ANALYSE
Par Thomas Hofnung Libération AFP 10 JANVIER 2014 À 12:43 (MIS À JOUR : 10 JANVIER 2014 À 13:25)
Le président centrafricain Michel Djotodia, accusé par la communauté internationale de passivité face aux violences interreligieuses dans son pays, a démissionné vendredi à N’Djamena sous la pression des dirigeants d’Afrique centrale qui l’y avaient convoqué pour un sommet extraordinaire.
Son Premier ministre, Nicolas Tiangaye, avec qui Michel Djotodia entretenait des relations notoirement mauvaises contribuant à paralyser toute action publique face aux tueries à grande échelle, a également démissionné.
Les dirigeants de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC), réunis au sommet depuis jeudi à l’initiative du chef de l’Etat tchadien Idriss Déby Itno, «ont pris acte de la démission» du président et du Premier ministre centrafricains, selon le communiqué final du sommet lu en séance plénière.
Le sommet «prend acte de la démission du chef de l’Etat de la transition et du Premier ministre et se félicite de cette décision hautement patriotique pour une sortie du pays de la paralysie», indique le texte. A Bangui, signe de la tension qui montait à mesure que l’heure du verdict du sommet approchait, plusieurs milliers d’habitants ont manifesté vendredi matin contre le retour de M. Djotodia, aux cris de «Djotodia démission», ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les manifestants étaient massés aux abords du quartier de Boy-Rabe, non loin de l’aéroport, sous la surveillance de soldats français et de la force africaine (Misca).
Vendredi peu avant 4 heures, les dirigeants d’Afrique centrale avaient suspendu leurs tractations marathon entamées la veille avec les membres du Conseil national de transition (CNT, parlement provisoire centrafricain), des proches de Michel Djotodia issus de l’ex-rebellion Séléka qui avait pris le pouvoir à Bangui en mars 2013 et des représentants de milices anti-balaka, hostiles à Michel Djotodia.
Les voisins de la Centrafrique avaient demandé au CNT de préparer un accord aboutissant à une mise à l’écart de Michel Djotodia et de son Premier ministre, Nicolas Tiengaye, selon des sources proches des négociations, malgré le refus de proches de Michel Djotodia. Le vote du CNT était indispensable à un changement de la Constitution provisoire de Centrafrique pour décider du départ de Michel Djotodia et du Premier ministre.
Centrafrique : démission du président Djotodia et de son Premier ministre
http://www.leparisien.fr Publié le 10.01.2014, 12h46 | Mise à jour : 15h15
Depuis quelques jours, c'était pressenti. C'est désormais chose faite : Michel Djotodia, le président centrafricain, a démissionné. Dès son arrivée au sommet des pays d'Afrique centrale, qui démarré jeudi à N'Djamena, au Tchad, le président de transition se savait sur la sellette. Arrivé au pouvoir en mars 2013 au moment du coup d'Etat de la Séléka, une coalition composée de musulmans originaires du Nord et de mercenaires venus des Tchad et Soudan voisins, il était depuis plusieurs mois abandonné par ses troupes.
Jamais il n'est parvenu à enrayer les violences communautaires en Centrafrique.
Même Idriss Déby, l'influent président tchadien qui le «protégeait» jusqu'ici, a fini par l'abandonner. «Un seul constat doit être fait et il est amer : la République centrafricaine subit au plus profond d'elle-même les agissements de ses propres fils, plongeant leur pays dans une guerre qui compromet dangereusement son avenir. Il nous faut des actes concrets et décisifs», déclarait Idriss Déby jeudi. Le sort de Michel Djotodia était scellé et ne s'est pas fait attendre : le président a démissionné ce vendredi, tout comme son Premier ministre Nicolas Tiangaye.
Les dirigeants de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) «ont pris acte de la démission» du président et du Premier ministre centrafricains, selon le communiqué final du sommet lu en séance plénière.
Des chars français prennent position devant le palais présidentiel
A Bangui, la capitale de la Centrafrique, des scènes de liesse ont eu lieu à l'annonce de la démission de Djotodia. Plusieurs chars français de type Sagaie ont pris position vendredi en début d'après-midi, à proximité du palais présidentiel.
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a souhaité ce vendredi à Mérignac (Gironde) un remplacement «dans les plus brefs délais» du président centrafricain Michel Djotodia, qui a démissionné, estimant que «le but, c'est d'aller avant la fin de l'année à des élections».
