Bangui, le 23 janvier 2015
Propos liminaires de Madame le Chef de l’Etat de la Transition
Mesdames, Messieurs de la presse nationale et internationale, Distinguées Personnalités,
Mesdames et Messieurs,
Mon agenda n’a pas permis d’organiser la traditionnelle présentation des vœux du Nouvel An 2015, aux Institutions de la République, aux Corps Constitués de l'Etat, au Corps Diplomatique et Consulaire, aux Forces Vives de la Nation et à la Presse comme je l’avais souhaité; je veux profiter de cet instant pour m’acquitter de cet agréable devoir. A vous tous ainsi qu’à vos familles respectives, je souhaite une année 2015 faite de pardon, d'amour et de paix.
Mesdames et Messieurs de la Presse,
Ayant moi-même fait mes premières armes dans la communication, j’ai toujours considéré le 4e pouvoir que vous représentez comme l’épine dorsale de mon action. C'est pourquoi, c’est un devoir pour moi d’entretenir de bonnes relations avec les médias.
Je souhaite donc placer 2015 sous le signe d’une synergie avec la presse et favoriser, autant que je le pourrai, la liberté de la presse en Centrafrique, en relation étroite avec le droit du peuple à être informé et votre devoir d'informer dans les règles de déontologie et d'éthique professionnelle.
Cela étant, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation de prendre part à cette conférence de presse dédiée au bilan d’un an de gestion de la Transition sous mon mandat. Comme vous le constatez, la Transition n’étant pas que l’affaire de la Présidente que je suis, j’ai associé à cet exercice l’ensemble des hauts responsables des Institutions de la Transition afin que vous ayez directement auprès de ceux-ci les réponses aux préoccupations qui concernent les Institutions dont ils ont la charge.
Pour ma part, j’aimerai introduire cette conférence par un aperçu global de tout ce qui a été fait en une année dans des conditions souvent très difficiles. Je vais ensuite esquisser les prochaines étapes devant conduire aux élections pour un retour à l’ordre constitutionnel et arriver ainsi de manière apaisée à la fin de la Transition.
Mais auparavant, je dois m'acquitter d'un devoir de mémoire. Celui de rappeler à mes compatriotes d'où nous revenons. Celui de faire prendre clairement conscience par chaque centrafricain de la situation de la République centrafricaine au moment de mon accession à la magistrature suprême et des efforts qui ont pu être faits en quelques mois. Car, pour apprécier le présent et construire solidement l'avenir, il faut tirer les leçons du passé.
Pour mesurer la situation de la République Centrafricaine en janvier 2014, il suffit de se référer aux analyses et qualificatifs sur notre pays par les analystes politiques et les Organisations Internationales des Droits de l'Homme. Ainsi, dans son Rapport Afrique de décembre 2007 International Crisis Group qualifiait la RCA d'Etat fantôme; pour International Crisis Group la République centrafricaine n’était déjà plus un Etat fragile, mais était devenue, au fil des ans, un Etat fantôme, voire un Etat fictif, car depuis longtemps, les éléments constitutifs d’un Etat ne sont plus réunis.
Le rapport Doing Business 2013 de la Banque Mondiale classait la RCA au 188ème rang sur 189 pays pour le climat des affaires. L’indice 2013 Mo Ibrahim qui mesure l’état de la gouvernance dans 52 pays africains, publié le 14 octobre 2013, classait le Centrafrique au 49ème rang (32,7) devant l’Erythrée, la RDC et la Somalie.
Didier Niewiadowski, ancien Conseiller de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France à Bangui, dans son ouvrage intitulé "La République centrafricaine: le naufrage d’un Etat, l’agonie d’une Nation" écrivait que la longue descente aux enfers de notre pays avait commencé bien avant le 24 mars 2013: pour lui, l’Etat centrafricain ne jouait plus le rôle qui aurait dû être le sien, notamment dans les domaines de la protection des citoyens, du développement économique et social, de la consolidation de l’Etat de droit et de la cohésion nationale.
