S. E. Madame l’ambassadeur Marie-Charlotte Fayanga n’est plus. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe puis s’est répandue comme une traînée de poudre dans l’hexagone où elle était venue se soigner auprès de ses enfants, et aussi dans le milieu du corps diplomatique notamment au Congo-Brazzaville dont elle était le doyen pendant plus d’une décennie. Tandis qu’en Centrafrique, sa terre natale, c’est la consternation. Et pour cause, c’est une grande figure de la gent féminine et de surcroît l’une des premières femmes ambassadeurs du pays qui s’en va.
Oui, Marie-Charlotte Fayanga, ex-épouse Aguide a marqué plusieurs générations successives depuis les années de l’indépendance à nos jours, tant par son combat politique que par sa farouche détermination à œuvrer pour le redressement de son pays.
Née le 23 janvier 1946 à Bangui, Marie-Charlotte est entrée de 1966 à 1969 à l’ENA (Ecole nationale d’administration) devenue par la suite l’ENAM (Ecole nationale d’administration et de magistrature) dont le directeur était un français, Maurice Espinassse. Dans la même promotion baptisée « Développement » il y avait également mesdames Thérèse Dejean et Jeanne Colette Mavolomade. Puis en 1969, elle s’envola en France où elle s’inscrivit au prestigieux Institut international d’administration publique de Paris (IIAP), avenue de l’Observatoire dans le 6ème Arrondissement de 1969 à 1972.
De retour à Bangui, elle entra au gouvernement de Jean Bedel Bokassa et occupa le portefeuille de ministre en charge du Parc auto présidentiel du 1er janvier au 24 septembre 1975.
En février 1976 elle fut arrêtée en raison de ses liens de parenté avec le transporteur centrafricain, François Kossi, impliqué et exécuté ainsi que huit autres conjurés suite au coup d’Etat manqué du commandant de l’Escadrille Fidèle Obrou.
Le 04 septembre 1976, après une visite à Tripoli chez le guide libyen Mouammar Khadafi, le président Jean Bedel Bokassa dissout le gouvernement et met en place le Conseil de la Révolution au sein duquel Marie-Charlotte Fayanga sera nommée secrétaire d’Etat à la Présidence de la République en charge de la CAISTAB (Caisse de stabilisation et de péréquation des produits agricoles). Au même moment, le 16 octobre 1976 Bokassa se convertit à l’Islam sous le nom de Salah Eddine Ahmed Bokassa. Notons que durant cette période l’alcool était interdit dans les cérémonies officielles au palais de la Renaissance. Plus tard le 04 décembre 1976 à l’issue du Congrès du MESAN, Bokassa établit une nouvelle Constitution visant à la création de l’Empire Centrafricain ce malgré l’opposition manifeste de l’ancien secrétaire général du MESAN et Premier ministre, madame Elisabeth Domitien. Mais le chef de l’Etat qui entre-temps avait renoué avec sa confession d’origine catholique sera couronné le 04 décembre 1977 sous le nom de Bokassa 1er. A la chute de l’Empire en septembre 1979, un vent nouveau souffla sur le pays ouvrant la voie au multipartisme. Dans la foulée Marie-Charlotte Fayanga rejoignit le parti MLPC d’Ange Félix Patassé.
En mars 1983, elle sera arrêtée ainsi que mesdames Lucienne Patasse et Agnès Mbaikoua après la tentative de coup d’Etat dit « radiophonique » orchestré par deux proches de Patassé, les généraux Alphonse Mbaikoua et François Bozize, contre le général André Kolingba. Puis ce sera une longue traversée du désert durant laquelle elle adhérera au parti PSD de Deranf Enoch Lakoue, à la date de sa création le 4 octobre 1991.
Au lendemain de la victoire de Patassé à la présidentielle de septembre 1993, Marie-Charlotte Fayanga est nommée Inspecteur d’Etat.
En 2004, elle entrera dans la diplomatie avec sa nomination comme ambassadeur Haut représentant de la RCA auprès de la république du Congo avec siège à Brazzaville où elle deviendra par la suite doyen du corps diplomatique jusqu’à sa mort le 6 février 2021 à La Rochelle en France.
L’ambassadeur Marie-Charlotte Fayanga fut avec ses homologues en Suisse Ismael Léopold Samba et au Maroc, feu l’ambassadeur Ismael Nimaga, les seuls qui ont représenté la RCA en tant que doyens du corps diplomatique à l’étranger. Et personne ne tarit d’éloge quant à leur amour pour la nation, leur sens de l’hospitalité et de devoir et aussi pour leur humanisme tant auprès de leurs compatriotes que des dirigeants respectifs des pays hôtes. S’agissant de Marie-Charlotte Fayanga, son entourage la décrivait comme une dame de fer, rompue à la rigueur et à la discipline, signe incontestable d’un passage au lycée Pie XII sous la houlette de la directrice d’établissement, Sœur Claire Marie Jouis. Elle avait par ailleurs un caractère bien trempé et le verbe haut non seulement en raison des dures épreuves qu’elle a subies tout au long de sa vie mais aussi parce qu’à l’ENAM où elle a étudié l’administration, l’éducation rimait avec la formation militaire.
D’autre part, Marie-Charlotte Fayanga a côtoyé des dames d’envergure ayant le même tempérament qui ont occupé comme elle de hautes fonctions dans l’appareil de l’Etat. Nous citerons entre autres mesdames :
-Elisabeth Domitien, ancienne secrétaire générale du MESAN nommée 1er ministre en 1974. Une grande première en Afrique.
-Ruth Rolland, officier dans les Forces armées centrafricaines et plus tard ministre des Affaires sociales sous le régime d’André Kolingba.
-Marie-Joseph Franck qui deviendra plus tard épouse, Zanefe-Touambona ministre des Affaires sociales (1971-1977).puis ministre d’Etat aux Affaires sociales et de la Promotion féminine (1977-1979)
-Marie-Josée Maytongol, ministre du Commerce et de l’Industrie (1976-1979)
-Marie-Christiane Yombo née Goke, ex-épouse Gbokou, première femme ministre des Finances du Centrafrique (1975-1976)
-Marie Mathurine Silinghia, ministre du Plan et de la Coopération internationale (1970-1971)
-Angeline Toleque née Songamali, Secrétaire d’Etat aux Affaires sociales 1978-1979, puis ambassadeur de la RCA au Cameroun, poste qu’elle a occupé jusqu’à sa mort dans un accident de circulation sur la route la ramenant à son poste de juridiction à Yaoundé.
Marie-Charlotte Fayanga nous quitte au moment où le pays avait grandement besoin de son savoir-faire, de ses sages conseils et aussi de sa longue expérience de la chose publique. Elle laisse derrière elle cinq enfants dont trois de son premier mari, monsieur Aguide et deux de monsieur Louis Alazoula. Nous adressons toutes nos condoléances à la famille éprouvée. Adieu Excellence Madame l’Ambassadeur. Nous étions des parents par alliance à cause de notre cousin commun, Cyriaque Samba-Panza. Tu demeureras à jamais gravée dans nos cœurs.
FYZ