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20 FÉVRIER 2014 | PAR JECMAUS Par RIGOBERT OSSEBI
Totalement enclavé au centre du continent, le pays tient son nom de sa situation géographique. Les importations, dans ce pays pauvre, y sont difficiles et la moindre pièce détachée nécessite des semaines avant de parvenir à son destinataire. Les approvisionnements connaissent souvent des ruptures ; curieusement seules les armes et les munitions y sont largement présentes. Alors, par quel miracle, plutôt par quelle malédiction, tous ces matériels sont parvenus au Centrafrique alors que l’essentiel y est souvent difficile, voire, impossible à trouver ?
Vouloir régler la crise centrafricaine sans répondre à cette question relève de l’hypocrisie la plus totale. Les grandes puissances, l’Europe, les Etats-Unis savent, depuis des années, que des Etats voisins et limitrophes se sont amusés à livrer fonds et armements nécessaires aux déclenchements des conflits. Les protagonistes avaient reçu et reçoivent toujours des mêmes sources le carburant infâme à l’alimentation de cette crise. Jour après jour on feint de s’étonner des explosions soudaines de violences, ponctuées de pillages. Malgré un dispositif de plus en plus serré, au fil des semaines, les soldats français et africains ont de plus en plus de mal à les endiguer.
Le président putschiste Michel Djotodia, le Premier ministre Tiangaye, démissionnés à Ndjamena, avaient laissé le pays dans le chaos le plus total après dix mois de leur exercice. La communauté internationale ne pouvait que se réjouir du sursaut de la classe politique centrafricaine qui d’un chapeau magique fit sortir une colombe-femme pour prendre la tête d’une transition.
Catherine Samba-Panza, candidate idéale, car elle répondait à tous les critères de sélection qui lui avaient été imposés, a suscité l’espoir dans la société civile et tous rêvent de la voir réussir cette « Mission impossible ».
Pour autant, sa tâche s’avère encore plus difficile que celle qui avait été imposée à une autre femme, Ellen Johnson Sirleaf, la première à avoir été élue à la présidence d’un Etat africain, celle du Libéria en 2005. Ce dernier, au sortir d’une guerre civile particulièrement cruelle était totalement exsangue à son élection mais épargné de manipulations extérieures marquantes.
La présidente du Centrafrique, pour surmonter ses difficultés actuelles, dans ses prières ne doit pas manquer de penser à celle fort célèbre de Voltaire : « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! » Peut-être, certaines fois est-elle tentée de demander en plus au Seigneur de la préserver du « Médiateur »… !
La Centrafrique était l’oubliée depuis longtemps des programmes d’aides massives. Les promesses de dons ne font qu’attiser les convoitises et accroître également les difficultés. Ce conflit, que certains voient durer, deviendra-t-il une vache à lait pour les barons qui ont pour mission de le régler ? Les armes et l’argent constituent un mélange détonnant. Déjà, le Représentant de la Présidente de la Commission de l’Union africaine et Chef de la MISCA, le Général Jean Marie Michel Mokoko, délégué par la République du Congo, vient d’embaucher un assistant pour une durée de 6 mois au salaire de 7267,51$US (5000€ ou 3,3 millions de FCFA) non compris un certain nombre d’avantages. A ce prix-là, il aurait aisément pu, très généreusement, embaucher 10 cadres centrafricains d’un même niveau pour assurer la mission.
L’affaire saura être juteuse pour beaucoup et plus le feu sera vif, plus d’argent sera injecté pour tenter d’éteindre l’incendie. Les autocrates qui cernent la Centrafrique n’auront pas longtemps contenu leurs attaques, même par un minimum de décence. Rien ne saurait retenir ce genre de fauves, avides d’argent, de pouvoir et de domination. Pas même une femme, aussi volontaire et courageuse soit-elle !
Rigobert Ossebi
Paru dans LA PALABRE : Le journal panafricain gratuit « mois de février 2014″
(Catherine Samba-Panza ici avec Denis Sassou-Nguesso à Brazzaville)
NATIONS UNIES (Etats-Unis) AFP / 21 février 2014 00h45- Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réclamé jeudi devant le Conseil de sécurité le déploiement rapide d'au moins 3.000 soldats et policiers supplémentaires en République centrafricaine (RCA) pour rétablir l'ordre et protéger les civils.
M. Ban a demandé que ces nouvelles troupes arrivent dès que possible, dans les jours et les semaines à venir et soient dotées de moyens aériens pour se déplacer dans ce pays immense.
Evoquant les effectifs militaires déjà sur place ou prévus --2.000 Français, près de 6.000 Africains et entre 500 et mille Européens--, il a ajouté: Il nous en faut davantage, et vite.
Pour M. Ban, il s'agit d'une étape intermédiaire avant le déploiement de Casques bleus en RCA. Rappelant qu'il doit remettre fin février un rapport à ce sujet, il a souligné que le déploiement d'une opération de maintien de la paix, si elle est autorisée, prendra des mois.
Or, la population de RCA ne peut pas attendre des mois. Il faut agir maintenant pour éviter une nouvelle aggravation de la situation, a affirmé M. Ban. Il a évoqué des atrocités et des déplacements massifs de populations qui menacent le pays d'une partition rampante, avec la fuite des musulmans vers le Nord sous la menace de milices chrétiennes.
Les besoins de sécurité dépassent de loin les capacités des troupes internationales déployées actuellement, estime-t-il. Et là où il n'y a pas de forces internationales, les civils n'ont trop souvent le choix qu'entre la mort et la fuite.
Le Tchad a annoncé jeudi avoir mis fin au rapatriement sous protection militaire de ses ressortissants établis en Centrafrique. Depuis décembre dernier, des dizaines de milliers de civils musulmans, dont bon nombre de Tchadiens, ont fui les violences.
A l'issue d'une visite de deux jours à Bangui, la responsable des opérations humanitaires de l'ONU Valérie Amos a elle aussi jugé jeudi qu'il n'y avait pas assez de troupes sur le terrain et a souligné que la RCA a connu une destruction totale de ses institutions.
M. Ban a proposé que toutes les forces internationales présentes en RCA soient placées sous un commandement coordonné, avec pour mission prioritaire de protéger les civils et de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire.
Il a aussi suggéré de fournir une aide logistique et financière de 38 millions de dollars à la Misca (force de l'Union africaine) pendant une période de transition de six mois.
Enfin, le gouvernement centrafricain se verrait octroyer une aide financière pour rétablir une partie des services publics essentiels. Ces quelques millions de dollars lui permettraient de verser des primes pour inciter policiers, juges et gardiens de prison à reprendre le travail, dans un pays livré au chaos depuis des mois.
M. Ban a demandé aux pays donateurs de se montrer plus généreux: l'appel de fonds de l'ONU pour 2014 (551 millions de dollars) n'est en effet couvert qu'à 15% alors que 2,5 millions de Centrafricains ont besoin de secours.
A la sortie du Conseil, l'ambassadeur français Gérard Araud a expliqué qu'il s'agissait d'agir dans les six mois qui viennent avant l'arrivée des Casques bleus. Le Conseil va examiner les propositions de M. Ban de manière très pragmatique, a-t-il dit.
Mais il a semblé écarter l'idée de nouveaux renforts français après les 400 soldats rajoutés à l'opération Sangaris: La France a fait l'effort qui lui a été demandé (..) nous avons déjà beaucoup fait pour la RCA.
Selon des responsables de l'ONU, l'idée est de solliciter en premier lieu les autre pays européens, et M. Ban et ses adjoints ont contacté à cet effet une quinzaine de pays membres de l'Union européenne.
