Thème : Combattre l’esprit de xénophobie en Centrafrique
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* Auteur : Michel LOMPO – 27.02.2014
N.D.L.R. : Cet article émane d’un frère en Christ, Burkinabé de nationalité, et ayant séjourné en Centrafrique du 21 Septembre 2010 au 12 Décembre 2013 pour des raisons d’études pastorales à la Faculté de Théologie Évangélique de BANGUI (FATEB), où il a obtenu sa Licence en Théologie le 03 Août 2013.
Il était par la suite inscrit en année de Master de Recherche en Missiologie quand les évènements se sont durcis et accumulés, au point de l’obliger à interrompre ses études et à retourner au Burkina Faso, avec son épouse et leur fils de quatre ans et demi, le 12 Décembre 2013.
Il est désormais à YAOUNDÉ, au Cameroun, où la FATEB vient d’être délocalisée, à notre grand regret…
Un Centrafricain de cœur, croyez-le bien !
C. MABADA-MABAYE – Coordinateur – Sentinelles du Centrafrique
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Lorsque nous analysons la situation en R.C.A., on a l’impression que ce sont des chefs d’États étrangers qui ont utilisé quelques natifs centrafricains, en les accompagnant par des milliers de jeunes d’autres nationalités pour prendre le pouvoir le 24 mars 2013. Depuis cette date jusqu'au jour de la démission de Michel Djotodia, la Centrafrique était presque sous occupation étrangère.
Le carnage vécu en Centrafrique depuis le jour de l’occupation et, plus particulièrement, le drame qui s’est déclenché le 05 décembre 2013, est un événement sans pareil dans le pays. Aujourd’hui, vivent des centaines de veuves et des milliers d’orphelins en R.C.A. Les cœurs sont brisés, blessés, donnant ainsi naissance à la rancune. La consolation est devenue difficile. À qui la faute ?
Qu’on le veuille ou pas, la plus grosse responsabilité dans ce chaos revient à des étrangers.
Si des étrangers ont pu vivre dans un pays jusqu’à y avoir de l’autorité et, finalement, le plonger dans une crise sans pareille, n’est-il pas raisonnable de développer une hostilité à l’égard des étrangers dans ce pays ? Avoir une certaine méfiance envers eux : n’est-ce pas une certaine prudence pour éviter de pareilles choses dans l’avenir ?
Ce que j’entendais et voyais, pendant l’occupation de la Séléka, quand j’étais encore à Bangui, était insupportable, humainement parlant. Je disais à mes amis que je détestais la Séléka. J’étais en colère quand je les rencontrais. Je ne haïssais pas la personne d’un Séléka, en soi, mais le fait de voir une personne étrangère venir faire sa loi dans un pays qui n’est pas le sien, en violant les droits des citoyens, les fils et filles du pays, était à l’origine de ma colère bien que je sache que la haine et la colère n’accomplissent pas les desseins de Dieu. Je n’ai jamais voulu être en colère ni haïr les Sélékas mais, à cause de leurs exactions, je me retrouvais devant une force intérieure qui m’imposait sa loi. Il me fallait donc lutter contre mes émotions, pour pouvoir être dans la volonté de Dieu à l’égard de ceux qui nous maltraitent, selon qu’il est écrit : « …Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent. » (Matthieu 5. 44)
Je ne suis pas né en Centrafrique, ni en Afrique Centrale. Je n’y étais pas non plus pour une durée indéterminée. Si j’ai pu vivre ces choses en tant qu’étranger vivant dans le pays, à combien plus forte raison celui qui est né en Centrafrique, qui vit en Centrafrique et, pire encore, qui est victime de pillages et témoin de la mort de plusieurs membres de sa famille, de son église et de ses amis, ne sera-t-il pas dans le ressentiment ? Ce qui s’est produit peut donc engendrer l’hostilité vis-à-vis de l’étranger dans le cœur de tous les Centrafricains. Seulement, au plan biblique, cela ne sera pas à l’avantage de notre pays.
Quelle est la conduite à tenir dans de telles situations, en tant qu’enfants de Dieu ? Haïr, tuer, diviser, rejeter, répondre au mal par le mal, etc. ? Qu’est-ce-que Dieu attend de nous, pendant et après la crise politico-religieuse en Centrafrique ?