Il ressortait de l'ensemble de ces analyses que bien avant 2013, l’insécurité gagnait déjà tout le territoire national et faisait croître le nombre de réfugiés dans les pays voisins. Un exode ininterrompu de centaines de milliers de Centrafricains était déjà constaté par les organisations humanitaires, dans les zones frontalières, notamment en RDC et au Cameroun.
Divers documents indiquaient clairement que bien avant la chute du Président Bozizé, près de 60 % du territoire national échappait totalement au contrôle de l’Etat centrafricain. Les autorités de l’Etat avaient disparu, les Forces Armées (FACA) et les policiers n’assuraient plus la sécurisation des populations, les services déconcentrés ministériels étaient livrés à eux-mêmes, les services de santé étaient sans moyens tandis que les maîtres-parents étaient souvent les seuls enseignants. Après l’arrivée de la Séléka le 24 mars 2013 et l'avènement des Anti Balakas le 5 décembre 2013, c’est tout le territoire qui est tombé dans l’anarchie. L’Etat-Nation avait simplement disparu. Et bien avant cette anarchie, la population était déjà dans une situation de grande détresse. Voilà, Mesdames et Messieurs, la situation de la RCA dont j'ai hérité en janvier 2014. Face à cette situation chaotique, les autorités de la Transition ont décidé de faire courageusement face aux nombreux défis sécuritaires, humanitaires, institutionnels et socio- économiques afin de répondre aux nombreuses attentes des populations. Si je devais résumer le bilan de nos actions au cours de l’année 2014, je n’aurai qu’une phrase : après les deux tsunamis qui ont frappé notre pays le 24 mars et le 05 décembre 2014, la RCA se relève lentement mais sûrement, grâce aux efforts conjugués de nombreux centrafricains de tous bords, malgré les divers soubresauts et obstacles dressés devant nous.
Pour preuves : - La sécurité gagne fortement du terrain avec l’appui des forces internationales qui montent en puissance et qui accomplissent leur mission avec beaucoup de professionnalisme, en dépit de nombreux actes de sabotage et de déstabilisations de ceux qui ont pourtant participé au désastre actuel de notre pays; - L’exemple de la cohésion sociale existe désormais au sommet de la Transition, tout comme la dynamique de cohésion à la base impulsée par les Organisations Non Gouvernementales et les populations elles mêmes; - Un gouvernement inclusif et composé de toutes les sensibilités politiques, confessionnelles et sociales dirige les affaires du pays; - L’autorité de l’Etat est progressivement restaurée avec le déploiement de l’administration dans l’arrière pays.
Celle-ci est davantage affirmée à travers la réhabilitation des services judiciaires à Bangui et dans certaines villes de l’arrière pays pour une lutte implacable contre l’impunité et la protection effective des citoyens contre les actes de violence; - Les sites de déplacés internes se vident progressivement et des réfugiés des pays voisins regagnent leur foyer bercail; - Le climat social connaît une relative sérénité avec le paiement quasi régulier des salaires, pensions, bourses et vacations: en 2014, 12 mois de salaires et de bourses ont été payés ainsi que 5 trimestres de pension, alors que par le passé, les fonctionnaires ont accumulé jusqu'à 36 mois d'arriérés de salaires; - Les plaidoyers faits au cours des différentes missions effectuées à l’étranger ont permis une mobilisation effective de la Communauté Internationale au chevet de la République Centrafricaine avec les effets palpables des appuis multiformes dont bénéfice le pays de la part des partenaires extérieurs.
L’appui budgétaire reçu du FMI, de la Banque Mondiale et de l’Union Européenne avoisine les 80 milliards de FCFA; - L’arrestation et le transfert de Baba Ladé au Tchad et de Dominique ONGWEN à la CPI ainsi que celui de Rodrigue GAÏBONA Alias Andilo, ont donné des signaux forts de la volonté des Autorités de la Transition de lutter contre l’impunité dans le cadre des accords et traités dûment ratifiés par notre pays; - La relance des activités économiques dans les zones sous contrôle de l’Etat et la mise en place de procédures d’assainissement des finances publiques ont permis de mobiliser des ressources propres et de jeter les bases d’une amélioration effective des capacités propres de résolution de nos problèmes financiers.