Pour l'instant, les responsables de l'UE estiment être capables de mobiliser un millier de soldats et prévoient de lancer leur opération militaire début mars, mais très peu de pays ont annoncé des contributions précises.
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20/2/2014
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Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Conseil de sécurité
7114e séance – après-midi
LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL APPELLE À UN « RENFORCEMENT RAPIDE » DES TROUPES DE L’UNION AFRICAINE ET DE LA FRANCE EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a proposé, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, une initiative en six points face aux « menaces les plus grandes auxquelles est confrontée la population de la République centrafricaine ». Il a ainsi appelé à un « renforcement rapide » des troupes de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), déployées sous l’égide de l’Union africaine et de celles de l’opération Sangaris déployées par la France, sur le terrain grâce au déploiement supplémentaire d’au moins 3 000 nouveaux éléments militaires et de police.
Ces unités devront « être déployées le plus tôt possible dans les jours et les semaines à venir et avoir la mobilité nécessaire, y compris aérienne, afin de pouvoir agir là où cela est nécessaire », a déclaré le Secrétaire général, soulignant l’« urgence » de la situation dans le pays, qu’il a qualifiée de « désastre qui pèse fortement sur la conscience de l’humanité ».
Pour M. Ban, « la crise qui continue de se dérouler en République centrafricaine constitue un test pour l’ensemble de la communauté internationale ».
L’initiative en six points proposée par le Secrétaire général vise à « atteindre les objectifs les plus urgents: stabiliser la situation sécuritaire, et sauver des vies qui seraient perdues du fait de haines sectaires insensées ».
Le Secrétaire général a exhorté le Conseil de sécurité à soutenir sa démarche et a demandé instamment aux États Membres de prendre les mesures nécessaires pour la mettre en œuvre. « Montrons aux Centrafricains que l’Organisation des Nations Unies est avec eux et que le soutien dont ils ont tant besoin arrive », a-t-il déclaré.
Le Secrétaire général a indiqué avoir été informé par la Présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, de son initiative de proposer au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine un renforcement de la MISCA, et il a exhorté les membres de ce Conseil à l’approuver.
M. Ban a indiqué que le Président français, M. François Hollande, avait annoncé une augmentation des effectifs de Sangaris de l’ordre de 25%, pour en porter le nombre de soldats à 2 000 éléments. En outre, l’Union européenne est prête à augmenter le déploiement qu’elle prévoit de 500 à 1 000 soldats, tout en leur donnant une capacité initiale de fonctionnement sur le terrain dès le début du mois de mars.
Se disant « reconnaissant pour ces engagements », le Secrétaire général a néanmoins considéré qu’« il en faudrait davantage, rapidement », la communauté internationale devant « partager le fardeau ».
Parmi les autres points de son initiative, M. Ban a proposé que toutes les forces internationales en République centrafricaine soient placées sous un « commandement unique coordonné », leur mission devant « se concentrer sur les priorités les plus urgentes qui sont de contenir la violence; protéger les civils; prévenir de nouveaux déplacements de populations; créer un environnement sécurisé pour l’acheminement de l’aide humanitaire; et jeter les bases d’un transfert, aussitôt que possible, des forces actuellement présentes à une force de maintien de la paix des Nations Unies ».
En outre, le Secrétaire général a proposé que les troupes africaines qui se joindront à cette force bénéficient d’un « soutien logistique et financier » adéquat, l’estimation des coûts du soutien à leur apporter s’élevant à 38 millions de dollars pour une période de transition de six mois.
Il a ensuite demandé qu’un « soutien tangible et rapide » soit apporté au Gouvernement de la République centrafricaine pour l’aider à « établir une capacité minimum de fonctionnement », et a demandé à cet égard une assistance financière à la police, à la justice et au système pénitentiaire centrafricains.
De même, il a appelé à l’« accélération du processus politique et de réconciliation » pour « préparer le terrain à la fin au conflit », les dirigeants communautaires et religieux ayant un « rôle particulièrement important à jouer dans la promotion de la tolérance, de la coexistence pacifique et de la non-violence ».
Un processus politique nécessitera également l’« engagement dynamique » de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), de l’Union africaine et de la communauté internationale. L’ONU, quant à elle, renforce les capacités analytiques et opérationnelles du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA) afin d’« aider les autorités nationales à mettre la transition sur les rails, développer l’autorité de l’État et créer des institutions crédibles dans tout le pays », a dit M. Ban.
Dans le cadre de la prévention des violations continues des droits de l’homme, le Président de la commission d’enquête mandatée par le Conseil de sécurité, accompagné d’une mission préparatoire, doit se rendre dans les jours qui viennent en République centrafricaine, a également annoncé le Secrétaire général.
Enfin, M. Ban a lancé un appel pour des « fonds d’urgence » destinés à financer l’aide humanitaire, laquelle est « actuellement insuffisante pour répondre à la crise », seulement 15% des ressources nécessaires ayant été reçues pour cette année, « en dépit de généreuses promesses faites lors de la Conférence de financement, tenue le mois dernier à Bruxelles ».
Avant d’énoncer les détails de son initiative, M. Ban avait décrit la situation sur le terrain, affirmant que « des civils innocents sont tués en grand nombre en RCA », et qu’ils sont « tués délibérément, visés pour leurs croyances religieuses, leur appartenance à une communauté, en bref, tués pour qui ils sont ». Il a précisé que si les « Musulmans en particulier sont pris pour cible », les ex-rebelles de la Séléka « continuent eux aussi d’attaquer les Chrétiens ».
Avec près d’un million de personnes déplacées, « une partition rampante de facto du pays se met en place », semant ainsi les « germes de conflits et d’instabilité pour les années, et sans doute les générations, à venir », a prévenu M. Ban.
« Étant donné l’ampleur et l’étendue géographique de la violence, les exigences de sécurité dépassent de loin les capacités du nombre de troupes internationales aujourd’hui déployées », a-t-il dit. En effet, « dans les endroits où il n’y a pas de forces internationales, le choix pour beaucoup trop de civils est de fuir ou être tués ».
Le Secrétaire général a constaté que les événements en République centrafricaine avaient des « répercussions dans toute la région », et que « ces crises complexes sécuritaires, humanitaires, des droits de l’homme et politiques exigent une réponse globale et intégrée ».
Aussi, la communauté internationale doit-elle « agir de façon décisive, et maintenant, pour éviter toute aggravation de la situation et répondre aux besoins pressants de la population du pays ». Selon M. Ban, « le déploiement d’une opération de maintien de la paix de l’ONU, s’il est autorisé, prendrait des mois ». Or, « les Centrafricains ne peuvent attendre des mois ».
De son côté, le Commissaire à la paix et la sécurité de l’Union africaine, M. Smail Chergui, a déclaré qu’un accord avait été trouvé, hier, avec les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) afin d’intégrer un contingent de soldats de ce pays au sein de la MISCA.
Ainsi, a-t-il annoncé, la Mission a « quasiment atteint son effectif autorisé de 6 000 éléments en uniforme». Il s’est réjoui du fait que, grâce à ce renforcement et au soutien de l’opération française Sangaris, ainsi qu’à d’autres mesures comme la sectorisation de la ville de Bangui, la situation dans la capitale s’est « considérablement améliorée ».
M. Chergui a rappelé que la Présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Dlamini-Zuma, avait, le 17 février dernier, transmis une correspondance au Conseil de sécurité, lui énumérant une série de mesures en faveur de la République centrafricaine. Parmi ces mesures, Mme Dlamini-Zuma a souhaité le renforcement de la MISCA, en termes de personnels de police et d’équipements.