La lecture systématique de quelques passages bibliques nous servira de base pour répondre à ces questions. À vous, chacun pour sa part, de se laisser guider par l’Esprit, pour une compréhension plus approfondie du sujet et cela, à travers ces passages, ainsi que beaucoup d’autres encore, non explicitement cités ici, mais auxquels l’Esprit peut vous renvoyer, à toutes fins utiles.
Lévitique 19. 33-34
« Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l'opprimerez point. Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte. Je suis l'Eternel, votre Dieu. »
Ce texte contient trois principales recommandations de l’Eternel. Il s’agit :
- De ne pas exploiter ou opprimer l’étranger ;
- De le traiter comme un autochtone ;
- De l’aimer comme soi-même.
Pourquoi Dieu demande-t-Il cela à Israël ?
Parce qu’ils furent, eux aussi, étrangers en Égypte. Personnellement, je trouve paradoxal ce que Dieu demande à Israël. Son peuple, en effet, n’avait pas été bien accueilli en Égypte. Et pourtant, Dieu lui demande de ne pas opprimer l’étranger, bien qu’il ait subi de dures épreuves en Égypte. Cela nécessite donc réflexion. En fait, Israël a subi l’injustice en tant que peuple étranger. Les Centrafricains, quant à eux, ont subi, et subissent encore, aujourd’hui, la souffrance, de la part d’étrangers aimablement accueillis et établis sur leur propre territoire. Comment donc ne pas les exploiter, en retour de leur méchanceté, et comment les traiter comme des autochtones et les aimer, ultimement, comme soi-même ?
Ces trois choses que Dieu demanda à Israël, c’était pour son bien. Tout le chapitre (19) est une série de lois que Dieu donne à Son peuple. Il ne donne pas ces lois pour limiter sa liberté, ni pour le faire souffrir. Non ! Dieu, en lui prescrivant ces lois, avait pour objectif premier, son plein épanouissement en tant que société. Ces principes sont toujours valables pour notre époque. Obéir à cela, c’est unir ceux qui vivent dans le pays et ouvrir les portes au développement du pays, car aucun pays au monde ne peut se développer sans l’apport des étrangers.
Faut-il accepter seulement les étrangers chrétiens et chasser les musulmans ? En Israël, tout étranger était païen. À ce titre, l’étranger n’avait pas assez de droits dans les choses liées à la culture et à la religion juives. Le païen en Israël, à cette époque, peut être considéré comme le musulman dans un pays à majorité chrétienne, comme aujourd’hui. Pourtant, Dieu a demandé de leur donner des droits précis, pour qu’ils puissent vivre en paix avec les autochtones. L’intégration sociale et non religieuse de l’étranger est donc la priorité de Dieu dans ce passage.
Si un étranger se lève contre un autochtone, il y a deux choses : soit il a été mal accueilli, soit il est ingrat. Si un étranger ne jouit pas de ces droits sociaux dans un pays, il peut se révolter si cela perdure. Peu importe, par conséquent, l’origine du mal que subissent les Centrafricains de la part de gens qu’on considère plus ou moins comme venant de l’extérieur. Dieu a toujours un conseil à nous donner pour nous enseigner à mieux nous conduire, pour Sa gloire. Prions et cherchons à vivre en paix avec l’ingrat. D’ailleurs, Paul nous encourage dans Galates 6.9 à continuer à faire le bien, même si les gens demeurent dans leur ingratitude.
Si la vengeance domine, pour de bon, dans nos pensées et dans nos cœurs, la xénophobie deviendra alors inévitable. C’est la nature de la crise même qui l’exige. Dans Romains 12 : 17 – 21, Dieu nous invite à ne pas nous venger. La vengeance consiste à répondre au mal par le mal. Pour l’éviter, Paul nous donne des armes capables de combattre efficacement l’esprit de vengeance. Retenons que, dans une situation où la vengeance occupe encore la première place dans les cœurs des gens, leur société vivra difficilement dans la paix. Voulons-nous que la R.C.A. reste un pays sans paix et cela, pour des décennies encore ? Je pense que non ! Donc, il est temps de combattre l’esprit de vengeance qui peut se caractériser inévitablement par la xénophobie.
