RFI Olivier Fourt lundi 24 juin 2013 à 23:47
Goodluck Jonathan, Ali Bongo, Alassane Ouattara ou Idriss Déby Itno comptent parmi les onze chefs d'Etat qui ont fait le déplacement à Yaoundé, au Cameroun, ce lundi 24 juin, pour un sommet consacré à la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée. La région est devenue l'une des zones de prédilection des laissés-pour-compte du développement, pour un coût estimé entre 25 et 75 millions d'euros en 2012.
Selon les chiffres du Bureau maritime international (BMI), depuis le début de l'année, sept attaques et une prise d’otage ont été dénombrées au large de la Somalie, contre 22 attaques et une prise d’otage au large du Nigéria.
La zone touchée se situe surtout dans le fond du golfe de Guinée où se concentrent les trois quarts des attaques, c'est donc une zone bien moins étendue que la zone d'action des pirates au large de la Somalie, qui couvrait une bonne partie de l’océan indien.
Attaques en eaux troubles
Autre différence, le golfe de Guinée n'est pas une zone de transit comme le golfe d'Aden. Les bateaux qui sont attaqués le sont le plus souvent au mouillage, en attente de chargement. Aujourd'hui, environ 50 % des attaques dans le golfe de Guinée, sont assimilables à du brigandage maritime et 50 % à de la piraterie maritime.
« Il s’agit de cambriolages ou de rackets en mer, mais on assiste aussi à des prises de navires pour s'emparer de leur cargaison, comme, par exemple le ‘Bunkering’, qui consiste à siphonner les hydrocarbures contenus dans le pétrolier, ou même pomper les carburants destinés à la propulsion du navire, en utilisant un bateau-citerne qui repartira avec le butin et revendra tout ça en contrebande à terre », explique un responsable de la Marine nationale française joint par RFI.
Selon les experts, les pirates du golfe de Guinée ont une logique de revenus à court terme : « Il s’agit pour eux de faire rapidement de l'argent et de repartir s'il n'y a rien d'intéressant à bord », poursuit cette source au sein de la Marine nationale.
Des actes de plus en plus violents?
Les pirates du golfe de Guinée peuvent toutefois se montrer extrêmement imprévisibles. Ils sont le plus souvent désorganisés, et se découragent souvent assez rapidement. Mais parfois, sous l'emprise de stupéfiants, ils se montrent très violents. « On a vu des pirates abattre des membres d'équipages tout simplement parce qu'ils n'arrivaient pas à ouvrir assez vite la porte d’un compartiment », assure notre interlocuteur. « Ces méthodes tranchent avec celles que l’on connaissait en Somalie où les otages étaient ramenés à terre, détenus dans des zones sanctuaires, nourris et logés, car les pirates étaient conscients de la valeur qu'ils pouvaient représenter ». Dans le sud du Nigéria, d’où partent bon nombre d’attaques, les pirates ont des difficultés à établir des bases arrière, ce qui explique aussi ce mode d’action consistant à frapper en mer et à se retirer très vite.
Le SOS des Etats de la région
« Nous devons réagir sans faillir », a affirmé au premier jour de la conférence, le chef de l'Etat camerounais, Paul Biya. Les responsables d'Afrique centrale et d'Afrique de l’Ouest plaident pour le déploiement d'une force navale internationale dans la région. Certains pays n’ont pas attendu le forum de Yaoundé pour commencer à mettre en place des forces de gardes-côtes. Le Nigéria a acheté des patrouilleurs chinois. Le Bénin et la Guinée se sont dotés d’embarcation d’intervention. En principe, les marines de ces Etats sont capables d'intervenir pour protéger les eaux territoriales. L'effort doit maintenant porter sur la coordination de leurs actions.
Depuis 1990, la France maintient presque en permanence un navire dans la région : la mission Corymbe. Actuellement, la frégate la Touche-Tréville patrouille dans la zone. Ce bateau est intervenu pour porter assistance au pétrolier MT Adour, attaqué devant Lomé dans la nuit de mercredi 19 à jeudi 20 juin. Son équipage a depuis été libéré. La Marine nationale précise toutefois que « l’objectif de la mission Corymbe est la protection des ressortissants et des intérêts français dans la région, à ce stade ce bateau n'est pas dédié à la lutte contre la piraterie ».
Dans le cadre de la coopération militaire, la France a envoyé au moins un officier de marine dans chaque pays riverain du golfe de Guinée. La Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) participe à la formation et à l'équipement des marines de la région et aide à la mise en place d'un réseau de sémaphores qui, à terme, devraient être interconnectés, afin de surveiller les eaux territoriales des pays concernés.