Journée presque ordinaire au Caire en cette fin avril, où des vents, notamment le Khamsin, depuis le désert libyen, soufflent assez fort et envoient des rafales de sables brûlants. Alors qu’ici, tout indique que l’ancien Raïs, Hosni Moubarak, a été emporté par une révolte de la rue, dans le quartier de DOKKI, où se situe les locaux servant de chancellerie à la République centrafricaine, le personnel s’est fait jeter à la rue. La faute aux impayés de loyers, à l’incompétence et l’irresponsabilité de ceux qui prétendent gouverner le pays.
Le propriétaire de la villa n’a eu d’autre solution que d’expulser les diplomates centrafricains ce samedi 30 avril 2011. Car, depuis février 2010, il réclame à la Centrafrique, 100 millions sept cents dix huit mille neuf cents franc CFA de loyers et d’arriérés impayés. À l’époque, il avait porté plainte contre la Centrafrique auprès du ministère égyptien des affaires étrangères pour exiger le paiement de son due et, le cas échéant, le départ de l’ambassade de ses murs, le contrat de bail arrivant à expiration le 1er octobre 2010 (lire nos précédentes livraisons sur le sujet).
Devant le silence des Centrafricains, il a été contraint de les chasser, il n’y a pas d’autres termes, de sa villa. Mais ce n’est pas faute d’avoir cherché à trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties. D’autant que, l’Ambassadeur de la Centrafrique en Égypte, Anicet Saulet, n’a pas manqué d’attirer l’attention des autorités de Bangui sur cette situation alarmante. Dans l’une de ses correspondances que nous avons pu avoir copie, grâce à une source proche du ministère centrafricain des affaires étrangères, l’ancien chef mutin ne cache pas son découragement. D’ailleurs, c’est moins un renoncement qu’un sentiment de colère.
Écoutons-le : « À travers plusieurs correspondances et Rapports d’Activés échangés avec le département de tutelle, j’avais, très respectueusement, appelé la bienveillante attention des autorités centrafricaines, sur la situation alarmante de la représentation de la République centrafricaine au Caire, dont le fonctionnement était totalement grippé, du fait de causes exogènes et dont les solutions ne pouvaient qu’être politiques : en effet, le fonctionnement des missions diplomatiques relève de la souveraineté même de notre pays. Ainsi, je rappelais : la totale dépendance, pour son fonctionnement courant, des subsides que lui procure M. Joseph Geha, Ministre-Conseiller pour le Moyen orient en matières économique, commerciale et sociale. Ce dernier, qui a déserté Le Caire depuis plus de deux années maintenant, laisse l’ambassade aux prises avec de graves ennuis, non seulement financiers, mais aussi politiques, car il est à l’origine des multiples problèmes auxquels nous nous sommes confrontés, au quotidien, avec le ministère des affaires étrangères du pays hôte…entre les loyers qui ne sont plus payés et dont le montant des arriérés est, à ce jour, estimé par le bailleur, à CENT MILLIONS SEPT CENTS DIX HUIT MILLE NEUF CENTS FCFA, les voitures à usage officiel de l’ambassade qu’il utilisait dans son parc automobile, abandonnées dans la nature, et qui sont exploitées, à des fins mercantiles de locations, par des chauffeurs qu’il n’a plus payés, en passant par les salaires tout autant impayés aux personnel à statut local employés dans son cabinet….les plaintes en tout genre contre notre ambassade son légions…et l’ambassadeur, chef de mission, est sans argument pour défendre son pays. Il est de notoriété publique que…M. Joseph Geha circule et vit librement à Bangui, sans qu’aucune autorité ne lui demande des comptes », avait entre autre écrit Anicet Saulet, relevant au passage un « manque de crédits de fonctionnement et des ressources humaines inadaptées ». Sans commentaires !
Comble de l’injustice, il faut aussi s’attendre, ces prochains jours, à l’expulsion de l’ambassadeur, de la résidence qu’il occupe et dont le loyer est également impayé.
Cette situation abracadabrantesque, confirme, si besoin en était, que la Centrafrique est un pays à l’envers. Avec ceux qui prétendent grossièrement la gouverner, c’est le règne de l’absurde. Si Bozizé et les siens entendaient humilier Anicet Saulet et porter un coup à son moral qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Il n’y a pas d’autre explication que celle-là. Saulet ayant eu le malheur d’être né Yakoma et d’avoir reçu une bonne formation militaire, aux yeux des Bozizé, complexés qu’ils sont, n’est qu’un dangereux concurrent qu’il faut éliminer à tout prix. Comment l’expliquer autrement, lorsqu’on apprend que Bozizé « cadeaute » ses proches parents et non moins président de la Cour dite constitutionnelle, d’un demi-milliard de CFA qu’il tente de plaquer en France ?
On ne comprend pas que dans ces conditions inextricables, à tout point de vue, Saulet ne démissionne pas purement et simplement. Pourquoi continuer à avaler autant de couleuvres, sachant que ce n’est pas demain, la fin du cauchemar.
Allez le dire à ceux qui ont couru pour siéger dans le gouvernement de Bozizé, reniant au passage leur parole donnée. Suivez notre regard…
Autant dire que cette récréation n’a que trop duré. Vivement que la parenthèse Bozizé se referme pour le grand bien de la Centrafrique.
L’Indépendant.