Au moment où la communauté internationale, particulièrement les cinq membres permanents des nations unies, l’Union africaine et la CEDEAO ont le regard tourné vers la côte d’ivoire afin de trouver une solution définitive et salvatrice à l’incroyable imbroglio politique qui se déroule sous nos yeux, un autre scénario aussi catastrophique risque de se produire d’ici le mois de janvier en République centrafricaine.
Les mêmes causes produisent les mêmes effets dit-on. Voici deux pays potentiellement riches et stratégiquement sensibles, l’un se situe en Afrique de l’ouest et l’autre en Afrique centrale. Pourtant ces deux pays sont porteurs par la faute de leurs gouvernants, des mêmes symptômes qui camouflent tant bien que mal le syndrome d’un mal être profond, qui, pour la Côte d’ivoire s’étale aujourd’hui au grand dam de tous les démocrates. Demain, la communauté internationale notamment les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’organisation des Nations Unies, suivie en cela par « la très discrète » Union Africaine et « l’inexistante CEMAC », lesquelles font pression aujourd’hui sur les opposants centrafricains pour qu’ils se présentent aux élections présidentielles de janvier alors que toutes les garanties pour assurer une élection juste et transparente n’ont pas été prises. Comme toujours, cette communauté internationale fera mine de ne rien savoir et d’exiger aux candidats de participer à une élection dont les résultats sont déjà biaisés. Comme dans le cas de la Côte d’ivoire, ces membres permanents en profiteront après coup pour régler leur compte en faisant valoir un droit de veto sous prétexte de défendre l’intérêt des Africains.
Il est vrai que le cas centrafricain est à désespérer. Tant de milliards de franc CFA ont été engloutis à la commission électorale indépendante pour rien. L’empressement de la communauté internationale à aller à ces élections pour en finir avec le désordre et l’incompétence de nos gouvernants mais aussi avec les hésitations et autres impertinences d’une opposition qui ne sait finalement pas ce qu’elle veut est compréhensible. Toutefois, le risque d’une contestation des résultats est évident. Cela vaut -t-il vraiment la peine d’aller aux élections en Centrafrique le 23 janvier 2011 dans ces conditions ? Ne sommes-nous pas dans une situation plus rédhibitoire à celle de la Côte d’Ivoire ?
Elections contestées en Afrique sur fond de querelles entre membres permanents des nations-Unies.
Dans le cas de la Côte d’ivoire, les Etats-Unis et la France parlent d’une seule et même voix en demandant au président Gbagbo de s’en aller alors que la Chine et la Russie sont contre. Sommes-nous en train d’assister au remake de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest ? A moins que ce soit entre les pays riches et les pays émergeants. Entres les deux se trouvent coincer les pays africains. Il est vrai que seule la voie des urnes doit parler. Dès l’instant où les ivoiriens se sont exprimés et que le déroulement de ces élections ont été jugé acceptable, le président Gbagbo doit partir. S’il est vrai que l’imbroglio politique ivoirien est une honte pour l’Afrique, il a par ailleurs donné l’occasion d’instrumentaliser la situation entre membres permanents de l’ONU dans une logique stratégique inavouable. Une guerre de positionnement qui ne dit pas son nom semble occulter le problème et les intérêts ivoiriens au second plan. Dans tous les cas de figures, Gbagbo ou Watara, celui des deux candidats qui restera au pouvoir aura la lourde responsabilité de réconcilier les ivoiriens.
En attendant la population est prise en otage dans une querelle dont on dit politique mais en vérité entre des personnes aux égos surdimensionnés dont la course aux pouvoirs n’a ni de limite ni de morale. Seul, ce qui compte pour eux et leurs amis, c’est d’accéder coûte que coûte au pouvoir ou de s’y maintenir à tous les prix malgré le cri affamé et apeuré d’une population qui assiste médusé et désenchanté. Tout le monde est d’accord pour aller aux élections mais personne n’est disposé à accepter les résultats sortis des urnes qui lui sont défavorables alors que tout le monde savait que les conditions qui garantiraient la transparence de ces élections n’étaient pas remplies.
