DEUX POIDS DEUX MESURES: UNE ADMINISTRATION TERRITORIALE PARTIALE ET INFEODEE AU POUVOIR KNK
Notre pays est à quatre mois des élections législatives et présidentielles groupées, pour la seconde fois depuis le coup d'Etat du 15 mars 2003 qui avait interrompu le processus démocratique engagé en 1993. Il reviendra aux historiens de dire, lorsque les passions se seront apaisées et que le temps aura fait son effet, si ce retour en arrière a été bénéfique ou non pour notre pays. Là n'est pas l'objet de mon propos aujourd'hui.
L'essentiel pour notre pays, à mon sens, est que les élections prévues en janvier et mars 2011 constituent une étape décisive dans la "normalisation" de la situation politique de notre pays, en restaurant l'autorité effective de l'Etat sur l'ensemble du territoire national-condition sine qua non de toute relance économique conséquente et de lutte réelle contre la pauvreté-, et en rendant irréversible la démocratie pluraliste.
Le processus électoral, on s'en souvient, avait très mal démarré, suscitant des appréhensions légitimes. Cependant, grâce au combat opiniâtre menée par l'opposition démocratique- et grâce aussi à la résistance passive du peuple centrafricain et au soutien objectif des personnes physiques et morales de bonne volonté- face à un pouvoir autiste qui voulait, en dépit du bon sens, organiser des élections "à la nord-coréenne" en avril puis en mai 2010, les élections ont été reportées in extremis à l'année prochaine. Ce report obtenu au forceps a permis de remettre le processus électoral "on the trucks" comme disent les anglais , c'est-à-dire sur les rails.
Mais attention, la vigilance doit être de rigueur : la recomposition des comités locaux de la CEI, les opérations de recensement des électeurs , le déroulement des opérations de vote, le dépouillement des suffrages, la transmission des résultats et leur centralisation, doivent se faire de manière transparente.
Mais bien avant cela, l'administration territoriale, civile et militaire, doit être neutre et républicaine , ce qui n'est pas le cas aujourd'hui: le pouvoir central-via le Ministre de la sécurité publique et de l'Administration du Territoire- exerce d'intolérables pressions sur les préfets, les sous-préfets, les maires, les chefs de groupe et de quartier, les chefs de village, et enfin les commissaires de police, pour qu'ils empêchent les partis politiques de l'opposition de circuler librement sur le territoire national et de mobiliser leurs militants. Ces responsables sont menacés des pires sanctions si l'opposition venait à tenir des meetings dans leurs localités respectives, et pis encore, ils sont préventivement menacés de destitution si l'opposition dépassait le KNK lors des élections dans leurs zones. En résumé, seuls le KNK , le BDR et les ministres KNK ont le droit de sillonner librement le territoire national et de tenir des meetings sur des lieux publics, avec mégaphones et animations publiques, relayées par la radio et la télévision d'Etat. En province, c'est la loi "des deux poids, deux mesures ", loin des regards de l'opinion nationale et internationale.
Cette situation est inacceptable et nous ramène de fait à un parti unique et à un Parti-Etat KNK dans l'arrière-pays. Elle rend le jeu politique inéquitable au profit du seul KNK. Il est impératif que l'opposition démocratique et toutes les parties prenantes au processus électoral prennent conscience de cette situation de dictature et de partialité flagrantes de l'administration du territoire, dans l'intention délibérée de favoriser par l'ostracisme et les menaces le seul KNK. Cette situation voulue, pensée, planifiée et exécutée par le cœur du pouvoir depuis Bangui, doit être non seulement dénoncée, mais combattue par les armes du droit et de la politique. C'est à ce prix que les compétitions électorales à venir seront équitables et pourraient avoir un sens, sinon l'opposition y servira seulement de lièvre du pouvoir. La seule adoption d'un code de bonne conduite ne suffira pas fin à cette violation flagrante des principes démocratiques et républicains.
A bon entendeur, salut,
Martin ZIGUELE
Bangui 22 septembre 2010