François Labrouillère - actu-match | Samedi 23 Avril 2011 Paris Match
Acquis 1,8 milliard d’euros il y a quatre ans, les gisements africains de la filiale UraMin n’ont toujours pas produit le moindre gramme d’uranium.
Anne Lauvergeon, la présidente d’Areva, est bien partie pour être reconduite dans ses fonctions. Mais ses adversaires ne désarment pas. Un dossier refait surface : le rachat à prix d’or, en juin 2007, de la petite société canadienne UraMin. Cette année-là, le champion français du nucléaire met sur la table 2,5 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) pour s’offrir cette start-up de l’exploration minière, cotée à Londres et à Toronto. C’est l’acquisition la plus importante dans l’histoire du groupe. Un coup comme les aime « Atomic Anne », l’une des rares femmes à diriger une entreprise de cette taille.
Avec les gisements détenus par UraMin en Afrique – Namibie, Afrique du Sud et Centrafrique, notamment –, l’idée est de consolider la place d’Areva parmi les tout premiers producteurs mondiaux d’uranium.
Immatriculée aux îles Vierges britanniques, UraMin, créée en février 2005, n’a que deux ans d’existence. Aucun de ses gisements n’est encore en exploitation. Seul son titre flambe en Bourse, multipliant par quatre la valeur de l’entreprise durant les six mois ayant précédé l’offre d’Areva. Mais, à l’époque, les places sont chères dans l’uranium. Les cours du combustible nucléaire atteignent des sommets. Et Areva mise sur une exploitation rapide des gisements rachetés avec les premières productions attendues pour 2009-2010 en Namibie.
426 millions d’euros de dépréciation d’actifs dans les comptes d’Areva
Quatre ans plus tard, la mirifique acquisition d’UraMin (aujourd’hui rebaptisé Areva Resources Southern Africa) tarde à concrétiser ses promesses. Aucun des trois gisements africains n’a encore produit le moindre gramme d’uranium. En Afrique du Sud et en Namibie, surtout, les études menées peinent « à confirmer les ressources effectives du gisement et les quantités d’uranium qui pourront finalement être produites ». En Centrafrique, les réserves supposées ont été réévaluées à la hausse. Mais une « rallonge » financière a dû être négociée avec les autorités locales à l’issue de pourparlers compliqués. Et en Namibie, où l’exploitation devrait enfin débuter en 2013, la faible qualité du minerai impose d’importants investissements. Pour ne rien arranger, le cours de l’uranium est en chute libre depuis les plus hauts de 2007. Autant d’impondérables ayant nécessité pour 426 millions d’euros de « dépréciation d’actifs » dans les comptes 2010 d’Areva.
Aujourd’hui, ces péripéties sont mises en avant par les détracteurs d’Anne Lauvergeon. « Des attaques sans fondement, rétorque-t-on au siège du groupe. UraMin est un investissement à long terme, valorisé sur la base des cours de l’uranium, qui ne peut être jugé sur seulement trois ou quatre ans. » L’entreprise publique en veut pour preuve la mission demandée par l’Etat à l’expert-comptable René Ricol, qui a conclu à la parfaite clarté des comptes d’Areva. « Le nucléaire fait partie de ces industries où il faut savoir payer un peu cher des actifs stratégiques, ajoute un proche du dossier. Chez France Télécom, on a beaucoup accusé l’ex-P-DG, Michel Bon, d’avoir surpayé la filiale de téléphonie mobile Orange. Mais aujourd’hui, sans Orange, France Télécom serait mort. »