M. Chergui a expliqué que la principale menace sécuritaire en République centrafricaine était l’action des milices dites « anti-balaka ». Il a ajouté que la MISCA faisait face à des défis tels que l’insuffisance des moyens logistiques et de systèmes de communication, et ce « malgré le concours appréciable des partenaires internationaux ». Il a également regretté le fait que les limites des capacités du Gouvernement centrafricain, notamment l’absence d’un système judiciaire, rendaient « extrêmement difficile l’entreprise de rétablissement de l’ordre ».
Pour le Commissaire de l’Union africaine, « il ne saurait y avoir de gains sécuritaires durables sans volet politique viable », les actions des dirigeants de la région devant être « soutenues, notamment par le Groupe international de contact sur la République centrafricaine ».
L’Union africaine appelle en outre, a poursuivi M. Chergui, « à la mise en œuvre rapide et effective des dispositions pertinentes des résolutions du Conseil de sécurité, notamment l’application des sanctions ciblées contre les individus et entités qui sapent les efforts actuels », et à l’accélération du travail de la Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire.
Par ailleurs, M. Chergui a estimé qu’il n’y aurait pas de solutions durables aux défis à la paix et à la sécurité que connaît le continent africain sans « appropriation africaine ». Il a plaidé en faveur d’une « approche d’ensemble » permettant de « combiner les avantages comparatifs respectifs de l’Union africaine et de l’ONU pour résoudre la crise centrafricaine ».
« Dans la phase actuelle de stabilisation, une opération de soutien à la paix de l’Union africaine est l’option la mieux indiquée », a-t-il dit, précisant que son succès ouvrirait la « voie au déploiement d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies ».
De son côté, M. Mesmin Dembassa Worogagoi, le représentant de la République centrafricaine, a estimé que « la présence des forces africaines de la MISCA soutenues par les forces françaises de l’opération Sangaris avait permis d’éviter que la République centrafricaine ne tombe dans le chaos total ».
Le Chargé d’affaires de la RCA auprès de l’ONU a effectivement décrit une « situation volatile » à Bangui, la capitale. Dans le reste du pays, où vivent la majorité des 4,5 millions de Centrafricains, « le défi sécuritaire reste entier », a-t-il souligné. « Des hordes de criminels de tous genres se livrent à des meurtres, des viols, des pillages et d’autres violations graves des droits de l’homme », tandis que la population civile est « contrainte à se réfugier dans la brousse, en proie à la faim et aux maladies », l’arrivée imminente de la saison des pluies faisant « craindre le pire », a-t-il déploré.
« Au-delà des questions sécuritaires, un État est à reconstruire en Centrafrique. Cette tâche est immense, car il faut remettre en marche une administration, rétablir un état civil et préparer les élections. »
Pour la République centrafricaine, le déploiement d’une opération de maintien de la paix multidimensionnelle dans le pays « paraît la solution la mieux adaptée aux défis actuels ».
La mise en place de cette opération « doit être décidée le plus rapidement possible compte tenu des délais requis pour son déploiement effectif et de l’extrême volatilité de la situation en République centrafricaine », a dit M. Dembassa Worogagoi tout en indiquant que la MISCA formerait le moment venu l’ossature de toute opération de maintien de la paix de l’ONU.
BANGUI AFP / 20 février 2014 17h54- La responsable des opérations humanitaires de l'ONU Valérie Amos a estimé jeudi qu'il n'y avait pas assez de troupes sur le terrain en Centrafrique par rapport au niveau d'insécurité dans le pays.
La Centrafrique est un pays qui a connu une destruction totale de ses institutions, a rappelé Valérie Amos lors d'une conférence de presse, à l'issue d'une visite de deux jours.
Vu le niveau de l'insécurité dans le pays (...), la première priorité, c'est de protéger les civils comme le font les forces de l'opération (française) Sangaris et de la Misca (la force africaine), a-t-elle déclaré.
Nous savons aussi que malgré les efforts très importants déployés par ces forces dans le pays, il n'y a pas assez de troupes sur le terrain, a déclaré la secrétaire générale adjointe des Nations unies aux Affaires humanitaires.
Il y a des discussions en ce moment même pour savoir comment on peut immédiatement renforcer les effectifs de ces forces internationales sur le terrain, a-t-elle ajouté.
Des discussions sont également en cours pour savoir si, et de quelle manière, la Misca peut être intégrée à une mission de maintien de la paix des Nations Unies, a-t-elle dit.
A terme, l'ONU voudrait déclencher une véritable opération de maintien de la paix, avec près de 10.000 Casques bleus, mais il faudra obtenir le feu vert de l'Union africaine, pour l'instant réticente, et une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
Alors que la situation humanitaire est dramatique, avec près d'un million de déplacés dans le pays, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a indiqué mardi que les soldats français allaient s'efforcer de sécuriser l'axe routier qui relie Bangui à la frontière camerounaise pour acheminer davantage d'aide.
Depuis le coup d'Etat de Michel Djotodia en mars 2013 et sa démission forcée en janvier, la Centrafrique est en proie à des violences interreligieuses sans précédent, que la force internationale n'arrive pas à juguler.
Pour nous, acteurs humanitaires, la Centrafrique représente le plus haut niveau d'urgence. Cela veut dire que nous nous sommes engagés à en faire encore plus, a dit Mme Amos alors que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon devait briefer le Conseil de sécurité jeudi sur la situation du pays.
Selon l'ONU, 1,3 million de personnes, soit plus d'un quart de la population de Centrafrique, ont besoin d'une assistance alimentaire immédiate, en particulier dans les camps de déplacés.
Des avion-cargos du Programme alimentaire mondial (PAM) assurent une rotation quotidienne depuis le 12 février pour acheminer 1.800 tonnes de vivres au total.
Au cours de sa visite de deux jours en Centrafrique, avec des représentants de l'Union africaine, Valérie Amos a rencontré mercredi la présidente centrafricaine de transition Catherine Samba Panza et elle s'est rendue jeudi à Bossangoa (nord ouest).
Nous avons été choqués par ce que nous avons vu, des maisons brûlées, des personnes qui ont peur. Les gens ont si peur qu'ils dorment dans la forêt ou dans des camps de déplacés, a-t-elle noté.
La commissaire aux affaires politiques de l'Union africaine, Aicha L. Abdullahi, a appelé tous les pays qui ont annoncé qu'ils allaient verser une aide à la Centrafrique à verser l'argent promis.
La communauté internationale s'était engagée en janvier à Bruxelles à débloquer près de 500 millions de dollars pour venir en aide à la Centrafrique en 2014.
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(Mme Valerie AMOS)
Pana 20/02/2014
Crise politique, sociale et sécuritaire en République centrafricaine - Le Patron de l'ONUSIDA, Michel Sidibé, déplore la 'tragédie humanitaire' qui se développe en RCA - Le directeur exécutif de l'ONUSIDA, M. Michel Sidibé, dans une interview exclusive avec la PANA, lance ce mercredi un cri de coeur, face à la « tragédie humanitaire » qui se développe en République centrafricaine, exacerbée par la situation de crise politique, sociale et sécuritaire sans précédent.
Michel Sidibé, qui participe en RCA à une mission conjointe avec l'Office des Nations-Unies pour la coordination des Affaires humanitaires (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs – OCHA), dans le but d'évaluer les besoins d'un corridor humanitaire, estime que « si l'on ne réagit pas vite, la RCA risque de perdre toute une génération ».
