La théorie des dominos est-elle envisageable pour la Centrafrique ? Autrement dit la révolte des peuples opprimés et affamés qui a débuté en Tunisie, en Egypte, en Algérie, au Yémen pour se poursuivre d’une manière lancinante à d’autres pays pourra-t-elle se propager ailleurs ? Pourra-t-elle contaminée en entrainant le peuple opprimé, affamé et méprisé de Centrafrique à revendiquer son droit ? Pourra-t-il comme en Tunisie descendre dans la rue afin d’en découdre avec les extravagances et autres caprices de notre général cinq étoiles ? Combien de temps encore les centrafricains assisteront t-ils au désossage de leur pays ? Laisseront t-ils Bozizé installé une République « dynastique ? » Pourquoi la France et la soit disant communauté internationale soutiennent t’elles Bozizé contre la volonté du peuple centrafricain ?
Le peuple Centrafricain est imprévisible, il l’a déjà démontré dans le passé.
Si la Tunisie ou encore l’Egypte n’ont pas les mêmes caractéristiques ni les mêmes réalités sociopolitiques que la Centrafrique, on peut néanmoins dire que la probabilité d’une telle éventualité est de plus en plus forte au regard des éléments objectifs et de l’histoire intrinsèque à notre pays. Tant, les ingrédients semblent êtres tous réunis à ce jour. On craint qu’une brindille d’étincelle ne vienne amorcer le mécanisme déjà sur orbite. Les faits sont têtus. Les mêmes causes ne produisent t’elles pas les mêmes effets ?
L’histoire de notre pays nous enseigne que notre peuple est un peuple qui a la capacité d’encaisser beaucoup de frustrations au point de cultiver la patience comme une vertu. Mais, il sait également se montrer imprévisible lorsqu’il estime que les choses sont allées trop loin. Il a su à plusieurs reprises déjà se surpasser pour se révolter d’une manière inattendue dans le but de s’opposer par exemple à l’oppression coloniale comme en 1928 dans la guerre de « kongo wara ». Contre toute attente, il a su également dans un passé proche se révolter pour se délivrer de ses entraves et chasser hors du pays d’autres régimes aussi autoritaires sinon plus autoritaires que celui-ci.
La garde présidentielle et les zakawas de Bozizé qui sèment aujourd’hui la terreur en Centrafrique ne sont pas plus affûtés que les éléments de la garde impériale de Bérengo ou encore la police de Ben Ali voir de Moubarak. Nous rappellerons seulement pour ceux d’entres-nous qui l’auraient oubliés qu’en 1979, lorsque les élèves et étudiants se sont levés comme un seul homme pour refuser le port des tenues scolaires. Pris dans la dynamique impulsée par les jeunes, les syndicats et la société civile se sont joints à eux pour affronter courageusement l’armée impériale dans une opération baptisée « aux cailloux ». Ce, à la faveur et à la ferveur d’un enthousiasme populaire jamais égalé à ce jour. Ensembles, ceux-ci ont défié la terrible et cruelle armée de l’empereur Bokassa Ier, pourtant renforcée par les troupes militaires en tenue de léopard de la sinistre force armée Zaïroise du maréchal Mobutu. Le scénario semble se répéter aujourd’hui avec l’arrivée des troupes de la gendarmerie nationale du général Sassou Ngessou à Bangui.
De même, lorsque sous le régime du général Kolingba. Alors que le pays drainait tous les maux de la mal gouvernance, le Comité de Coordination pour la Convocation de la Conférence Nationale Souveraine (4CN) avait réclamé la tenue d’une conférence nationale souveraine afin de faire le diagnostic de la situation. Cette initiative audacieuse des partis politiques relayés par les syndicats puis par les organisations non gouvernementales a abouti à l’organisation d’une marche pacifique. Elle a pour but d’amener les gouvernants de l’époque à respecter la volonté populaire. Malheureusement le regretté docteur Claude Conjugo trouvera la mort lors de cette marche pacifique, assassiné par les forces de défenses. L’issue finale sera la défaite du général Kolingba à l’élection présidentielle de 1993. On voit que le peuple centrafricain a une fois encore gagné contre l’oppression.
