http://www.leparisien.fr 20.09.2013, 18h22 | Mise à jour : 21h19
La France serait prête «si nécessaire» à porter ses effectifs militaires en Centrafrique à 700/750 hommes, contre 450 actuellement, dans le cadre d'une opération internationale de maintien de la paix. C'est ce qui a filtré vendredi dans l'entourage de François Hollande.
La Centrafrique, un des pays les plus pauvres de la planète, est en proie au chaos depuis la chute, en mars, du président François Bozizé, renversé par une coalition rebelle, Séléka, dont le chef, Michel Djotodia, s'est autoproclamé président.
Mais le nouveau pouvoir à Bangui peine à restaurer l'ordre dans le pays qui s'enfonce dans la violence entre groupes armés, alors que les combattants de Séléka sont accusés d'exactions à répétition contre la population et les nouvelles autorités se sont montrées jusqu'ici incapables de restaurer l'ordre.
Jeudi, depuis Bamako (Mali), le président tchadien Idriss Déby Itno avait mis en garde sur la persistance de la menace jihadiste en Afrique, et plaidé pour une action en Centrafrique, qui risque, selon lui, de devenir un sanctuaire de terroristes». Son homologue français a également jugé que «le conflit (était, NDLR) en train de devenir une confrontation religieuse», déplorant par ailleurs «les femmes victimes de viols», «les enfants déplacés, perdus», «les villages anéantis».
Convaincre l'ONU d'une «opération de maintien de la paix»
Lors d'une réunion internationale le 25 septembre à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, la France entend plaider en faveur, dans un premier temps, de l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité renforçant le mandat de la force panafricaine déployée sur le terrain sous l'égide de l'Union africaine (Misca). Dans un deuxième temps, Paris espère faire voter une résolution qui transforme cette force en «opération de maintien de la paix» mais «c'est un objectif ambitieux, il va nous falloir un peu de temps, indique t-on dans l'entourage du président français, soulignant que les pays africains engagés doivent détailler le concept d'opération et convaincre ensuite le conseil de sécurité.
La Mission internationale de soutien en Centrafrique (Misca) est une force panafricaine, militaire et policière pour l'essentiel, composée pour l'heure de 1.400 hommes - camerounais, congolais, gabonais, tchadiens. Ses effectifs doivent à terme atteindre 3.600 hommes, mais leur déploiement traîne en longueur.
L'Union africaine (UA) a également appelé la communauté internationale à s'impliquer plus activement en République centrafricaine, où elle décrit la situation comme «désastreuse», et au renforcement rapide de la Force de consolidation de la paix.
Le rôle éventuel des militaires limité à former et encadrer
«La France est prête à aider, en particulier sur le plan de la logistique et des hommes, si nécessaire, explique un conseiller du président Hollande, tout en précisant que le rôle éventuel des militaires français serait limité à de la formation et de l'encadrement. «Il y a actuellement une force de 450 hommes à l'aéroport de Bangui. Il faudra aller plus loin. On peut imaginer aller rapidement vers 700/750 hommes si nécessaire», souligne ce conseiller, indiquant que cette participation française devrait intervenir «dans le cadre d'une opération commune africaine endossée par les Nations unies». A défaut d'une résolution de l'ONU, la France pourrait demander à d'autres institutions, comme l'Union européenne, de financer cette opération, considérée par Paris comme «une opération de la dernière chance de sauver ce pays du chaos». L'envoi éventuel de renforts français «dépendra de ce que nous diront nos partenaires africains», assure encore ce conseiller.
Pic de violences, cri d'alarme de l'ONU et du CICR
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l'ONU ont alerté vendredi sur le récent pic de violences en Centrafrique où les civils souffrent de multiples exactions commises par toutes les parties. Les premières victimes de ces violences sont les civils, y compris les enfants. «Plus de neuf mois d'insécurité ont créé un véritable désastre pour les enfants», a alerté une porte-parole du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), Marixie Mercado, citant les épidémies de rougeole et la fermeture de 60% des écoles. «Autre indicateur du chaos», a-t-elle dit, quelque 3 500 enfants-soldats sont actuellement enrôlés par les parties, contre 2.000 en décembre 2012.
«C'est un pays qui connaît maintenant une instabilité chronique», a déclaré pour sa part le directeur des opérations du CICR, Pierre Krähenbühl. Selon lui, la recrudescence des combats ces derniers jours est la plus meurtrière que le pays ait connue depuis mars. A Bouca (nord), le CICR a rencontré des quartiers entiers vides, et a découvert 30 dépouilles en une semaine.
Selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), les violents combats enregistrés dans le nord du pays, du 14 au 17 septembre, à Bossembele et Bossangoa (respectivement à 150 km et 300 km au nord de la capitale Bangui) ont provoqué de nouveaux déplacements de population. Jeudi une équipe du HCR a pu se rendre à Bossangoa, où les civils ont dénoncé de «multiples abus commis par les deux parties, y compris des meurtres, des viols et des tortures», a expliqué un porte-parole, Adrian Edwards.