Pour le directeur exécutif de l'ONUSIDA, « la ligne extrêmement ténue entre la vie et la mort » en RCA complique et aggrave la situation marquée par une 'épuration ethno-réligieuse', dans ce pays d'Afrique centrale où l'absence de l'Etat, de la police et de l'armée abandonne la population à une crainte extraordinaire des exactions des milices.
Le Patron de l'ONUSIDA, qui salue l'effort et l'engagement du gouvernement de transition, mis en place il y a presque un mois, affirme que l'espoir suscité par l'élection de Mme Cathérine Samba-Panza demeure palpable, parce qu'elle « essaie de projeter sa vision pour la sécurité, le rétablissement du pouvoir de l'Etat », mais elle aura vivement besoin de soutiens, pour raviver la justice, remettre sur pieds une administration dont le personnel n'est pas payé depuis belle lurette, et reconstruire une armée quasi inexistante.
Pendant ce temps, des centaines de milliers de personnes déplacées dans les camps de réfugiés, sans supports adéquats, voient leurs espoirs s'éroder, à l'approche de la période de l'hivernage qui risque d'en rajouter à la précarité de leur situation, ainsi qu'à celle de plus de 2,3 millions de personnes affectées par la crise centrafricaine, soit la moitié de la population du pays, qui attendent de la communauté internationale davantage de réactions d'accompagnement.
Par ailleurs, de toutes ces personnes affectées par la crise, le directeur exécutif de l'ONUSIDA souligne la situation des jeunes, qui apparaissent encore plus vulnérables à la prévalence du VIH/SIDA, en raison d'un impact négatif de l'affaiblissement de l'Etat et de la dégradation de la lutte contre cette pandémie à laquelle les jeunes deviennent des cibles faciles, via toutes formes d'exploitations, allant de la prostitution à l'intégration dans les différentes milices, faisant de la RCA « un réservoir de recrutement de jeunes ».
Aussi, le directeur exécutif de l'ONUSIDA affirme-t-il que l'espoir tient à l'accélération de la combinaison de diverses forces d'intervention, africaines, françaises, européennes, de nature à faire face à la sécurisation et à la stabilisation du pays.
« On ne peut qu'être heureux de voir se dessiner la vision d'une force africaine. Mais elle ne se fera pas du jour au lendemain. Il faut aller progressivement à la formation de cette force », indique M. Sidibé, pour aller dans le sens de l'Union africaine dont le dernier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement avait soulevé la nécessité de parachever la mise en place de la force africaine appelée à intervenir dans les conflits qui émaillent le continent.
Le périple entrepris par Mme Cathérine Samba-Panza dans la sous-région, selon M. Sidibé, participe à l'avènement de cette mutualisation des forces, à laquelle l'apport des pays de la sous-région n'est nullement exclu, au motif qu'un « échec de la sécurisation de la situation en RCA pourrait immanquablement se traduire par l'embrasement de toute la sous-région », conclut M. Sidibé.
(Michel Sidibé patron de l'ONU SiDA)
20/02/2014 à 16:59 Par Vincent Duhem http://www.jeuneafrique.com/
Vivant à Bangui depuis 1972, le photographe camerounais Samuel Fosso s'est réfugié, pour l'instant, en France. C'est en observateur avisé qu'il a assisté à la descente aux enfers de son pays d'accueil au bord de la rupture.
Samuel Fosso a quitté la Centrafrique le 7 janvier comme il y était arrivé près de quarante ans plus tôt : précipitamment, fuyant la guerre et l'horreur. Un mois après son départ, la maison de ce photographe de 51 ans mondialement connu a été pillée par des jeunes de son quartier, à Miskine, dans le 5e arrondissement de Bangui.
À Paris, dans l'attente d'un visa pour le Nigeria, où vit sa famille, Samuel Fosso semble encore éprouvé psychologiquement : "Je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé. Il y a eu des affrontements entre les anti-balaka et la Séléka, dans la confusion mon portail a été détruit." La folie incontrôlée qui accompagne les scènes de pillages collectifs a tout emporté : tôle ondulée, câbles électriques. Par chance, plusieurs journalistes occidentaux alertés sont parvenus à sauver une partie des 15 000 clichés et négatifs qui tapissaient le sol piétiné par la foule.
Né le 17 juillet 1962 à Kumba, au Cameroun (à la frontière avec le Nigeria), l'Ibo Samuel Fosso a passé l'essentiel de sa vie en Centrafrique. C'est en observateur avisé qu'il a assisté à la descente aux enfers de ce pays aujourd'hui au bord de la rupture, où la soif de vengeance a conduit à un déchaînement de violence inouï et incompréhensible.
Il n'a pas encore 10 ans et fui son village natal pour échapper à l'armée nigériane, lors de la guerre du Biafra.
Accompagné par son oncle maternel, un cordonnier installé depuis plusieurs années à Bangui, il rallie la capitale centrafricaine le 2 janvier 1972 après un long voyage de quatre jours. Il n'a pas encore 10 ans et fui son village natal pour échapper à l'armée nigériane, lors de la guerre du Biafra. Pendant un an, Fosso travaille chez cet oncle vendeur de chaussures pour femmes dans le 3e arrondissement (centre-ville), avant de devenir l'assistant d'un photographe nigérian. En 1975, il ouvre un premier studio, le "studio photo national", puis un deuxième à Miskine. Il ne quittera plus ce quartier, aujourd'hui majoritairement musulman, considéré comme le poumon économique de Bangui, où il photographiera plusieurs générations d'habitants.
Gardes impériaux
"À mon arrivée, le 5e arrondissement était déjà mélangé. Il y avait des musulmans et des chrétiens, des Camerounais, des Sénégalais, des Tchadiens, des Maliens, des Congolais ou encore des Nigérians. Très rapidement, l'arrivée massive de nouveaux étrangers et les commerces qu'ils y ont établis ont permis au quartier de se développer."
Le studio photo qu'il prend en main est assez simple. "De grosses cuvettes faisaient office de réflecteur. Je m'étais inspiré d'une carte postale de Bucarest pour peindre un fond. Tous les matins, je développais mes pellicules, puis je faisais sécher mes tirages sur le trottoir. Le soir, après avoir tiré le rideau, je recevais souvent des amis, on refaisait le monde jusque tard dans la nuit." Son travail est apprécié, sa réputation se répand comme une traînée de poudre dans toute la ville. "Les gens venaient des quatre coins de Bangui." Pour "s'amuser, avoir des souvenirs et finir les pellicules de ses clients", il s'essaie à l'autoportrait. "Un jeu" qui fait un tabac lors des premières Rencontres africaines de la photographie de Bamako en 1994. Samuel Fosso est devenu, depuis, l'un des artistes africains les plus cotés. Ses clichés font le tour du monde.
Fosso a découvert la Centrafrique au beau milieu du règne de Jean-Bedel Bokassa, chef de l'État puis empereur resté quatorze ans au pouvoir (1966-1979), avant d'être renversé par David Dacko, avec l'aide de la France de Valéry Giscard d'Estaing, et dont les années au pouvoir ne furent que violence spectaculaire, gestion patrimoniale et clientéliste, succession de scandales. Pourtant, Samuel Fosso, adolescent à l'époque, en garde un souvenir assez édulcoré. Car pour les Centrafricains, volontiers nostalgiques, Bokassa demeure aussi l'exemple du vrai chef, celui qui peut assurer l'ordre et imposer la discipline.
