« Qui sème le vent récolte la tempête » dit-on. C’est exactement ce qu’on doit dire de François Bozizé et de la façon dont il a conduit la République centrafricaine jusqu’à présent. Il a en effet passé le plus clair de son temps à brasser du vent et à rouler dans la farine aussi ses compatriotes que les partenaires au développement de la RCA et la fameuse communauté internationale. Tout cela a permis sa triomphale réélection à l’issue du double scrutin du 23 janvier dernier dès le premier tour de scrutin avec un score frauduleux que va pourtant entériner une cour constitutionnelle indigne et complètement à plat ventre devant lui. Mais sa fausse victoire électorale est en train de se retourner contre lui comme un véritable boomerang. La reconduction du même premier ministre après une attente d’un mois ; la formation d’un gouvernement pléthorique avec les même techniques de passe-passe comme celui constitué au sortir du DPI en débauchant ici et là quelques brebis galeuses de l’opposition et des mouvement politico-militaires pour donner l’illusion d’un gouvernement d’union nationale ; tout cela est bien la preuve que le système Bozizé est à bout de souffle car parvenu aux limites de la ruse et de la roublardise de son propriétaire.
Outre l’opposition politique qui refuse jusqu’à présent de reconnaître les résultats de cette mascarade électorale, la presque totalité de ses pairs chefs d’Etat ne lui ont pas adressé les traditionnels et protocolaires messages de félicitation. Même le béninois Thomas Yayi Boni dont la réélection est intervenue après celle de Bozizé a eu droit au message de félicitation du président français Nicolas Sarkozy mais pas Bozizé. De même Paris n’a pas jugé utile de dépêcher ne serait-ce qu’un ministre à son investiture qu’il a été totalement mal inspiré d’organiser le jour anniversaire du coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir le 15 mars 2003 tout en renversant son prédécesseur Ange-Félix Patassé. Alors qu’il n’a manqué aucune investiture de certains de ses pairs, seuls trois chefs d’Etat de la sous-région ont daigné venir à Bangui pour assister à celle aux forceps de Bozizé. Service minimum pour lui en quelque sorte.
L’entretien qu’il a accordé à l’ambassadeur de France et à celui de l’UE à Bangui le 8 avril 2011 après que ceux-ci eussent beaucoup insisté pour le rencontrer, et qui a fait l’objet du point de presse de M. Samzun quelques jours après, est assez révélateur du climat actuel des relations entre lui et l’UE et la France. Celles-ci ont visiblement pris un coup de froid en raison notamment du hold-up électoral résultant du fonctionnement à fond la caisse du bourrage des urnes en faveur de Bozizé et du KNK et aux inadmissibles entraves à la liberté de circulation faite aux leaders de l’opposition, dont le scandaleux cas de l’ex-président Patassé qui a malheureusement fini par en succomber, a suscité beaucoup d’émoi et d’indignation chez plusieurs chefs d’Etat africains et de Bruxelles. Un diplomate en poste à Bangui qui a souhaité garder l’anonymat a résumé le cas de Bozizé en confiant à C.A.P que « le président Bozizé a le chic de se créer lui-même tout seul des problèmes »
Plus grave encore pour Bozizé, les principaux bailleurs des élections centrafricaines, en particulier l’UE, se sont rendus compte sans doute avec retard que leurs fonds, aussi invraisemblable que cela puisse être, loin d’avoir servi à consolider la démocratie en Centrafrique, ont financé plutôt l’élection d’un médiocre dictateur dans une république bananière. Les millions d’euros déboursés par l’UE ont non seulement permis à Bozizé de se proclamer vainqueur des élections mais l’ont également enrichi ainsi que certains de ses enfants, son épouse et le nullissime président de la CEI le vrai faux pasteur Joseph Binguimalé qui leur a attribué à tour de bras et de gré à gré des marchés non exécutés de plusieurs centaines de millions de F CFA.
Ce n’est pas donc pour rien que Bozizé a obstinément refusé la publication de l’audit sur la gestion de la CEI par le tristement célèbre Binguimalé réclamé par l’opposition et qu’il a pourtant ordonné. C’est qu’il a des choses à dissimuler dont il craint la divulgation. Bozizé croit aussi à tort que eu égard à la gestion totalement personnelle et opaque que lui et Ndoutingaï ont faite de l’enveloppe des huit milliards de CFA réunie par les pays de la CEMAC pour le DDR centrafricain, personne ne saurait que l’essentiel de cet argent lui a servi entre autre à financer sa campagne électorale en achetant les consciences des Centrafricains. Il en est de même de la manne de près de 26 milliards de F CFA virée en novembre 2009 par le FMI via la BEAC qui lui a aussi permis l’acquisition de nombreux véhicules 4x4 à CFAO Bangui et à Dubai pour sa campagne électorale et celle du KNK. Tous ces détournements qu’il a opérés au grand jour sont de notoriété publique et ont sans doute fait les choux gras de toutes les chancelleries de Bangui.
Sur le plan politique. Ayant pris le pouvoir par un coup d’Etat, Bozizé n’a nullement l’intention de lâcher ce pouvoir, surtout pas par la voie des urnes. C’est un secret de polichinelle que son vœu le plus cher quoiqu’il en dise, maintenant qu’il a tout fait pour se tailler une assemblée nationale exclusivement KNK, serait de faire sauter le verrou de la constitution qui l’empêche actuellement de briguer un nouveau mandat en 2016 et au-delà pour continuer à « faire don de sa personne » à la RCA. Puis il nourrit le projet de passer ensuite le flambeau à son fils actuellement indéboulonnable ministre délégué à la défense auprès de lui, Jean Francis Bozizé qu’il couve encore sous ses ailes tout en mettant au-devant de la scène l’antagoniste et rival de celui-ci, un certain Sylvain Ndoutingaï.
Au sujet de ce dernier, plusieurs diplomates en poste à Bangui et observateurs occidentaux de la politique centrafricaine ont avoué à C.A.P leur embarras devant sa mutation du ministère des mines à celui des finances. Personnage sulfureux et considéré par certains pays décideurs comme le ministre qui incarne le plus le système de prédation et le haut degré de corruption du pouvoir de Bozizé, la désignation de Sylvain Ndoutingaï comme directeur national de campagne du candidat Bozizé avait déjà troublé plus d’uns. Sa promotion comme quasiment vice-premier ministre, numéro 2 du gouvernement et ministre des finances, laisse carrément pantois tous les observateurs qui ont réellement du mal à comprendre la logique de Bozizé.
Etant complice de tous ses micmacs financiers et son principal complice dans quasiment toutes les affaires louches de prédation dont il refile une bonne part du butin à Bozizé, Ndoutingaï est devenu son grand argentier et il doit sans doute compter sur lui pour la gestion de la manne pétrolière qu’ils ont confiée aux Chinois et pour laquelle ils doivent se lécher déjà les babines. Pour Bozizé, Ndoutingaï qu’il sait n’avoir pas que des amis, est un pion essentiel pour cette économie du pétrole centrafricain qu’il est pressé de piloter comme on s’en doute encore, dans la plus grande opacité. Est-il conscient des risques qu’il prend en le mettant ainsi au-devant de la scène ? On ne tardera pas à le savoir dans les prochains jours.
Rédaction C.A.P