Par MARIA MALAGARDIS Libération
Les combats ont cessé en Centrafrique. «Mais la peur et l’inquiétude sont toujours là», souligne une expatriée française qui, depuis Paris, continue de suivre au jour le jour l’évolution d’un pays auquel elle reste très attachée. Les nouvelles qu’elle reçoit évoquent encore souvent des braquages effectués par des hommes en armes, au statut mal défini, «même si on perçoit une relative accalmie dans la capitale» signale-t-elle.
Reste qu’aujourd’hui, Michel Djotodia, le nouvel homme fort du pays, semble se sentir contraint de donner des gages, alors qu’il peine à imposer la légitimité d’un régime autoproclamé. Mardi, à l’issue d’une tournée régionale dans les pays voisins, il annonçait ainsi un moratoire sur la vente et l’exploitation du diamant «afin de moraliser le secteur».Lequel se résume en réalité à une exploitation anarchique et artisanale depuis le départ des grandes compagnies minières étrangères, en 2003.
Enfants soldats. Un geste plus significatif dans l’immédiat, Djotodia a officiellement remis à l’Unicef, le 30 mai, une cinquantaine d’enfants soldats enrôlés dans les rangs du Séléka, la coalition de groupes rebelles qui a pris le pouvoir en mars. Et a également promis dans la foulée «la démilitarisation de Bangui» et le cantonnement des combattants du Séléka, qui ont semé la terreur dans la capitale lors de la prise de la ville(lire ci-contre) puis au cours des deux mois qui ont suivi.
Constitué à l’origine d’un millefeuille de groupes hétéroclites, le Séléka s’est illustré, lors de sa progression vers la capitale, par des viols et des pillages, notamment d’églises, renforçant les soupçons selon lesquels des éléments rebelles, venus du Soudan ou du Tchad, auraient pour objectif l’islamisation du pays. Des accusations démenties mardi par le nouveau président, premier musulman à la tête de la Centrafrique depuis l’indépendance.
Qui a financé le Séléka ? Le Qatar et l’Arabie Saoudite, comme le prétendent d’insistantes rumeurs ? Que veulent réellement ces hommes qui règnent surtout par les armes ? Pour l’instant, le pays a été placé en quarantaine par ses principaux partenaires. Et, qu’elles aient ou non un caractère religieux, les exactions se poursuivent. Dimanche, une attaque d’hommes armés se réclamant du Séléka a fait sept morts et de nombreux blessés à Bourca, dans le centre du pays. Les assaillants étaient arrivés dans la région en prétendant protéger la population, avant de piller et incendier les maisons. Le lendemain, c’est un jeune agriculteur qui a été battu à mort dans un village du Nord. Les agresseurs, qui disaient eux aussi appartenir au Séléka, se sont volatilisés après avoir emporté sa moto et son bétail.
Nuisance. La chronique de ces incidents sporadiques révèle surtout combien la situation reste aussi instable que confuse en province, où les observateurs neutres ou étrangers sont rares. L’arrivée, mercredi, d’un premier contingent de 200 Congolais intégré dans la nouvelle force de maintien de la paix régionale permettra-t-elle de mettre un terme aux exactions ? La guerre est finie et l’ex-président François Bozizé, visé désormais par un mandat d’arrêt international émis par Bangui, n’a plus la même capacité de nuisance : il a quitté mardi le Cameroun voisin, où il s’était d’abord réfugié, pour rejoindre le Kenya.
Source : http://www.liberation.fr/monde/2013/06/06/le-feu-couve-toujours-en-centrafrique_908914