Contrairement à ce que le Général Bozizé avait annoncé lors de la célébration de son investiture, la récréation n’est pas encore terminée.
Plus d’un mois après la dissolution du gouvernement, voilà que le Général-Président vient de reconduire son Premier Ministre d’une manière implacable et irresponsable avec cette fois-ci une équipe gouvernementale de 34 Ministres et Ministres délégués. Au lieu d’une nouvelle équipe plutôt resserrée et de mission qui fasse bloc autour d’un Premier Ministre de consensus, nous assistons hélas au changement dans la continuité, voir, en pire.
La première question que l’on peut se poser est celle de savoir pourquoi autant de ministères qui vont créer pour l’Etat d’énormes charges supplémentaires de fonctionnement et salaires alors que notre pays ne vit que grâce à l’aide de généreux pays donateurs et des emprunts contractés à des taux exorbitants. Nous ne pouvons pas indéfiniment abuser de l’aide de pays amis pour payer nos fonctionnaires et nos ministres tout en se bombant le torse d’avoir payé des salaires à termes échus. D’ailleurs, que représente le ratio de quelques 20 milles fonctionnaires sur une population de 4 millions d’habitants.
Outre le nombre pléthorique des ministres, on relève également une équipe au demeurant très hétéroclite. La logique d’acheter les consciences afin d’annihiler toute opposition a prévalu dans la formation de ce gouvernement. Ainsi, on assiste à un ratissage large pour faire de la place coûte que coûte dans ce gouvernement à tous ceux qui hier encore étaient des opposants farouches du régime en place. Que peut-on attendre d’un gouvernement où les membres se haïssent et n’ont pas le même objectif ? Quel sens donné à la notion de solidarité gouvernementale ? Pourront-ils sincèrement travailler ensemble pour sortir notre pays de cette impasse ?
A la lecture de la composition de ce gouvernement, on a le sentiment qu’il ne nous dit pas grand chose, notamment sur ses priorités. On a l’impression que le régime nous annonce en vrac une gouvernance à vue. S’il est vrai que notre pays est un gigantesque chantier, il n’en demeure pas moins que les gouvernants se doivent de fixer des priorités au lieu d’afficher un catalogue de départements ministériels aussi fantaisistes les uns que les autres, dont les titulaires des portefeuilles n’ont aucune compétence dans le domaine. L’époque des » politiciens ministres » ignares est révolue. Au nom de la bonne et de la nouvelle gouvernance, place ne doit-elle pas être faite désormais aux « hommes politiques » qui ont une expertise dans le domaine respectif ?
Dans la situation où se trouve notre pays n’aurait-il pas fallu se fixer des priorités dans la répartition des maroquins ? N’aurait-il pas fallu envoyer à nos compatriotes et à la communauté internationale des signaux forts en attribuant dans l’ordre protocolaire les ministères d’états à des postes de souveraineté (défense, intérieur, justice, affaires étrangères) pour asseoir déjà et dans un premier temps l’autorité d’un Etat presque inexistant, du moins pour être en cohérence avec l’annonce de cette fin de récréation qui n’en finit pas de se poursuivre. Lorsque plus rien ne va dans un pays, il faudrait apprendre à revenir sagement à des fondamentaux. C’est un principe en politique.
En même temps, ce gouvernement ne devrait-il pas promouvoir le bien être de nos concitoyens à travers une politique d’autosuffisance alimentaire et de santé publique, puisque c’est de cela dont souffre notre population aujourd’hui. Lorsque la sécurité aussi bien de nos frontières que celle à l’intérieur du pays sera assurée, la liberté d’aller et de venir de notre population, une justice égale pour tous seront garanties que l’ on peut alors envisager autre chose. Non seulement ces postes de souveraineté ne sont attribués à de Ministres d’Etat, mais ils occupent une place secondaire dans l’ordre protocolaire avec des personnalités atypiques et contestés pour diriger ces départements ministériels.
En définitive le gouvernement TOUADERA 3, affublé pompeusement du qualificatif « ouverture » est en fait un gouvernement de »récupération et de débauchage » dont le seul projet de société est d’anéantir complètement toute opposition afin de rester « vitam aeternam » au pouvoir. Au nom de cette « ouverture », le régime en place a créé des postes budgétivores secondaires avec des ministres qui à n’en pas douter seront éjectés à la première occasion. La volonté du régime de rendre à néant coûte que coûte l’opposition démocratique dans notre pays est une grave erreur du régime en place car elle ouvre inévitablement la porte à toutes les radicalisations. Aussi, le risque de crisper davantage le climat politique et de radicaliser la position des plus modérés dans notre pays contre un régime qui souffre déjà de légitimité est plus que jamais effectif.
Pour le Conseil Exécutif
Franck Saragba