Après le coup d'Etat constitutionnel de Bozizé consacré par l'adoption parlementaire d'une loi anticonstitutionnelle lui prorogeant son mandat après son expiration le 11 juin prochain, et les torrents de sarcasmes et d'insultes déversés sur lui ainsi que sur d'autres leaders de l'opposition non seulement par les griots et autres thuriféraires de Bozizé mais y compris par ce dernier lui-même, celui qui s'impose de plus plus comme l'incontournable leader de l'opposition centrafricaine et principal challenger à l'élection présidentielle du même général président sortant et candidat du KNK François Bozizé, Martin Ziguélé reprend la main sereinement dans la tribune ci-dessous pour recentrer le débat sur l'essentiel à savoir, l'impérieuse nécessité de conclure un accord politique au plus haut niveau du pays entre Bozizé et l'opposition afin de gérer la période de vide constitutionnel dans laquelle se retrouvera la RCA dans quelques semaines pour ne pas dire dans quelques jours. Sauf à vouloir le chaos pour la RCA, Bozizé dont le bilan à la tête du pays est déjà si catastrophique ne peut continuer comme il le fait à traiter les leaders de l'opposition de sorciers et se dérober indéfiniment à l'indispensable dialogue avec ceux-ci.
Rédaction C.A.P
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La lutte pacifique et démocratique que nous avons engagée aux côtés de nos partis frères du Collectif des Forces du Changement, pour une alternance politique dans notre pays, a connu un pic qui ne m’a pas laissé le temps, ces dernières semaines, de m’adresser à vous.
En effet, après que le pouvoir ait décidé par son décret du 30 mars 2010 de fixer les élections au 16 mai 2010, le régime a intensifié ses manœuvres dérisoires de manipulation du processus électoral. Les médias publics, le gouvernement, l’administration, la confrérie des nouveaux pasteurs, et même certains membres éminents de la CEI, ont été mis à contribution pour amplifier et relayer la vision du pouvoir, à savoir que tout était en marche pour que les élections aient lieu le 16 mai 2010. Au passage, des Goebbels tropicaux et en herbe se chargeaient de déverser des flots d’injures sur des opposants qui, bien sûr, constituent sous toutes les dictatures la cinquième colonne, empêchent le « Père de la Nation » de conduire le peuple vers un bonheur garanti….
Ce peuple, qui a en déjà vu d’autres, ne s’est pas laissé prendre à ce jeu. La fuite en avant a en effet conduit à la plus lamentable opération de recensement (recensement ou révision, je ne saurais le dire) que notre pays ait connue, et c’est le rapport du Président du Comité de Suivi des recommandations du DPI qui en a fait le constat.
Comme disait Lénine, « les faits sont têtus », y compris bien sûr en RCA. Dès le 23 avril 2010, le pouvoir saisit la Cour Constitutionnelle pour demander son avis sur un projet de loi constitutionnelle prorogeant le mandat du Président de la république au-delà de son terme du 11 juin 2010. Puis, comme nous sommes en Centrafrique, il convoque une rencontre-spectacle le 29 avril 2010 au Palais de la Renaissance pour amuser la galerie en faisant semblant de vouloir prendre l’avis des uns et des autres par rapport à la date problématique des élections. En réalité tout était bouclé, le pouvoir ayant choisi de violer la constitution pour demeurer aux affaires au-delà du 11 juin 2010, en lieu et place d’un accord politique seul à même d’asseoir sa légitimité. Le Président de l’Assemblée nationale, bien sûr, a été préalablement mis dans le coup.
C’est suite à ce mauvais film de série B que nous nous retrouvons avec une loi anticonstitutionnelle que bien sûr nous nous engageons à abroger dès l’alternance obtenue.
Pour l’heure, il est impératif d’arriver à un accord politique qui permettra de préparer « consensuellement » et de manière plus professionnelle des élections nationales, crédibles et inclusives. La légitimité des institutions après le 11 juin 2010, qu’il ne faut confondre à leur légalité, est soumise à cette condition évidente.
Les marches instrumentalisées par ceux-là même qui ont échoué à organiser des élections à date et heure, les interdictions de sortie du pays faites aux responsables de l’opposition, les injures proférées à leur encontre par un mercenaire étranger de la plume et de la salive aussi volubile que ridicule et insignifiant – à propos, de quoi se mêle-t-il, celui-là, alors que son patron et ses marcheurs occasionnels ont interdit à la communauté internationale de se mêler de nos affaires? - tout cela, je vous l’assure, ne fait que renforcer notre détermination dans cette lutte.
Unis nous vaincrons ! La lutte continue !
Bangui, 23 mai 2010
Martin ZIGUELE