En dépit de l’immensité de son territoire, de la modicité de ses moyens financiers et de la complexité de la donne politique du Niger, la classe politique de ce pays vient de donner une sacrée leçon de fair-play qui rend ses lettres de noblesse à la politique et apporte également la démonstration que les Africains ne sont pas que des barbares demeurés ou de grands enfants qui ne seraient pas encore, comme dirait quelqu’un, « entrés dans l’histoire » ni ces sauvages hermétiquement fermés à la démocratie, plutôt réservée au occidentaux. L’heureuse et pacifique issue du second tour de la présidentielle du Niger unanimement reconnue comme bien organisée et revêtue du sceau de crédibilité mérite d’être en effet saluée.
Un militaire pourtant, Salou Djibo, un général putschiste et ses camarades d'armes, forcent maintenant le respect non seulement pour avoir débarrassé ce pays de Mamadou Tandja, un tyran autiste et sourd qui a passé ses derniers moments au pouvoir à narguer non seulement son pays et ses concitoyens, mais aussi le monde entier. La junte nigérienne a scrupuleusement respecté sa parole donnée, ce qui est tellement rare pour ne pas être relevé.
Au Niger, le fair-play aussi a prévalu avant, pendant et après la proclamation provisoire des résultats entre les deux finalistes. 48 heures après la proclamation provisoire des résultats, le candidat qui a perdu, Seini Oumarou, devant une foule de militants, a reconnu sa défaite et présenté ses sincères félicitations ainsi que ses voeux de bonne chance et de succès au nouvel élu pour tout ce qu'il entreprendra de bien pour le Niger. « J'ai décidé a-t-il poursuivi, de n'ouvrir aucun dossier en contentieux électoral et de ne saisir le Conseil constitutionnel d'aucun recours en annulation, malgré les insuffisances constatées et ce, pour ne pas entraîner notre pays dans une spirale de difficultés interminables ». Quelle classe ! Bravo !
C’est tout le contraire en Centrafrique où les opérations électorales n’ont été qu’une grossière mascarade qui a débouché sur une véritable crise postélectorale ; le soi-disant vainqueur dès le premier tour avec un score à la soviétique étant vivement contesté et vient de prêter serment lors d’une cérémonie d’investiture boycottée non seulement par ses principaux adversaires mais aussi par les ambassadeurs des pays de l’Union Européenne et du Groupement de la presse privée nationale. Une plateforme regroupant les contestataires est même constituée pour exiger l’annulation des élections et leur reprise.
Cela mérite d’être d’autant plus souligné que pas tellement loin du Niger pour ne pas parler du Bénin, l’élection présidentielle qui vient de se tenir après celle du Centrafrique, confirme « mutatis mutandis » s'il en était besoin, que le "bricolage électoral" dans certains processus électoraux en Afrique doit cesser, pour éviter à ce continent, des crises inutiles dont elle n'a vraiment pas besoin en ce moment.
Les dictateurs et autres pasteurs évangélistes d’un genre nouveau se sont visiblement passé les recettes de hold-up et de manipulation des processus électoraux pour passer dès le 1er tour afin d'éviter un périlleux second tour. La prétendue victoire dès le premier tour du candidat président sortant Thomas Yayi Boni dont la proximité avec un certain François Bozizé en Centrafrique n’est pas le simple fruit du hasard, est bien la preuve que certains dictateurs dirigeant africains ont dorénavant une assez bonne maîtrise de la technologie de la fraude électorale.
Beaucoup doivent à présent comprendre que bien souvent, les cris ici et là des opposants ne sont pas que des caprices de «mauvais perdants » mais une façon de poser le réel problème des élections truquées en Afrique. Ceux-ci sont piégés la plupart du temps, face à ces chefs d’Etat qui tiennent tant à s’accrocher coûte que coûte au pouvoir quitte à truquer les élections. Il sont pris en étau entre les partenaires au développement occidentaux qui sont prompts à leur reprocher et à condamner la politique de la « chaise vide » en les incitant à aller le plus vite possible aux urnes et leurs adversaires au pouvoir qui ne cessent de les accuser de n’être jamais prêts et d’avoir peur d’aller aux élections.
Une fois qu’ils se font flouer par les dispositifs de hold-up électoral, tout le monde leur exige de ne point appeler la population à descendre dans la rue mais à ne recourir qu’aux voies légales pour contester les résultats de ces élections pipés d’avance tout en sachant que les juridictions devant laquelle les contestations pourront être formulées, les cours constitutionnelles en l’occurrence, sont souvent sous le l’entier contrôle des potentats qui tablent également sur elles pour proclamer leur victoire dès le premier tour. Dès lors, quoi faire ?
Rédaction C.A.P