

Disparition de Charles Massi
L’Observateur Paalga 25 janvier, 2010 à 23 h 27
Depuis de nombreuses années, la République centrafricaine (RCA) se porte mal. Ce pays de 622 984 km2, où vivent environ 5 millions d’âmes, est au-devant de la scène internationale plus par le conflit larvé entre sa rébellion et son armée, ses atteintes répétées aux droits de l’homme, sa mal gouvernance, que par ses réussites au plan économique.
Et pourtant ce beau pays - dont la carte ressemble à s’y méprendre à celle du Burkina - a un fort potentiel économique et l’eau, source de toute vie, y coule à flots à longueur de journée. La RCA avait de quoi donner un minimum de prospérité à sa population. Et pourtant on y végète !
On s’en souvient, rien qu’en fin 2009, une rébellion, dénommée Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), avec pour leader Charles Massi, faisait une fracassante sortie, en attaquant les forces gouvernementales dans la ville de Ndélé, dans le nord des pays.
Charles Massi, cet ancien ministre d’Ange Félix Patassé et de François Bozizé et officier supérieur de l’armée centrafricaine (colonel), n’est autre que celui–là même qui avait été arrêté en mai 2009, en territoire tchadien, près de la frontière centrafricaine, sous l’accusation de tentative de déstabilisation de la RCA.
Cet homme de 58 ans entendait renverser le régime de Bozizé, qu’il accusait d’être à la base de la situation chaotique dans laquelle se débat son pays. C’est dire donc que Charles Massi, qui était perçu comme un traître à la nation, était dans la ligne de mire des hommes au pouvoir dans son pays. C’est de cet homme qu’en début d’année, sa famille a annoncé la mort.
En effet, dans un communiqué rendu public la semaine dernière, Denise, Franco-Centrafricaine de nationalité, a soutenu que son époux a été torturé sur ordre des autorités centrafricaines et est passé de vie à trépas le 8 janvier dernier vers 19 heures à Bossembélé (150 km au nord–ouest de Bangui).
C’est pourquoi ses militants sont mobilisés et exigent une preuve de vie de leur leader. Jusqu’à présent, Bangui s’est contenté de démentis lapidaires, niant avoir mis à mort le colonel Massi, sans pour autant apporter la moindre preuve qu’il demeure en vie. C’est dire qu’une grande incertitude plane sur le sort de ce chef rebelle arrêté en fin 2009 par des militaires tchadiens avant d’être transféré en Centrafrique.
Si Bozizé et ses hommes se font tirer l’oreille pour avouer leur forfait, c’est qu’il n’y a aucune preuve que cet opposant à son régime est en vie. Il aurait effectivement succombé aux tortures. Et l’attitude de Bangui nous laisse penser à cet autre opposant tchadien mis à mort par les sicaires du président Idris Deby Itno : on se souvient encore de l’enlèvement de ce grand homme politique tchadien à son domicile à la faveur des événements de février 2008 : il s’appelait Ibni Oumar Mahamat Saleh ; mathématicien, ancien ministre et ancien chef de l’opposition tchadienne, il n’a plus donné signe de vie depuis.
Certes, une commission d’enquête a conclu à sa mort, mais jusque-là, les autorités tchadiennes font dans le dilatoire en s’arc-boutant sur le mot « disparition ».
Une disparition mystérieuse qui dure depuis bientôt deux longues années. Serait-ce aussi le sort qu’a subi l’opposant centrafricain, Charles Massi ? La probabilité est forte qu’il en soit ainsi. Pour avoir voulu changer l’ordre des choses dans leur pays, ils ont eu leur sort scellé à jamais. Dans l’indifférence quasi générale. Ainsi va la gouvernance sous nos tropiques.
Boureima Diallo