raisons d’oublier BOZIZE et de pouvoir mieux vivre leur vie de tous les jours dans la paix et le respect de leurs libertés.