«Il faut que le Conseil national de transition, dont c'est la responsabilité, établisse l'alternative provisoire parce que le but c'est d'aller avant la fin de l'année à des élections», a indiqué M. Le Drian en marge d'un déplacement en Gironde. Il a également souhaité que le Conseil «décide dans les plus brefs délais» du remplacement du président de transition centrafricain «et que cela se fasse dans la sécurité. Le principal enjeu c'est aussi le désarmement».
Centrafrique : le président Michel Djotodia, dirigeant fantoche aux abois
THOMAS HOFNUNG ENVOYÉ SPÉCIAL À BANGUI 9 JANVIER 2014 À 21:06
Le sommet de N’Djamena devrait sceller le sort du chef de l’Etat honni par les chrétiens.
Qu’il parte ou qu’il reste, de nombreux habitants de Bangui craignaient hier une nouvelle explosion de violences à l’issue du sommet extraordinaire à N’Djamena (Tchad), convoqué à la hâte par les pays de la région pour décider du sort de Michel Djotodia. Après plusieurs heures de conclave, la réunion a été suspendue dans la soirée, le temps de ramener par avion les 135 députés du Parlement centrafricain afin, vraisemblablement, d’avaliser la nomination de nouveaux dirigeants de la transition.
Le nom d’un ex-chef d’état-major était cité pour prendre la succession de Djotodia. Il pourrait être flanqué d’un Premier ministre de confession musulmane, afin de donner des gages à l’ex-Séléka, au pouvoir à Bangui depuis mars.
Falot. Propulsé chef de l’Etat par les rebelles qui ont chassé l’ex-président François Bozizé, puis confirmé par les pays de la région comme chef de la transition jusqu’à la tenue de nouvelles élections, Djotodia était devenu l’ennemi public numéro 1 pour la majorité de la population, révoltée par les dérives de la Séléka. Ces dernières semaines, cet homme falot était totalement dépassé par l’ampleur du désastre humanitaire et sécuritaire à Bangui. Ecrasé par la tâche, il avait semblé au bord de la rupture lors de ses vœux à la nation, le 31 décembre, butant sur chaque phrase du texte qu’il a lu avant de disparaître. Depuis des jours, les rumeurs sur sa démission allaient bon train à Bangui, Djotodia ayant déjà exfiltré sa famille à l’étranger. Dès mercredi, des manifestations de liesse ont éclaté dans les quartiers de Bangui où la population chrétienne est majoritaire.
Avant son départ pour le sommet de N’Djamena, le président par intérim vivait «reclus dans son bureau au camp de Roux», où siège la présidence. «Il ne quitte plus du regard les écrans de vidéosurveillance, car il a promis à un tas de gens des choses qu’il ne peut donner», ajoutait alors un observateur étranger.
Un pantin. Pour beaucoup, le président Djotodia n’était déjà plus qu’un pantin actionné par le vrai patron de la Séléka, Noureddine Adam, influent chef des services secrets et farouche adversaire de la France. Une réalité qui pourrait expliquer le discours de Paris, qui assurait jusqu’à récemment qu’il fallait maintenir à son poste le président par intérim. Mais la situation catastrophique à Bangui et l’incapacité de Djotodia à s’entendre avec son Premier ministre, Nicolas Tiangaye, ont probablement scellé son sort.
Sa démission était exigée par les milices d’autodéfense anti-balaka qui, selon une source proche du dossier, bénéficient depuis peu d’armements lourds. Soupçonné d’être derrière au moins une partie d’entre eux, l’ex-président Bozizé s’est rendu récemment dans plusieurs pays de la région, en Ouganda, et au Soudan du Sud, où le clivage entre chrétiens et musulmans ne laisse pas indifférent.
Assimilée collectivement à la Séléka honnie par la majorité chrétienne, la communauté musulmane de Bangui retient son souffle. «De nombreux chefs de famille ont mis à l’abri à l’étranger les femmes et les enfants, note un observateur étranger à Bangui. Ils ont des armes et sont prêts à s’en servir pour défendre leurs foyers et leurs biens en cas d’attaques.» Dans le même temps, les forces tchadiennes déployées à Bangui ont montré dans un passé récent qu’elles ne resteraient pas les bras croisés en cas de pogroms antimusulmans.