Le cas de la côte d’ivoire est édifiant à plusieurs niveaux pour les hommes politiques Centrafricains qui veulent absolument aller aux élections alors qu’aucune garantie aussi bien au niveau de la sécurité dans le pays qu’au niveau de la logistique n’est assurée. Qu’attendent objectivement les candidats des partis politiques de l’opposition démocratique et les candidats indépendants de ces élections en Centrafrique ? Attendent t-ils la proclamation des résultats pour crier au voleur ? Pourquoi cette opposition-là ne dénonce t’elle pas ouvertement et fermement les manigances du parti au pouvoir qui est en train de soumettre toutes les institutions de la république à sa cause, avec les nominations de dernières minutes et autre réhabilitation. Pourquoi ne s’opposent t’elle pas d’une manière frontale à un régime qui n’accepte pas les règles élémentaires de la démocratie et qui bafoue continuellement la constitution ? Si la Côte d’ivoire a attiré l’attention sur elle c’est tout simplement parce que l’opposition a été à la hauteur et a fait une opposition frontale pour imposer ses idées. La politique étant basée sur un rapport de force et non de perpétuelle soumission et de compromission dans l’espoir de ramasser les miettes.
On a beau accusé le régime du général Bozizé de ces innombrables errements et autres manquements mais il faut reconnaitre que l’opposition démocratique manque de cran sinon d’audace et de ligne de conduite. Elle ne réagit que par à coup sinon après coup pour se compromettre dans un énième gouvernement d’union qui n’apporte rien au pays. Seule une véritable alternative peut apporter le changement dans notre pays.
Comparaison n’est pas raison mais la raison n’exige t’elle pas aussi comparaison ?
La Côte d’Ivoire et la Centrafrique ont la particularité par leur position géographique de constituer une zone tampon. Par les opportunités économiques qu’elles offrent, elles jouent un rôle stabilisateur incontestable dans leur sous- région respective bien que la Centrafrique soit enclavée. Si la première est le poumon économique de l’Afrique de l’ouest depuis quelques décennies, la deuxième est le ventre mou et se trouve au cœur d’un continent et d’une sous-région déjà instable à plusieurs titres qui pourrait devenir un no man’s land si l’on y prend garde et ainsi entrainer ou déstabiliser dans une anarchie indescriptible les autres pays voisins. Les rebelles de la LRA ont déjà montré le chemin. L’une et l’autre ont bénéficié de l’aura et du charisme de deux hommes au destin exceptionnel qui sont Félix Houphouët-Boigny et Barthélémy Boganda. Animés un moment par la même vision, Barthélemy Boganda et son parti politique le MESAN s’affilieront à la fameuse fédération des partis politiques du grand rassemblement démocratique africain (RDA), créé par Houphouët-Boigny en 1946 avec la collaboration d’un autre « dinosaure » de la scène politique de l’Afrique des indépendances en la personne de Modibo Keïta du Mali. Boganda se désengagera plus-tard du RDA pour diverses raisons et notamment pour retrouver son autonomie. Si, ces deux personnalités politiques ont façonnés au point de laisser leurs empreintes indélébiles dans l’histoire de leur pays respectif et de l’Afrique, il n’en est pas de même pour ceux qui les ont succédés.
L’idéologie de l’Ivoirité et son parent pauvre le clanisme Centrafricain.
L’idéologie de l’Ivoirité avancée comme argument politique pour évincer un redoutable adversaire en Côte d’Ivoire a finalement échoué. Son parent pauvre, le clanisme érigé puis entretenu pour être sacraliser par les différents gouvernants en mode de gouvernement en Centrafrique est toujours en vigueur. Ces deux « idéologies » ont failli avoir raison de ces deux peuples. Contrairement à l’idéologie de l’ivoirité qui est désormais banni du vocabulaire des hommes politiques ivoiriens, la préférence clanique continue son bonhomme de chemin en Centrafrique au mépris des valeurs de la compétence et de la méritocratie. Ces deux approches de division et d’exclusion ont montré leur limite et ont définitivement transformés le paysage socio politique et économique de ces deux nations. Désormais, il y’aura une période « avant l’ivoirité » et une période » après l’ivoirité".
En Centrafrique, la période « d’après clanisme » et « d’après la médiocrité » n’a pas encore débuté au vu des derniers décrets de nomination. Autant dire que cette idéologie néfaste se perpétue en Centrafrique, régime après régime en espérant que s’opère une véritable alternance politique qui résultera d’une élection juste et transparente dont le résultat sera accepté par tous.
Franck SARAGBA
Fini Kodé
La troisième voie