Par Tanguy Berthemet Le Figaro 27/02/2012 à 23:11
Le «Vieux» président n'est pas parvenu à distancer son ex-poulain pour gagner dès le premier tour la présidentielle.
De notre envoyé spécial à Dakar (Sénégal)
Le Sénégal va sans doute connaître, pour la seconde fois de son histoire, un ballottage dans une élection présidentielle. Lundi, alors que les radios continuaient d'égrener sans fin les résultats du scrutin de la veille, le président sortant Abdoulaye Wade voyait s'éloigner ses rêves d'une victoire facile. À demi-mot, le Vieux, comme disent les Sénégalais, l'a reconnu lundi soir. Selon les chiffres qu'il a dévoilés, portant sur environ la moitié des communes, il est crédité de 32,17 des voix contre 25% «pour le suivant». Il se refusera de prononcer le nom de ce rival qui n'est autre que son ancien poulain Macky Sall.
Abdoulaye Wade ne s'est pas privé en revanche, de longuement féliciter sur un ton solennel le peuple pour avoir voté «dans la dignité et le calme». Ni de régler quelques comptes avec des chancelleries inquiètes face à un scrutin souvent qualifié de très risqué. «Nous avons apporté de la plus belle manière un démenti à tous les oiseaux de mauvais augure qui s'étaient empressés d'appeler au chevet d'un Sénégal qui serait agonisant». Une façon de rappeler que les rumeurs de fraudes et les peurs de chaos étaient indignes. Une façon aussi de flatter des Sénégalais toujours fiers de leur démocratie et de lancer une campagne de second tour qui s'annonce compliquée. La lutte qui s'annonce est loin de lui être favorable.
Ambiance lourde
Alors, en dépit de l'union de l'opposition qui s'annonce, les proches du président tentaient de s'afficher optimistes. «Il n'y a pas d'indignité à gagner au second tour. Nous, nous n'avons jamais oublié qu'il pouvait y en avoir un», confiait Amadou Sall, son porte-parole.
L'ambiance lourde qui régnait dimanche soir au centre électoral de Wade 2012 disait pourtant la déception. Dans ce petit appartement du centre de la capitale, nul cri, nul enthousiasme. Juste le cliquetis des ordinateurs compilant les résultats. Dans un petit bureau, le premier ministre, Souleyman Ndéné Ndiaye, seul, écoutait la radio, le visage fermé. «Cette victoire au premier tour donnée comme certaine par Wade et les siens visait à rendre cette idée possible dans l'opinion, même si cette hypothèse était hautement improbable. Maintenant qu'un second tour se dessine, Wade passe pour un perdant et cela même si son score devait se révéler pas si mauvais», analyse un universitaire sénégalais. Pour bien des Sénégalais, cet échec intermédiaire sonne presque déjà la défaite finale.
Le plus prudent restait finalement le rival annoncé. Retranché dans sa villa de Mermoz, un quartier cossu de Dakar, Macky Sall gardait lundi sa réserve. «Les choses se présentent bien. Je crois que même du côté du pouvoir c'est désormais accepté.» En politicien avisé, il déclinait ses victoires avec méthode. «J'ai gagné Dakar haut la main et c'est la capitale qui fait la différence. J'ai aussi les banlieues populaires de Pikine et de Guédiawaye.» Macky Sall, ancien directeur de campagne de Wade, est bien placé pour savoir que ce sont autant de fiefs du vieux président qui viennent de tomber, ceux-là mêmes qui avaient permis les victoires de 2000 et 2007.
«Wade et moi nous partageons le même électorat. Ce n'est pas ma faute si je suis plus jeune. Si les scores se confirment, on peut envisager la victoire.»
Macky Sall feint la compassion. «Wade dit qu'il est mon maître. Il ne devrait pas laisser son élève le mettre au tapis. Qu'il se retire.» Adboulaye Wade s'est, sans surprise, refusé à entendre ce message. À 85 ans, il se prépare à livrer son dernier combat.
Sénégal : victoire ou second tour tout est encore possible
DAKAR - Le président sortant Abdoulaye Wade, candidat contesté à sa propre succession au Sénégal, a estimé lundi au lendemain du scrutin, sur la base de résultats provisoires, que tout est encore
possible, sa victoire dès le premier tour ou la nécessité d'en disputer un second.
Le recensement qui à l'heure actuelle porte sur 282 collectivités locales sur 551, soit la moitié, nous classe en tête avec 32,17%, et 25,24% pour mon suivant. Tout est donc encore possible,
victoire ou second tour, a déclaré M. Wade dans une déclaration à la presse. M. Wade n'a pas nommé le suivant.
Dans la perspective d'un second tour, le Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) et ses alliés dont le candidat arrive en tête de la compétition vont naturellement explorer toutes les
possibilités d'entente avec d'autres forces politiques selon des modalités à convenir ensemble, a ajouté Abdoulaye Wade.
Ensemble nous relèverons ce défi, vous avez ma confiance et je sais pouvoir compter sur la vôtre, a assuré le président sortant, qui avait martelé pendant sa campagne qu'il était sûr de
l'emporter dès le premier tour de la présidentielle, en recueillant plus de 50% des suffrages.
Son ancien Premier ministre Macky Sall, l'un des principaux candidats d'opposition, a affirmé qu'un second tour était inévitable, assurant l'avoir emporté dans les principaux départements du
Sénégal, dont l'agglomération de Dakar.
Un des responsables de sa campagne a assuré que M. Sall était au coude-à-coude avec le président Abdoulaye Wade.
Les résultats provisoires officiels devraient être communiqués mardi au niveau départemental et vendredi au niveau national, selon la Commission électorale nationale autonome (Céna).
Le président Wade a salué un scrutin transparent, démocratique et pacifique et rendu hommage à la maturité, à l'esprit de tolérance et au civisme des Sénégalais.
Les électeurs se sont mobilisés dans le calme dimanche après des violences préélectorales qui avaient fait en un mois de 6 à 15 morts selon les sources, suscitant la crainte de nouveaux incidents
le jour du vote.
Agé de 85 ans, M. Wade, élu en 2000 et réélu en 2007, sollicite un nouveau mandat de sept ans, mais sa candidature a été jugée anticonstitutionnelle par ses opposants.
AFP / 27 février 2012 19h45