« Je vous informe que je ne me rendrais pas au sommet des Nations Unies sur l’Environnement à Rio au Brésil. C’est le Premier Ministre qui ira me représenter. Moi aussi je suis militaire et j’attends fermement ceux qui veulent tenter un coup de force contre moi… »
C’est en substance en ces termes que Bozizé a parlé à ses ministres au début de la séance du conseil de ministres qu’il a réuni peu avant le départ de la délégation centrafricaine pour assister au sommet de Rio+20 et en pleine crise ouverte par l’affaire Sylvain Ndoutingaï, son tout-puissant ex-bras droit et véritable demi-dieu dont il a dû se séparer le 1er juin dernier.
Ces propos sont d’autant plus curieux et insolites que jusqu’à présent, aucune explication n’a été officiellement fournie à l’appui du limogeage de l’ex-ministre d’Etat aux finances et au budget, également ex-ministre des mines, réputé aussi pour être le grand argentier de Bozizé. Aucune accusation n’a pourtant été proférée officiellement contre Ndoutingaï pour que Bozizé vienne parler de cette façon en conseil de ministres mais on savait que le général président n’en dormait plus la es nuits. A telle enseigne que d’après nos informations, lors du discours du nouvel ambassadeur de France pendant la cérémonie de présentation des lettres de créance du diplomate français en juin dernier, Bozizé piquait littéralement du nez et un agent du protocole a même dû le réveiller à plusieurs reprises.
Sollicité lors d’un conseil de ministres par le ministre de la communication Alfred Poloko pour des éclaircissements sur cette affaire et des éléments de langage à fournir, Bozizé qui voulait donner la parole à Ndoutingaï pour qu’il s’explique a été supplié et dissuadé par le ministre d’Etat Jean Willybiro Sako d’ouvrir un débat en conseil sur le sujet.
L’opinion publique et les Centrafricains se perdent en conjecture et les versions les plus diverses et variées circulent avec insistance sur le comment de la tentative de coup d’Etat que Sylvain Ndoutingaï et son intellectuel Firmin Findiro et plusieurs de leurs complices et hommes de main avaient voulu faire fin mai dernier pour s’emparer du pouvoir, on parle du jour où devaient se dérouler les funérailles en grand pompe du défunt Samuel Tozoui, DG de l’ENERCA.
Jusqu’ici, tout se passe dans la plus grande opacité. Pas grand-chose ne filtre officiellement. C’est au compte-goutte que certaines informations transpirent de certaines personnes membres des cercles concentriques très proches de Bozizé. C’est ainsi que selon nos informations, peu après son limogeage, Ndoutingaï a souhaité sans succès rencontrer Bozizé pour des explications entre quatre yeux comme on dit. Devant le refus de Bozizé, il aurait fini par envoyer un sms de chantage au suicide qui a été transmis à Bozizé qui aurait réagi en disant qu’il était soldat et qu’il sait comment faire pour se suicider.
Une seule certitude : au regard des relations de complicité très étroites entre Ndoutingaï et Findiro, (il se raconte que le PM du gouvernement de Ndoutingaï aurait été Firmin Findiro) on ne peut qu’en déduire que si le premier a fini par avoir des ennuis avec Bozizé, il ne pouvait pas ne pas en être de même pour le second. C’est ainsi que ce qui devrait arriver arriva. Ndoutingaï limogé, il fallait s’attendre également à ce que Findiro le soit tôt ou tard. C’est fait ce 16 juillet après que depuis le retour de France de ce dernier, on ait assisté aux arrestations de ses proches collaborateurs du ministère de la justice (planton, secrétaire particulière, Directeur de cabinet notamment).
Ndoutingaï également, a vu ses deux chauffeurs arrêtés. Il y a quelques jours, ses trois enfants qui allaient embarquer sur un vol pour Ouagadougou où il possède une villa cossue ont été brièvement inquiétés à l’aéroport Bangui M’poko avant d’être autorisés à prendre finalement leur vol après la tonitruante intervention de leur maman.
Bozizé a donc tenté dans un premier temps de déminer le terrain avant de faire le vide autour de Ndoutingaï et Findiro. Le voilà qui est maintenant passé à la phase de mettre au frais les deux « demi-dieu » en question. On peut aisément imaginer la prochaine mise aux arrêts de Findiro et son transfèrement à « Guantanamo » pour y rejoindre son complice Ndoutingaï.