L’élaboration et la mise en œuvre d’un Programme d’Urgence et de Relèvement Durable du pays constituent le cadre de référence des efforts du gouvernement dans ce sens; - L’appui effectif à l’Autorité Nationale des Elections d’un montant d’un milliard de FCFA pour le lancement des opérations électorales conformément à son chronogramme; - La révision en cours de la Constitution par le Conseil National de la Transition et la préparation du référendum constitutionnel; La liste des réalisations de l’actuelle Transition est sans doute longue et je m’en tiendrai aux plus saillantes énumérées ci-dessus. Je préciserai toutefois que toutes les actions prévues dans la feuille de route du gouvernement ont été la grille à partir de laquelle nous avons travaillé. J’ajouterai sans démagogie que des acquis de cette première étape de mon mandat existent réellement et je profite de cette occasion pour remercier toutes les personnalités et entités comme le GIC RCA, le Médiateur International dans la crise centrafricaine et la Conférence Episcopale de l’église catholique qui ont reconnu en toute objectivité les avancées de cette première année.
C’est sur la base de ces acquis que nous envisageons la seconde étape qui a déjà commencé et dont les actions phares ont déjà aussi été rendues publiques.
Je rappellerai simplement que les priorités de nos actions pour les mois à venir sont les suivantes : - Les consultations à la base portées par ma vision de la sortie de crise et fortement réclamées par les Forces Vives de la Nation. Au moment où je m’adresse à vous, les équipes constituées sont déjà à pied d’œuvre sur le terrain après l’encadrement dont elles ont bénéficié de la Communauté Internationale et notamment de la MINUSCA qui nous accompagne dans ce processus; - Le forum national de Bangui, passage obligé pour réunir le peuple centrafricain autour d'une vision commune de la renaissance de notre pays. La commission de préparation de ce forum a été mise en place par décret et est déjà à pied d’œuvre. Les résultats des consultations à la base seront la source nourricière de ses travaux; - L’adoption de la nouvelle constitution par référendum; - La préparation et l’organisation effective des élections dans la période fixée par la prolongation de la Transition, en souhaitant que l’ANE dispose des moyens requis pour tenir ce délai.
Tenir les échéances électorales est pour nous un pari audacieux, alors que l’Etat a disparu, que les collectivités territoriales ont été anéanties, que les actes de l’état civil ont été détruits, que les listes électorales doivent être entièrement reconstituées, qu'il y a encore un nombre importants de déplacés et de réfugiés. Mais nous devons absolument tenir ce pari. Tout en ayant conscience que nous ne devons pas organiser une mascarade électorale dont notre pays n’a pas besoin et qui risque de le replonger dans le chaos ; - Evidemment notre responsabilité de tous les jours jusqu’à la fin de notre mandat nous portera à accorder une attention permanente aux fronts sécuritaire et social où nous savons que les Centrafricains nous attendent; - La mise en œuvre des processus DDR et RSS qui ont par le passé fait preuve de leur inefficacité et qui doivent être totalement repensés. Mesdames, Messieurs de la presse nationale et internationale
Distinguées Personnalités, Mesdames et Messieurs,
La restauration d’une paix durable et la reconstruction d’un Etat exigent du temps et une union nationale. Nous devons tous avoir conscience que la période de pacification sera longue et nécessitera des sacrifices et la contribution de chaque centrafricain.
Le décor étant planté, je vous donne maintenant la possibilité de poser toutes les questions sur tous les volets de ce qui a été fait et qui reste à faire.
Toute la tête de la Transition sera à votre disposition pour répondre à ces questions et je souhaite que cette occasion d’échanges soit la plus courtoise possible.
Je vous remercie.