Chers Compatriotes,
Electeurs du 3è Arrondissement de Bangui,
En mai 2005, au terme d’une campagne électorale très engagée, vous m’aviez fait l’honneur de m’élire
comme votre député à l’Assemblée nationale, témoignant ainsi d’une confiance que je me suis toujours efforcé de mériter.
Fort de ce soutien populaire, le Président de la République m’avait nommé en qualité de Ministre d’Etat, pour diriger son Cabinet. Dans toute démocratie digne de ce nom, quoi de plus normal puisque les plus hauts responsables dans les exécutifs sont traditionnellement choisis parmi ceux qui ont brigué, souvent avec succès, le suffrage universel.
Malheureusement, à la fin de mes fonctions ministérielles en mai 2007, je n’ai pu réintégrer l’Assemblée nationale, suite à une décision de la Cour Constitutionnelle qui remettait en cause l’usage établi. En effet, jusque-là, tous les députés nommés dans des fonctions exécutives (ministre ou dirigeant d’entreprise publique) laissaient siéger leurs suppléants, et réintégraient leur siège spontanément à l’issue de cette mission.
Cette décision de la Cour Constitutionnelle, très critiquée en son temps, a dénaturé notre jeune démocratie : ainsi, le député titulaire est obligé de provoquer une élection partielle pour regagner son siège, alors que notre Pays n’a pas les moyens d’organiser rapidement sur fonds propres, de telles élections. Pire, ce système emprunté à la France, a été abandonné par ce pays depuis 2008 : désormais, le député nommé ministre réintègre directement son siège de député en quittant le gouvernement.
J’ai donc sollicité vos suffrages le 23 janvier 2011 pour un nouveau mandat de député, dans une conjoncture politique plus difficile que celle de 2005. Les nombreuses irrégularités et les dysfonctionnements relevés par les observateurs tant nationaux qu'internationaux (ONE et OIF), que vous avez-vous-même constatés sur le terrain lors de la campagne du 1er tour, ont amené plusieurs candidats, dont moi, à saisir la Cour Constitutionnelle, garant du respect du Code électoral.
Malheureusement, à ce jour, celle-ci n’a toujours pas statué sur le contentieux dont elle a été saisie, afin de proclamer les résultats définitifs du 1er tour alors que la loi lui fait obligation de statuer dans un délai maximum de 15 jours. Néanmoins la CEI a autorisé la campagne du 2ème tour, sans que l’on sache quels candidats seront finalement qualifiés par la Cour Constitutionnelle, ni avec quels scores respectifs. Du jamais vu !
Vous m’avez toujours connu avec ma rigueur, et mon souci permanent d’intégrité. Je ne puis cautionner de tels errements qui décrédibilisent toutes nos institutions, ainsi que l’ensemble de la classe politique.
L’organisation et le déroulement de ces élections législatives n’ayant pas respecté les termes mêmes
du Code électoral, l’arbitrage de la Cour Constitutionnelle seule pouvait rééquilibrer les choses. Hélas, le grave dysfonctionnement que constitue le lancement de la campagne du 2ème tour avant
même la proclamation des résultats définitifs est inacceptable.
Ne voyant pour le moment aucune issue positive à ce processus législatif qui ne correspond pas à nos aspirations démocratiques, j'ai malheureusement dû prendre cette décision
mûrement réfléchie: pour ce second tour, je retire ma candidature par la force des événements et je suis donc contraint de me désister. Je le fais avec beaucoup de tristesse, car la
campagne est un moment formidable dans la vie d’un homme politique, puisqu’elle crée une proximité et des échanges intenses, parfois passionnels, avec ce Peuple au nom duquel les décisions les
plus graves de conséquences sont prises tous les jours.
Dès lors, je mesure votre déception de ne plus être en mesure pour le moment, de porter vos aspirations. Mais je puis vous assurer que je me tiendrai toujours à vos côtés pour nos prochains combats politiques, dans le cadre défini par la loi, en vue de garantir et de consolider les acquis de notre jeune démocratie.
Abdou Karim MECKASSOUA