Il se souvient du couronnement de l'empereur Bokassa en 1977 comme d'une "belle fête".
"J'étais frappé par la tranquillité. Il n'y avait pas de voleur, pas de coup de feu dans la ville. La police et les militaires se faisaient discrets. Et puis les choses étaient moins chères, on pouvait bien vivre avec peu d'argent", confie-t-il. Il se souvient du couronnement de l'empereur Bokassa en 1977 comme d'une "belle fête". "Tout le monde venait prendre des photos dans mon studio. Même les gardes impériaux avec leur costume voulaient un souvenir."
Résilience
Mais "les choses ont commencé à se dégrader à partir de 1979". En janvier, le pouvoir réprime violemment une révolte étudiante. "C'était la première fois que j'entendais des tirs à Bangui. Je suis resté enfermé dans mon studio pendant trois jours. On a tué des gens devant moi, j'ai eu peur." Bokassa est déposé la même année. Les soubresauts militaires ne faisaient que commencer. Les mutineries qui frappent Bangui en 1996-1997 le touchent directement. Une nuit de mai 1996, le jour de la fête des Mères, des soldats tentent de piller l'un de ses voisins et amis. L'homme, un commerçant sénégalais, résiste avant d'être froidement assassiné. "Nous avions un mur mitoyen. J'ai tout entendu sans rien pouvoir faire, puis j'ai ouvert la porte et découvert son corps sans vie." Samuel Fosso tirera de ce drame un autoportrait. Une photo en noir et blanc, le mettant en scène de dos, nu, l'oreille vissée sur la porte de sa maison.
De 1972 à 2013, Samuel Fosso a été témoin de l'instabilité politique chronique. Bokassa, David Dacko, André Kolingba, François Bozizé, Michel Djotodia, tous ont pris le pouvoir par les armes. Pour lui, "rien ne les différencie". Comme beaucoup de Banguissois, Fosso a développé une forme de résilience face à la multiplication des putschs. "On a commencé à s'y habituer. Tous les coups d'État se ressemblaient, avec leur lot de pillages et de vols. Ça durait quelques jours, puis tout rentrait dans l'ordre." Mais quand la Séléka de Michel Djotodia a pris le pouvoir, en mars 2013, les pillages n'ont pas cessé.
Violence aveugle
Dans son quartier de Miskine, Samuel Fosso a vu la Séléka recruter à tour de bras au sein de la population. Des voisins se sont retrouvés "colonels", ont commencé à martyriser ceux qui n'étaient pas de leur famille ou de leur religion. "C'était la loi du plus fort. Celui qui avait les armes dominait." Peu à peu, l'équilibre social et confessionnel s'est rompu. La situation est devenue particulièrement critique après l'attaque des anti-balaka sur Bangui le 5 décembre. Au petit matin, ces milices animistes, et non chrétiennes, mènent plusieurs assauts coordonnés avant de se replier en commettant de nombreuses atrocités. Les représailles de la Séléka, souvent accompagnée de civils musulmans, sont terribles : en trois jours, plus de 1 000 personnes perdent la vie.
Samuel Fosso est aux premières loges. "Tout était très confus. Les tirs ne s'arrêtaient pas, on ne savait pas vraiment qui était qui. Quelqu'un disait : "Lui, c'est un anti-balaka", cela suffisait pour qu'il se fasse tuer. On a abattu, égorgé." Pendant plusieurs semaines, les tirs et les combats n'ont guère cessé, forçant la population à fuir. Les uns se réfugiant à l'aéroport, les autres prenant le chemin de l'exil vers le Tchad ou le Cameroun. "On entendait des tirs de jour comme de nuit, il fallait rester terré chez soi. On ne pouvait sortir acheter à manger. Moi, j'avais des réserves. Comment ont fait ceux qui n'avaient rien ?" s'interroge le photographe.
La fuite de la Séléka a laissé place au déferlement des combattants anti-balaka et des pillards. "Une violence incompréhensible, aveugle et folle." Aujourd'hui, Miskine s'est vidé de l'ensemble de sa population musulmane. Son quartier est brisé. Peut-on encore sauver la Centrafrique ? "On l'espère et on prie pour, souffle Samuel Fosso. Notre pays est touché par une maladie que l'on mettra des années à guérir."
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Par Vincent Duhem
Les mots pour dire le chaos centrafricain
http://www.jolpress.com/ Posté le 20/02/2014 par Bénédicte Chéron Chercheur associé à l’UMR-IRICE, docteur en histoire
Le récit médiatique d’un conflit sert bien entendu à informer les citoyens, en premier lieu. Mais pour informer, il faut mettre de l’ordre et le récit de la guerre a aussi cette fonction : ordonner un réel chaotique.
Les médias se trouvent alors confrontés à de multiples interrogations : il faut choisir un point de vue, décider en fonction de l’actualité d’aborder le sujet sous son angle militaire et opérationnel, sous ses aspects humanitaires et sanitaires, avec sa dimension politique et géopolitique et, sur l’ensemble de ces sujets, utiliser des codes que comprendront le lecteur, le téléspectateur et l’auditeur.
Le fabricant du récit fait appel à ses propres représentations de la guerre, faites de références plus ou moins récentes, de souvenirs des conflits antérieurs proches ou semblables. Il se plie aussi à ce que son public peut comprendre, en choisissant des mots dont il sait qu’ils seront reçus et compris. Plus la réalité à raconter est chaotique, plus le besoin de ces codes communs se fait ressentir.
Ainsi s’explique en partie les grandes tendances du récit en cours sur la situation centrafricaine devenue inextricable. Pour saisir l’immense complexité de ce qui se déroule sur cette terre, les uns et les autres font appel à des références communes, plus ou moins heureuses.
Circonspection à utiliser ces termes chocs
Le premier symptôme est le recours à des catégories sémantiques connues pour décrire la situation humanitaire. Dans Le Monde, le 11 février, Rémy Ourdan a écrit « La Centrafrique est en train de vivre la pire ‘’purification ethnique’’ de son histoire ». Les guillemets encadrant les mots de « purification ethnique » disent sa circonspection à utiliser ces termes chocs. Donatella Rovera, d’Amnesty international, a eu moins d’hésitation en concluant au « nettoyage ethnique » en cours contre les populations musulmanes.
Ses propos ont été abondamment relayés par les médias. Beaucoup plus que ne l’a été le rapport publié à quelques jours d’intervalle par Médecins sans frontière dont le travail pourtant bien réel sur place est salué par des journalistes qui reviennent de Centrafrique. La réalité décrite n’y est pas moins terrible que celle constatée par Donatella Rovera. Cependant, les mots chocs de nettoyage ou d’épuration ethnique ne sont pas employés.
Bien sûr, le recours à ces termes est un outil de mobilisation médiatique. Mais, alors que la situation centrafricaine ne se laisse pas saisir par un récit structuré, leur succès vient aussi de ce besoin d’ordonner et ranger les faits dans des catégories intelligibles. Il n’est bien entendu pas question de nier le drame qui se joue pour les populations musulmanes de Centrafrique. Il faut cependant avoir conscience du sentiment d’injustice que peuvent ressentir ceux qui, en Centrafrique, ont vécu les exactions des Sélékas il y a quelques mois sans que les caméras ne soient braquées sur le drame qu’ils vivaient et qui étaient pourtant bien identifié (les rapports de Human Rights Watch en témoignent).
