C’est à partir de l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen que l’ancien homme fort de Bangui a embarqué dans un vol de la Kenyan Airways à destination de l’Afrique de l’Est précisément au Kenyan. François Bozizé quitte ainsi sa terre d’accueil le Cameroun, après le renversement de son régime survenu le 09 mars dernier sous la conduite de la rébellion menée par Michel Djotodia désormais au pouvoir. Arrivé sous très faible escorte policière à l’aéroport international de Yaoundé, c’est la surprise générale dimanche dernier. Le personnel au sol visiblement surpris ne cache pas son émotion. Chacun cherchant à comprendre les raisons de ce voyage surprise. Les discussions et les commentaires vont bon train sur cette mine anxieuse que laisse transparaître le tombeur d’Ange Félix Patassé.
Quelques valises et autres effets personnels sont vite enregistrés et passés au scanner. Sécurité aéroportuaire oblige. La mine patibulaire et le regard hagard, d’un pas lent et peu rassuré, François Bozizé avance hésitant vers les marches de cet escalier roulant qui le conduira à la porte du lieu de l’embarquement. Son épouse avance derrière lui. Ses traits de mascara qui manquent de précisions au coin de son œil droit marquent une précipitation dans le geste. La faible escorte leur aura t-elle mis sous pression? Bozizé, d’un dernier regard se retourne encore une fois du haut de l’escalier. Non pour se rassurer de la présence de sa deuxième femme mais pour se rendre compte de ce qu’il vient d’être «expulsé» du Cameroun sa terre d’accueil. Sa tête baissée semble chercher une ultime grâce providentielle dont il n’a même pas le courage d’imaginer l’origine. Son costume et son teint ébène se perdent désormais ensemble dans le noir obscur du couloir d’embarquement. Comme des ombres simplement.
Et même si des sources parlent d’un départ volontaire du putschiste du 10 mars 2003, reste que les nouvelles autorités de Bangui avaient émis un mandat d’arrêt international contre cet ancien Chef d’Etat. Mandat d’arrêt international qui courait depuis quelques jours et qui constituait une épée de Damoclès sur le Cameroun. Et avec la menace du Président tchadien Idriss Deby qui exigeait de plus en plus publiquement que Yaoundé remette «le colis» au gouvernement en place à Bangui, il est fort à croire que Yaoundé n’a pas voulu s’encombrer des colères de Ndjamena. Quelques instants plus tard c’est sa fille ainée qui à son tour, embarquera à bord d’un vol de Camair-Co à destination de Maroua. Son destin désormais séparé de celui de son père.
L’expulsion du Général rebelle vient ainsi mettre un terme à la polémique qui était née avec l’installation de François Bozizé au Cameroun. A l’hôtel Hilton où il logeait avant son installation au quartier golf à Yaoundé, un employé dit garder l’image d’un jouisseur épicurien. Ici c’est tout le monde qui a encore en mémoire le défilé quotidien des belles de nuits dans les appartements privés de l’homme. Avec toutes les exigences de sécurité que cela appelle. On évoque aussi ces conférences de presse que «Monsieur le Président» accordait à tout vent à une certaine presse ayant pris le soin d’en expulser une autre.
A la résidence du quartier Golf, ce sera encore des partouzes dont les gémissements ont mis mal tout le voisinage et qui auront attiré l’attention de la haute autorité qui s’est finalement pliée aux exigences de la rébellion au pouvoir à Bangui. Des indiscrétions font d’ailleurs état de ce qu’au moment de son discret départ de Yaoundé, les prostituées de la dernière expédition libidineuse n’auraient pas été payées. Elles auraient d’ailleurs menacé de mettre à sac la résidence du Golf lorsqu’elles ont constaté à leur dépend, que le maître des lieux avait levé l’ancre. Un fait qui vient une fois encore questionner le séjour de François Bozizé Yaoundé.
Les Gens Nomades
Jésus Christ le fils de l’homme a erré dans le désert pendant 40 jours et 40 nuits. C’est en tout cas ce que nous disaient le nègre de catéchiste et le curé blanc de notre village. Ils nous ont dit que c’est Satan la bête qui l’y avait déporté pour le tenter, le séduire et en faire finalement un des siens. Dans leurs représentations du Dieu et de la Bête, le premier était toujours un blanc beau et grand tandis que le second lui était toujours un … noir. Pendant 40 jours et nuits donc le Fils de l’Homme est allé d’un endroit à un autre de ce désert, espérant en voir la sortie un matin. Honnêtement je ne saurais vous dire de quoi il se nourrissait ou se rafraîchissait pendant cette période….
Tout autour de nous il y a aussi des pèlerins d’un genre particulier. Il s’agit des ivrognes dont le nomadisme consiste à aller de bar en bar, à la conquête de «la séparante» qui ne finit parfois jamais et dont le seul mérite est de vous rendre encore plus ivre que la «une» ou «la première». Ces forains bien souvent sont aussi ceux qui n’ont jamais d’adresse fixe. Aujourd’hui on habite Paris, demain c’est à Mokolo qu’on déménage, puis la semaine prochaine on est installé à Bastos. Il y a aussi une catégorie que d’aucun ont appelé les prostitués des médias pour parler de nous journalistes. Véritables press-trotter leur exploit consiste parfois à travailler dans parfois cinq médias successifs au cours de la même année. Parfois aucune raison essentielle n’est évoquée pour justifier d’une telle instabilité professionnelle. Parfois c’est les patrons qui nous accusent d’être infidèles, parfois ce sont les circonstances.
Les circonstances ce sont ces facteurs exogènes qui contraignent parfois les uns et les autres aux comportements les plus inattendus. Comme bien d’autres avant lui François Bozizé doit désormais fuir et vivre en cachette. Eviter de se faire voir, éviter de se faire prendre ou capturer comme un vulgaire brigand. Du haut de son statut de Chef de l’Etat pendant 10 ans il aura fait fuir son prédécesseur Ange Félix Patassé, le contraignant à mourir en exil politique au Cameroun après l’avoir renversé. Assurément l’Ange Ratasse mourait de rire du fond de sa tombe. Lui au moins n’était contraint d’aller d’abris en abris et de pays en pays pour fuir la main vengeresse de son tyran parce qu’au moins il est le seul de l’histoire de la Centrafrique à avoir gagné les suffrages du peuple.
L’homme fort d’hier a mis le cap sur le Kenya après le Cameroun. Dans l’espoir sans doute qu’à défaut de paradis il peut y trouver le purgatoire et confesser ses péchés au peuple Centrafricain. Dans cet élan nul ne peut encore dire pendant combien de temps ce pays d’Afrique de l’Est abritera le Général et son épouse face à la détermination de Djotodia et son gouvernement à lui faire payer ses actes. De même on ne saurait dire que c’est la dernière destination touristique du couple errant. Un peu comme s’il était poursuivi par le fantôme menaçant de Félix Patassé, François Bozizé semblent désormais fuir une vie qu’il semble seul à voir. Un peu comme s’il était sous un effet hallucinogène.
L’ivresse du pouvoir d’hier s’en est allé. Laissant libre cours à la réalité de l’heure. Loin du Tribunal pénal international et de ses cours de la Haye, c’est devant la justice Centrafricaine que le justicier d’hier répondra. Un peu comme le philosophe allemand Nietzche qui évoquait la problématique de l’éternel retour, la problématique de l’arroseur arrosé que soulève le cas Bozizé enseigne à suffire qu’autant on peut être Général d’armée, autant l’on peut être Chef d’Etat autant on peut être WANTED.