Trois armes efficaces pour combattre l’esprit de vengeance selon Paul :
1. Avoir un cœur bien disposé
Celui qui a un cœur bien disposé pour faire la paix, en tout temps, en tout lieu, et avec n’importe qui, n’aura pas le temps, ni une place dans son cœur pour la vengeance.
2. Se rappeler constamment que la vengeance est à Dieu, et non à nous
Si nous nous vengeons, il n’y aura jamais de paix car ce n’est pas notre devoir d’exercer la vengeance à l’égard de quiconque nous afflige. Dieu seul est habileté à l’exercer, et donc à la réussir, car Il sait quand et comment la mettre en route.
3. L’exercice des bonnes œuvres envers nos ennemis
Nos bonnes actions créent en notre ennemi un sentiment de honte et de remords. C’est aussi une manière de se venger, que j’appelle « la vengeance positive » :
- « Tu veux te venger? Bien ! Voici la manière dont il t’est permis de le faire : Comble de bienfaits ton ennemi ! Par-là, tu lui causeras la douleur salutaire de la honte et du regret pour tout le mal qu'il t'a fait ; et tu allumeras dans son cœur le feu de la reconnaissance, au lieu de celui de la haine »…
- « Traite ton ennemi avec bienveillance, car ton attitude l'humiliera et pourra le conduire à la repentance », dira un penseur… En d'autres termes, la meilleure façon de se débarrasser d’un ennemi, c’est de s’en faire un ami, et donc ‘de surmonter le mal par le bien’ » (v. 21)
Cette troisième et dernière arme est ce que notre texte de base, ainsi que les passages suivants, soutiennent :
« Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. Tu ne cueilleras pas non plus les grappes restées dans ta vigne, et tu ne ramasseras pas les grains qui en seront tombés. Tu abandonneras cela au pauvre et à l'étranger. Je suis l'Eternel, votre Dieu. » (Lev. 19.9-10)
L’étranger doit bénéficier de notre bien, et non s’appauvrir à cause de notre égoïsme à son égard. Ne le pillons pas, non plus, parce qu’il est étranger. Donnons à l’étranger, victime de pillage de la part des malintentionnés. Faisons ainsi, chers chrétiens, chères chrétiennes, bien que la cause de notre malheur actuel vienne des étrangers.
« Si ton frère devient pauvre, et que sa main fléchisse près de toi, tu le soutiendras ; tu feras de même pour celui qui est étranger et qui demeure dans le pays, afin qu'il vive avec toi. » (Lev. 25.35).
On doit soutenir l’immigrant pauvre, et non chercher à l’appauvrir davantage. Regarde par conséquent autour de toi : si un étranger a été dépouillé, aide-le à recommencer son commerce et, si tu as la possibilité de l’aider, d’une manière ou d’une autre, n’hésite pas (Luc 6.27 ; Jacques 4.17 ; Mat 5 : 38 - 48).
« Maudit soit celui qui porte atteinte au droit de l'étranger, de l'orphelin et de la veuve ! Et tout le peuple dira : Amen ! » (Deutéronome 27.19).
L’immigrant aura-t-il encore des droits en R.C.A. ?
Si tel n’est pas le cas, à l’avenir, ce sera une malédiction pour notre pays, mais aussi le signe marquant d’une éventuelle xénophobie en cours dans le pays.
« …J'étais étranger, et vous m'avez recueilli ; […] Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ? [...] Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. » (Matthieu 25.35).
Accueillir l’étranger, c’est accueillir Jésus, sans le savoir. De même, le traiter mal, c’est le faire à Christ. Décidons d’accueillir Christ.
La République Centrafricaine est le Pays de « ZO KWE ZO » (« UN ÊTRE HUMAIN EST, ET RESTE UN ÊTRE HUMAIN ». Si c’est vraiment le pays de « ZO KWE ZO », cela suppose que la xénophobie ne doit y avoir aucune place.
Que la réconciliation, la paix, l’unité, l’amour et la solidarité soient le partage de tous les centrafricains et toutes les centrafricaines en cette années 2014.
Au nom de Jésus Christ de Nazareth.
AMEN !
Vive la République Centrafricaine !
M. LOMPO