Effacements mémoriels
Les catégories sémantiques du nettoyage et de l’épuration ethnique sont à double tranchant : elles sont utiles pour attirer l’attention des acteurs internationaux et constituent des outils d’analyse précieux ; mais leur traitement médiatique à chaud produit aussi des effacements mémoriels, un écrasement la perception de moyen et long terme du conflit, une inhibition du dialogue rationnel.
Le second symptôme de cette recherche de référence est la comparaison faite avec le conflit rwandais. Elle est légitime pour une part et le procès en cours de Pascal Simbikangwa y contribue évidemment. Mais la référence répétée à l’envie n’est évidemment pas sans conséquence dans l’image du conflit en Centrafrique que les Français se construisent ; même si, pour l’instant rares sont ceux qui convoquent le mot « génocide » pour décrire ce nouveau conflit, la référence rwandaise diffuse cette idée comme un possible horizon apocalyptique.
La comparaison a aussi des conséquences sur l’image des troupes françaises de Sangaris. Les souvenirs de l’opération Turquoise au Rwanda demeurent une blessure ouverte pour l’armée française. Quoique l’on pense du rôle de la force Turquoise dans les années 1990, un soupçon demeure inscrit dans la mémoire française. Ceux qui se réfèrent au Rwanda introduisent dans le récit centrafricain l’hypothèse d’une force française passive voire complice des exactions commises bien que rien ne vienne confirmer une telle éventualité.
Il serait plus heureux, et plus respectueux envers les victimes de ce conflit, de se référer à l’histoire de la Centrafrique elle-même et aux opérations qui y ont déjà été menées par l’armée française. Elles sont peu connues mais des outils existent. Cette histoire là cependant ne rencontrerait que peu d’écho dans les représentations que les Français se font des conflits africains. Alors le Rwanda demeure la référence principale. Au risque de nier les spécificités proprement centrafricaines de la situation.
En Centrafrique, les militaires français confrontés à des «bandits»?
Posté le 11/02/2014 par Bénédicte Chéron Chercheur associé à l’UMR-IRICE, docteur en histoire
Le 10 février, l’AFP a rapporté ces propos du général Soriano, commandant de l’opération Sangaris en Centrafrique : les anti-balakas « seront chassés comme ce qu’ils sont : des hors-la-loi et des bandits ». Le mots est lâché : « bandits ».
Ce mot en rappelle d’autres, prononcés par d’autres officiers lors d’une autre mission d’interposition, celle de la force Licorne en Côte d’Ivoire. Le 26 août 2003, deux militaires français y sont « tués au combat » annonce David Pujadas à 20h, sur France 2. Le reportage qui suit livre des explications : « La patrouille a mal tourné : il y a eu des échanges verbaux puis des échanges de tirs. Bilan : un blessé et deux tués, les deux premiers au combat depuis le début de la crise ivoirienne, il y a un an. Au QG de l’opération Licorne, on exprime de la tristesse mais aussi la volonté de ne voir dans cet accrochage qu’un acte isolé ».
Le général Pierre-Michel Joana, commandant de l’opération Licorne, est interrogé : ceux qui ont tiré sur les Français sont souvent « dans un état d’excitation élevé, dû probablement à une consommation abusive d’alcool et même de drogue. Donc c’est un accident, même s’il est malheureux, isolé ».
La France n’a donc pas d’ennemi dans ce pays
La voix off du reportage évoque une mort « au combat » mais le général Joana, lui, parle d’un « accident » dû à une « consommation abusive d’alcool » et « de drogue ». Les forces du général Joana en Côte d’Ivoire sont en mission d’interposition et de maintien de la paix. La France n’a donc pas d’ennemi dans ce pays. Si ces soldats sont morts, c’est à cause d’un manque de chance certain : ils ont croisé les mauvaises personnes, un genre particulier de délinquants, au mauvais moment.
Cet épisode ivoirien a été suivi d’une séquence beaucoup plus dramatique en 2004 et 2005 : 9 soldats français morts dans le bombardement de Bouaké (novembre 2004) imputé à l’aviation ivoirienne, la riposte française détruisant les forces aériennes du président Laurent Gbagbo, les violentes manifestations anti-françaises à Abidjan donnant lieu à des tirs français provoquant la mort de civils. L’ampleur et l’intention de ces tirs sont longtemps demeurées objets de débats.
Médiatiquement, la polémique prend des proportions particulièrement préoccupantes pour l’institution de Défense avec la diffusion le 30 novembre 2004 de « 90 minutes » sur Canal+ accusant l’armée française d’avoir causé la mort de plusieurs dizaines de civils ivoiriens. Un second « 90 minutes », le 8 février 2005 vient compléter les informations du premier. Le parti pris de ces émissions est bien réel, mais les arguments qui y sont portés sont repris par les autres chaînes de télévision au fil des semaines.
La communication sur des missions d’interposition et de maintien de la paix est complexe
Le conditionnel employé en atténue à peine la portée. Les déclarations officielles de l’Etat-major et du ministre de la Défense (Michèle Alliot-Marie) manquent alors de cohérence, accentuant le malaise médiatique. Après quelques mois de calme relatif, nouvelle explosion médiatique en octobre 2005 avec l’affaire Firmin Mahé, un présumé « coupeur de route » tué dans des conditions obscures par des militaires français sans que leur hiérarchie ne réagisse immédiatement.
Pendant deux ans, le récit des actions de Licorne en Côte d’Ivoire a révélé à quel point était complexe la communication sur des missions d’interposition et de maintien de la paix, dans ce type de contexte qui mêle conflit civil et dérives criminelles. En Centrafrique, la situation de Sangaris n’a pas atteint un tel niveau d’intensité dramatique. Il y a bien eu un « Spécial investigation » diffusé sur Canal+ le 13 janvier dernier, reprochant à demi-mots aux militaires français leur partialité dans le désarmement des parties en présence, au profit des anti-Balakas.
Ces interrogations ont été portées par quelques reportages d’autres médias sans jamais émerger réellement dans les journaux d’information des grandes chaînes hertziennes nationales. Les faits sont évidemment d’une nature différente et le degré de gravité des accusations portées est bien moindre. L’institution de Défense a aussi largement progressé dans sa communication.
Reste que l’utilisation du terme « bandits » vient confirmer que la mission de Sangaris, sur le terrain, est particulièrement épineuse et que le récit qui peut en être fait par les communicants de la Défense et par les journalistes va devenir de moins en moins limpide.
(ici des soldats français de Sangaris discutant avec des miliciens ant-balaka)
http://afrique.kongotimes.info/ 20/02/2014 06:14:0
Ces militaires congolais autrefois accusés dans la plupart de cas à tort et à travers de viol et autres bavures, sont en ce moment précis en train de démontrer le contraire à Bangui. Les Banguissois sont les premiers témoins oculaires de cette œuvre grandiose. Le Général de brigade de la Misca, le Camerounais Tumentha Martin a aussi loué le professionnalisme des FARDC. Car, en un temps record, les FARDC sont parvenues à boucler, à désarmer les hors-la-loi centrafricains, sans les tuer.
*Le contingent des FARDC est amplement sollicité dans les opérations mixtes de sécurité, qui se réalisent à Bangui, capitale de la République Centrafricaine, après le chaos qui s’est installé au lendemain du départ du régime de François Bozize *Cependant, à côté de cette joie que les FARDC font retrouver aux Centrafricains, c’est un silence radio qui s’affiche dans les médias périphériques. Sans coup de feu ni tracasseries, les FARDC bouclent, désarment et cantonnent sans les tuer.
