LIBREVILLE, 04 juin 2013 (AFP) -: Le président centrafricain Michel Djotodia, arrive au pouvoir en mars après une offensive éclair de la coalition rebelle Seleka et dont le pays est toujours en proie aux troubles, a annonce mardi dans une interview exclusive accordée a l'AFP un moratoire sur l'exploitation et la vente de diamants, afin de moraliser le secteur.
Q: Votre pays a été suspendu du processus de Kimberley (système international de certification des diamants bruts). Comment réagissez-vous?
R: C'est avec beaucoup de peine que nous avons appris la suspension temporaire, le 23 mai, de la RCA du processus de Kimberley (...) Je ne peux pas imaginer qu'elle s'inscrive dans la durée. Ce serait extrêmement grave pour l'avenir économique du pays et de sa population. L'industrie du diamant fait vivre aujourd'hui plus de 900.000 concitoyens - soit près d'un cinquième de la population (5 millions habitants) - qui vont être les premières victimes de la suspension. Nous comprenons que des doutes puissent exister mais nous sommes dans un processus d'ouverture et de transparence pour apporter toutes les clarifications nécessaires.
La RCA paie aujourd'hui les errements du gouvernement précédent. L'exclure maintenant du processus de Kimberley serait la priver de ses capacités à créer les conditions d'un renouveau économique et politique. J'ai effectué de nombreuses démarches auprès des pays voisins (...) appelé à la création d'un fonds fiduciaire pour la réactivation des services administratifs et publics ainsi que la préparation des élections (2016). Toutes ces actions vont dans le sens d'un rétablissement de la paix civile et donc répondent en tous points aux objectifs du processus de Kimberley.
Q: Il n'y aura plus de "diamants du sang" centrafricains?
R: "On ne parlera plus de diamant de guerre en Centrafrique. Mon gouvernement et moi sommes pleinement mobilisés pour prendre les mesures rapides permettant de réintégrer Kimberley. Nous allons décréter un moratoire sur l'exploitation et la vente de diamants pour faire un audit précis. Nous invitons le processus de Kimberley et tous les autres acteurs qui le souhaiteront, y compris les ONG, afin que nous puissions avec leur concours faire évoluer la situation la plus vite possible.
Voici les mesures que nous allons prendre. 1) Envisager la création d'une bourse de diamants centralisée, comme au Ghana, afin de garantir la sécurité des diamants et des particuliers (...)
2) Exiger que toutes les devises soient importées par l'entreprise par un système bancaire officiel.
3) Exiger que les paiements aux négociants soit payés par système bancaire et non en espèces.
4) Améliorer la formation et accroître le financement des organismes de surveillance de l'Etat.
5) Considérer la nomination d'inspecteurs et de firmes de vérificateurs internationaux pour aider au renforcement des contrôles internes.
6) Envisager la création d'un système de récompenses, comme en Sierra Leone, permettant d'obtenir des renseignements menant à la confiscation des biens illicites. 7) Veiller à ce que les gouvernement procèdent à des inspections aléatoires indépendantes des sociétés qui font le commerce pour garantir leur conformité aux normes de Kimberley.
Q: On accuse le Séléka d'être financé par les diamantaires. Que répondez-vous?
R: "Les choses (l'offensive rebelle) ont commencé en décembre (...) en mars nous étions à Bangui. Est-ce que dans ce temps minime, il était possible aux uns et aux autres de financer la rébellion? Je ne crois pas. Nous nous sommes préparés dans une zone qui n'était pas une zone diamantifère, c'est une zone pétrolière enclavée (dans le nord) (...) Les armes que nous avons ont été récupérées aux FACA (Forces armées centrafricaines). Ce ne sont pas des armes achetées à l'extérieur. Alors parler de diamants qui ont permis de financer telle ou telle rébellion, surtout le Séléka, ce n'est pas normal.
Nous n'avons jamais reçu de l'aide de qui que ce soit, et en particulier des diamantaires. Il est vrai que quelques travailleurs (du diamant) sont venus nous rejoindre au moment où nous avons lancé l'offensive. Nous allons rétablir les choses. Sanctionner la RCA, c'est jeter le pays dans un gouffre.
Q: Allez-vous respecter les concessions notamment minières signées par l'ancien régime?
R: Nous sommes obligés de respecter tous nos accords mais ça ne veut pas dire que nous allons les appliquer dans leur totalité. Nous allons faire appel à nos partenaires, essayer de voir comment les choses ont été conclues et ensuite réactualiser les choses.
Q: L'insécurité perdure...
R: Pensez-vous que j'aurais quitté le pays pendant plusieurs jours pour aller voir mes homologues de la sous-région si le pays était en proie à l'insécurité? Cette sécurité doit aujourd'hui être renforcée, et notamment dans les zones diamantifères afin de punir avec la plus grande sévérité les actes de contrebande.
(Propos recueillis par Patrick Fort)