Le Canard enchaîné du mercredi 9 février 2011
Seize millions d’euros, dont 500.000 à la charge de la France. C’est la somme dépensée par la Communauté internationale pour financer un festival de fraudes en Centrafrique. Bourrage d’urnes, bureaux de vote non comptabilisés (27% d’ »oublis »), violences et intimidations d’opposants, rien n’a été négligé, comme le rapportent l’association Survie et de nombreux observateurs européens. Résultat : la « réélection » au premier tour, obtenue avec 67 % des voix, du président sortant, le général Bozizé.
« Mon fils a été menacé, tout comme mon gendre, français, qui a été contraint de fuir », confie au « Canard » Martin Ziguélé, ex-Premier ministre, finaliste de la présidentielle de 2005, cette fois gratifié de 6 % des voix. Et de préciser : « A Bangui, c’est la garde présidentielle qui fait la loi..» Une garde accusée par plusieurs témoins d’avoir, entre autres exactions, fait périr l’opposant Charles Massi sous la torture en 2009.
Et la France ? Pas plus que lors des élections truquées, naguère au Congo, au Togo, au Gabon ou en Tunisie, elle n’a fait entendre sa voix. A se demander même pourquoi Paris fait tant d’histoires à propos des magouilles électorales en Côte d’Ivoire ? Il est vrai qu’en Centrafrique les Français travaillent « à l’ancienne ». Soutien militaire du régime – ils ont aidé l’armée régulière à mâter des rébellions armées au Nord en 2006 -, ils sont aussi fortement impliqués, via Areva, dans l’exploitation de l’uranium.
Cet enjeu stratégique a motivé plusieurs voyages à Bangui de Patrick Balkany, au nom du président Sarkozy. Sur place, le maire de Levallois a utilisé à diverses reprises l’avion d’un ami du régime, le milliardaire belge Georges Forrest. A titre purement privé, comme dirait MAM…
Jean François Julliard