Quelle ironie du sort que de voir le zélé et outrecuidant Firmin Findiro, celui-là même qui n’a pas hésité en tant que procureur de la République en service commandé de Bozizé à l’époque, pondre un invraisemblable et scandaleux communiqué de presse pour affirmer sans scrupule qu’avant dix ans on n’aurait pas le droit de prétendre que Charles Massi aurait disparu ni de s’interroger sur sa mort éventuelle, subir les affres de la répression du même Bozizé qu’il servait naguère et il n’y a pas encore si longtemps.
Est-ce ce même Firmin Findiro qui faisait la pluie et le beau temps en confisquant et détruisant le passeport diplomatique de Me Nicolas Tiangaye sous le fallacieux prétexte qu’il n’aurait pas le droit d’en posséder un, qui est à présent dans le collimateur de Bozizé ? Est-ce ce même Findiro qui avait accusé le président du MLPC Martin Ziguélé dont le parti voulait faire sa rentrée politique qu’il voulait en réalité faire un coup d’Etat qui se retrouve dans de si beaux draps ? Est-ce ce Findiro qui a foutu à la retraite toute une charrette de magistrats avec suppression de pension pour certains ? Est-ce ce même Findiro qui a sanctionné certains magistrats accusés de ne pas lui obéir et promu d’autres à sa solde ? Qui pouvait penser que Findiro pouvait être empêché un jour de prendre son vol de l’aéroport Bangui-M’poko ? Finalement cela lui est arrivé. C’est bien la preuve qu’il n’est qu’un mortel.
Selon nos informations, avant de prendre dernièrement son vol de l’aéroport CDG de Roissy pour regagner Bangui, Findiro a eu une idée de génie : appeler le rejeton de Bozizé qui commande la SRI, Aimé Vincent Bozizé alias Papy, pour lui demander conseil pour savoir s’il doit rentrer ou pas à Bangui. Il a fini par rentrer mais a dû assister aux arrestations en série de ses proches collaborateurs une fois au pays. Deux jours après son retour, il a réuni les magistrats pour gémir et se lamenter sur ses ennuis de santé qui ne seraient pas pris en compte par Bozizé et ce qui lui arrive en général qu’il n’arrive pas à comprendre.
L’arrestation et le transfèrement de Ndoutingaï à la prison spéciale de Bossembélé le dimanche 15 juillet au même jour où Bozizé quittait le pays pour le sommet des chefs d’Etat de l’Union Africaine à Addis-Abeba ainsi que le limogeage de Findiro de ce lundi 16 juillet interviennent durant un mois où le calendrier diplomatique de Bozizé va le contraindre à quitter le territoire national à deux reprises pour Addis-Abeba et le week-end prochain pour Brazzaville où se tiendra le sommet de la CEMAC.
Ayant conscience (voir l’exemple du président Patassé) que se déplacer à l’étranger pour un chef d’Etat qui fait l’objet de menaces de coup d’Etat est très risqué, Bozizé a dû décider de mettre la principale source de danger contre son pouvoir qui est Ndoutingaï au frais avant de se rendre en Ethiopie et ensuite au Congo. Le commandant Martin Ouanti, frère aîné de Ndoutingaï qui est en vacance en France depuis un mois devrait en principe rentrer cette semaine à Bangui afin de regagner sa nouvelle affectation à Bouar où il a été muté après le limogeage de son frère cadet. Avec la nouvelle tournure que prennent les choses, va-t-il encore rentrer au bercail ? On ne devrait pas trop tarder à le savoir. Wait and see...
Toutes ces affaires consacrent et achèvent définitivement la décrépitude d’un régime Bozizé à bout de souffle et qui bat de l’aile. Très peu de Centrafricains pleureront sur le sort de Ndoutingaï et Findiro quoique Bozizé voudrait leur faire subir, tant ils sont honnis. Que cela serve de leçons à tous les Centrafricains qui servent Bozizé avec zèle. Dans ce pays, personne ne peut s’enorgueillir d’avoir été plus généreux que Patassé avec Bozizé. Or malgré tout le bien que Patassé lui a fait, Bozizé a fini par renverser Patassé et prendre sa place. Même malade, il a empêché Patassé d’aller se soigner qui a fini par trouver la mort à l’étranger. Ensuite, il s’est encore moqué de son cadavre. Si Bozizé a été capable de faire tout ce mal à Patassé, il peut être sans pitié avec tous les autres Centrafricains. Que personne ne s’y trompe…A bon entendeur, salut !
La Rédaction de C.A.P