Ce, contrairement à certains des contingents sur place Basées il y a de cela déjà un mois dans le 8ème arrondissement dans le quartier des Combats, près de la grande avenue France, qui mène vers l’aéroport international de Bangui, les Forces armées de la République démocratique du Congo qui opèrent dans le cadre de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) sont prêtes à réagir à toute éventualité, avant leur déploiement à Bangassi, lieu de leur prédilection.
Car, selon les prévisions, c’est dans cette province que les Congolais devront être basés. « Depuis notre arrivée, nous avons mené plusieurs opérations de bouclage, de désarmement, mais aussi de cantonnement, et toutes ces opérations sont réalisées avec grand succès sans connaître la moindre perte en matériel ni en vies humaines et sans entendre le moindre coup de feu.
Ce que les autres n’arrivent pas à faire. Beaucoup de contingents tuent des civils lors des bouclages et désarmement », avait indiqué le Commandant des FARDC, le Colonel Fidèle Itongola lors d’un entretien qu’il a eu avec la presse, avant un embarquement raté pour Bangassi Selon l’officier militaire congolais, dans une mission de paix comme c’est le cas en République Centrafricaine, c’est le dialogue qui doit être privilégié d’abord. La force, souligne-t-il, n’est utilisée qu’après que le dialogue ait échoué, mais aussi il faut apprécier les circonstances de ce recours ultime. « Dans la plupart des missions menées, cette stratégie nous réussit.
Lorsqu’il faut désarmer un quartier comme ce fut le cas hier dans le cinquième arrondissement, nous avons bouclé ce quartier puis nous sommes passés maison après maison. Avant d’entrer, on toque à la porte et on se présente tout en expliquant l’objet de notre mission. Nos troupes sont bien informées et instruites sur ces principes et elles font exactement ce qu’on leur demande parce que jusque-là, il n’y a pas de plainte de la part de la population, qui réserve un bon accueil », précise le Colonel Fidèle Itongola, alors que de l’autre côté, c’était ses troupes qui se précipitaient à prendre place dans les camions qui devraient les amener à Bangassi, zone d’opération.
Le colonel renseigne que les FARDC ne s’affolent pas du succès qu’elles remportent. Bien au contraire, elles se ressourcent des temps en temps. A cet effet, il précise que des séances de remise à niveau sont organisées à l’intention des troupes soit par des officiers congolais, soit par les instructeurs français aussi présents à Bangui dans le cadre de l’opération « Sangaris ». « Nous avons mené plusieurs opérations mixtes avec les troupes françaises, une fois avec le contingent rwandais,… », a renseigné le Commandant des FARDC.
Les FARDC patrouillent à pied
Le Commandant du contingent de la Rdc/Misca en Centrafrique/Ph. Prince Un autre fait et non des moindres a attiré la sympathie des Banguissois est que les FARDC patrouillent à pied. Ce que ne font pas d’autres contingents. La plupart le font à bord de leurs véhicules blindés ou des chars sillonnant les quartiers et arrondissements de Bangui, oubliant que la stratégie des FARDC, crée sans peut-être qu’on le dise, un certain rapprochement entre les populations civiles et les militaires congolais. C’est sans doute cette stratégie qui fait que sur le terrain, les FARDC sont plus écoutées non seulement par les civils, mais aussi par les groupes armés qui se battent en pleine ville de Bangui.
Cele Bangue, un des chefs Anti-Balaka, trouvé dans le site de déplacés des chrétiens de Castor, situé au 5ème arrondissement, s’est déclaré prêt à coopérer avec les FARDC afin de ramener la sécurité à Bangui. Même son de cloche pour le Colonel des Seleka, Maharamade Aboubacar, trouvé dans le camp Beard, situé sur la grande avenue de l’Indépendance, un véritable lieu funèbre où ce groupe rebelle faisait la loi. C’est justement ici que les FARDC qui cantonnent ces insurgés, ont découvert une fosse commune. Et le Procureur de la République ne s’était pas retenu pour féliciter les FARDC en ces termes : « Je profite de l’occasion pour saluer la vigilance du contingent de la Rdc de la Misca, qui a découvert cette fosse où sont enfouis les corps,…. ».
Un silence « de mort » qui étonne
Ces militaires congolais autrefois accusés dans la plupart de cas à tort et à travers de viol et autres bavures, sont en ce moment précis en train de démontrer le contraire à Bangui. Les Banguissois sont les premiers témoins oculaires de cette œuvre grandiose. Le Général de brigade de la Misca, le Camerounais Tumentha Martin a aussi loué le professionnalisme des FARDC. Car, en un temps record, les FARDC sont parvenues à boucler, à désarmer les hors-la-loi centrafricains, sans les tuer.
Cependant, à côté de cette joie que les FARDC font retrouver aux Centrafricains, c’est un silence plus que de mort s’affiche à gros plan dans les médias périphériques et même dans le chef de l’opposition congolaise. Elle n’attend qu’il y ait des couacs pour cracher leur venin sur les autorités nationales. Pour la toute première fois, la communauté internationale refuse de voir la réalité en face et tourne son attention ailleurs. Heureusement qu’il ne s’agit pas cette fois-ci des accusations de viols ou de traitement dégradant contre les FARDC. Sinon, c’est tout le monde qui crierait. Dans ce monde des humains, on ne cherche qu’à monter en épingle des faits négatifs et on tait tout ce qui est positif. C’est bien dommage ! C’est sur ce genre de sensationnel que les Ong et autres organismes se mêlent et préfèrent goûter pour salir. C’est ce qui constitue un fonds de commerce qui les fait vivre. Et donc, si tel était le cas hier, aujourd’hui les FARDC affichent un comportement exemplaire qui séduit plus d’un, même dans les rangs des autres contingents déployés en Centrafrique et ne donnent pas de la matière à ces Ong.
L’honnêteté intellectuelle ne coûte rien
Selon un des principes des relations publiques qui veut que le bienfait ne soit connu, les prouesses des FARDC méritent une certaine reconnaissance de la part des médias périphériques, qui parlent par exemple de cette fosse commune, découverte dans le camp tenu par les Seleka, mais refusent de citer dans le moindre élément sonore le contingent congolais qui l’a décelée. En parler, comme l’ont fait les médias nationaux, ne réduira en rien la qualité ou encore la notoriété de ces médias, que de dire des choses telles qu’elles se sont passées. C’est ce qu’exigent l’honnêteté intellectuelle, mais aussi l’éthique et la déontologie journalistiques.
Cet appel à la reconnaissance vaut également pour la communauté internationale, qui ne doit pas seulement brandir le bâton lorsque rien ne marche, mais aussi la carotte pour encourager une armée qui excelle par sa façon de travailler. Il en est de même pour l’opposition congolaise, d’autant plus que les FARDC qui sont incolores n’agissent que dans le cadre d’une mission précise pour la paix. Ils ont droit à des encouragements de tous. Pour terminer, disons que la reconnaissance n’est pas de ce monde. Aux FARDC de bien faire leur travail peu importe le peu de considération que leur réservent certains médias périphériques.
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(Ici des soldats du contingent RDC de la Misca en opération à Boy-Rabe)
LE MONDE | 20.02.2014 à 14h24 |Marielle Debos (Maître de conférences en sciences politiques, université Paris-Ouest, Nanterre)
Les discours en faveur d’une intervention militaire en Centrafrique ont invoqué, dans une grande confusion, des enjeux humanitaires et sécuritaires. Les deux grilles de lecture fréquemment appliquées au conflit – celles du génocide et du vide sécuritaire – ne sont pas seulement erronées ou incomplètes : elles ont également des effets dangereux. Les expressions « génocide » et situation « pré-génocidaire » ont été avancées par les diplomaties française et américaine peu de temps avant l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité autorisant le déploiement de la mission « Sangaris » en décembre 2013. Plus récemment, le directeur des opérations humanitaires de l’ONU, John Ging, a affirmé que tous les« éléments » d’un « génocide » étaient réunis, en établissant une comparaison avec le Rwanda et la Bosnie, tandis que l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power, a parlé de « risques de génocide ».
Les acteurs internationaux ont raison de s’interroger sur ce qu’ils n’ont pas vuvenir. Contrairement à ce qu’avançait mi-janvier Gérard Araud, l’ambassadeur français à l’ONU, l’erreur n’est cependant pas d’avoir « sous-estimé la haine et le ressentiment entre communautés », mais plutôt les conséquences de l’inversion du rapport de force. La situation sur le terrain a en effet radicalement changé depuis le lancement de l’opération « Sangaris ». Les milices anti-balaka (chrétiennes) se sont dangereusement renforcées.
Si la démission forcée du président Michel Djotodia en janvier a permis deremplacer un dirigeant politico-militaire dont les troupes étaient responsables de pillages et de violences par une femme politique issue de la société civile, Catherine Samba Panza, elle a aussi aggravé la vulnérabilité des populations musulmanes. Ces populations, victimes d’atroces représailles, sont désormais obligées de fuir.
Malgré l’horreur suscitée par les récits qui nous parviennent de Centrafrique, il faut se garder des discours psychologisants sur la supposée haine entre chrétiens et musulmans. Les Centrafricains ne détestaient pas forcément leurs voisins avant que ceux-ci ne deviennent une menace. Surtout, ce discours alimente une idée reçue tenace : la violence trouverait son origine dans la haine. La politique n’est pas une affaire de bons ou de mauvais sentiments. La violence n’est pas le résultat mécanique de la haine ; elle est organisée par des entrepreneurs politiques qui peuvent jouer la carte de l’identité nationale, ethnique ou religieuse.
La polarisation identitaire est plus souvent une conséquence qu’une cause de la guerre. En outre, l’aveu d’une sous-estimation de la haine permet de passer sous silence les erreurs politiques les plus graves. Comme le souligne AmnestyInternational dans un rapport publié il y a une semaine, les troupes internationales ont été réticentes à faire face aux milices anti-balaka et se sont révélées incapables de protéger la minorité musulmane, désormais victime d’un nettoyage ethnique.
Loin d’être un simple synonyme de crise majeure, un génocide désigne, selon la Convention de 1948, un crime de masse visant la destruction totale ou partielle d’une population pour des motifs nationaux, ethniques, raciaux ou religieux. Du point de vue du droit comme du point de vue des sciences sociales, il n’y a pas de génocide en Centrafrique. Ceux qui jouent la carte du génocide hiérarchisent les crises et font monter les enchères. Faut-il qu’il y ait un génocide pour que l’on se préoccupe du coût humain d’une crise ? Une guerre ne vaut-elle donc plus rien sur le marché global de l’indignation ?
Le discours sur le génocide et la haine se marie étrangement à celui de la faillite de l’Etat et du vide sécuritaire. Les mêmes acteurs politiques passent allégrement de l’un à l’autre. Laurent Fabius avait ainsi évoqué le « désordre absolu » dans un pays « au bord du génocide » (avant de revenir sur l’emploi du terme génocide).Or, les analyses en termes de désordre et de génocide sont incompatibles. Pourorganiser la destruction d’une population, il faut des institutions. Il y a vingt ans, le génocide des Tutsi du Rwanda a été soigneusement planifié, orchestré et mis en œuvre par un Etat.
Si l’on considère les services publics, l’Etat centrafricain n’est effectivement pas loin de la faillite. Mais il faut s’interroger sur l’emploi de cette notion apparue dans les années 1990. Que nous apprend-elle des modes concrets d’exercice dupouvoir ? Rien. Des modes de régulation de la violence ? Rien. Alors, pourquoi rencontre-t-elle un tel succès, au point de qualifier des Etats aussi différents que la Centrafrique, le Mali ou l’Afghanistan ? La réponse est peut-être à rechercher dans les glissements qu’elle permet.
Les discours officiels passent en effet de la sécurité des civils en Centrafrique à la sécurité internationale et nationale. De qui les militaires français assurent-ils la sécurité ? La communication du ministre de la défense entretient la confusion entre les arguments humanitaires et sécuritaires. En janvier, le ministre Jean-Yves Le Drian a ainsi choisi Bangui pour « saluer toutes les forces impliquées dans les opérations de lutte contre le terrorisme ». Il avait déjà insisté un mois auparavant sur les liens entre le vide sécuritaire, les trafics et le terrorisme.
Si des acteurs armés régionaux, venus du Tchad et de l’Ouganda notamment, ont su tirer profit des régions peu peuplées du pays, la Centrafrique n’est ni la Somalieni le Mali. A force de plaquer sur la Centrafrique des notions et des problématiques forgées à propos d’autres contextes avec des agendas politiques bien éloignés des préoccupations de la population locale, on crée un écran de fumée sur les ressorts politiques et sociaux du conflit tout en alimentant de bien dangereuses prophéties autoréalisatrices.
Marielle Debos (Maître de conférences en sciences politiques, université Paris-Ouest, Nanterre)
(un jeune musulman du km 5 ici après une agression)
ALLIANCE DES FORCES DEMOCRATIQUES POUR LA TRANSITION
(A.F.D.T)
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DECLARATION N° 005/014
Relative au regain de violences meurtrières en
République Centrafricaine
L’Alliance des Forces Démocratiques pour la Transition (AFDT) a appris avec une grande consternation, l’assassinat de l’honorable Jean Emmanuel NDJARAHOUA, Conseiller National de Transition, commis le Dimanche 09 Février 2014 par les éléments identifiés de la milice Anti Balaka soutenue matériellement et financièrement par le Général François Bozizé et ses partisans nostalgiques du passé.
Ce Conseiller National a été lâchement assassiné pour avoir exprimé la veille ses opinions lors de l’interpellation du Gouvernement devant le Conseil National de Transition.
Cet acte odieux s’inscrit désormais dans la logique de milice Anti Balaka d’éliminer physiquement tous ceux qu’elle considère comme ses ennemis.
Cet assassinat qui vient s’ajouter à tant d’autres dans la ville de Bangui et celles des provinces a suscité un tollé général de protestation et tous les observateurs de la vie politique nationale s’accordent à dire qu’il est grand temps de mettre un terme à ce regain de violences qui endeuillent quotidiennement les familles centrafricaines et autres communautés vivant en RCA.
A cela, il importe d’y ajouter et de condamner les actes de pillages, vols et destructions des maisons de commerce et d’habitation perpétrés également tant à Bangui qu’en province par cette milice au service d’une coordination qui œuvre activement pour le retour au pouvoir du Général François Bozizé.
L’AFDT, malgré ses multiples déclarations et appels à la retenue et résolument engagée aux côtés des populations, ne saurait rester insensible à ces agissements barbares.
En conséquence l’AFDT :
En outre, l’AFDT saisit à nouveau cette occasion pour réitérer son appel à la mobilisation du peuple centrafricain en vue de faire échec aux projets de partition et de génocide en cours en République Centrafricaine.
Fait à Bangui, le 17 Février 2014
Le Président intérimaire de la Conférence des Présidents
Joachim SIOKE RAINALDY