Il en est de même dans les dernières années du régime du président Patassé confronté à plusieurs crises sociopolitiques récurrentes dont on ne voyait pas à court terme une issue heureuse. Face à cette impasse, c’est avec beaucoup de soulagement que de nombreux centrafricains ont cru et adhérés au coup d’état « libérateur »du 15 mars 2003 pour aussitôt déchantés de la traitrise du général-président.
Un manque de sérénité dans le camp des vainqueurs qui interpelle
Le général Bozizé et ses hommes le savent. Ils savent à quel point nos compatriotes sont imprévisibles et déterminés lorsqu’ils sont mécontents. Au point que le régime en place malgré l’annonce par la cour constitutionnelle des résultats qui a donné vainqueur au premier tour le candidat sortant ne fait pas preuve de sérénité. En l’espace d’une semaine, son porte parole tente maladroitement d’intimider nos concitoyens par deux discours dangereusement belliqueux et triomphalistes sur les ondes de la radio nationale comme savent si bien le faire les « griots très nuisibles » du dictateur de Bézambé. Au lieu d’allumer le feu, n’est-ce pas le moment de calmer le jeu ?
A courir désespérément après une incontestable et véritable légitimité par les urnes qu’il n’aura jamais, Bozizé n’est-il pas en train de commettre l’irréparable ? N’oublions pas que Bozizé est celui-là même qui a obtenu 1% des voix lors des élections présidentielles de 1993. Comment peut-on passer d’un tel score à 66% des voix en sachant qu’il n’a posé que des actes répréhensibles depuis son accession au pouvoir (Actes de barbaries et de tortures, assassinats, impunités, razzias dans les zones de diamants, clientélisme, affairisme, clanisme, non respect de la constitution, rupture avec les partis politiques membres de la majorité présidentielle, incompétence…). En un mot l’homme est inapte à la fonction de président de la république selon le site wikileaks qui dévoile au grand jour cette triste vérité que nous autres savions déjà.
Si la victoire du général Bozizé était aussi nette et indiscutable que cela, pourquoi alors ce manque de sérénité ? A-t-on besoin d’expliquer l’évidence ? Pourquoi alors priver les autres candidats qui ont perdu et leurs collaborateurs de leur liberté d’aller et venir comme le stipule la constitution ? De quoi a-t-on peur ?
L’appel au calme lancer par le porte parole du gouvernement en toile de fond la menace d’utiliser des armes de guerres à l’endroit des citoyens qui manifesteraient leur mécontentement est un aveu. Il interpelle la conscience de chacun. Au moment où nos compatriotes de Birao, de Tiringoulou sont livrés aux exactions des rebelles de la LRA. A-t-on déjà vu un régime serein agir de la sorte ? A-t-on déjà vu un régime démocratiquement élu, sûr de sa victoire et de sa notoriété dans le pays agir ainsi ? Le régime de Bozizé a-t-il besoin de brandir à chaque instant les armes pour asseoir son pouvoir ? Que vaut la légitimité au bout du canon ? Les 66% obtenus ne sont-ils finalement que mensonges ? Que bourrages des urnes ? Est-ce cela la nouvelle gouvernance démocratique à la mode Bozizé ?
Le soutien indéfectible de la France et de la dite communauté internationale à Bozizé est incompréhensible et contre la volonté de notre peuple.
La France et la soit disant « communauté internationale » n’ont en tout cas rien comprises. Elles n’ont pas retenu ce qui s’est passé en Tunisie et moins encore en Egypte. Elles n’ont rien comprises non plus à l’histoire de la Centrafrique, sinon, elles comprendraient que les centrafricains forment un peuple pacifique, très patient, fier d’offrir leur hospitalité à quiconque mais c’est un peuple qui demeure imprévisible.
En apportant un soutient indéfectible au général-président Bozizé malgré sa mauvaise notoriété dans le pays, malgré son incompétence avérée à organisée une élection juste et transparente, malgré les millions qui sont déversés par la France et les amis de la Centrafrique pour organiser ces élections de la dernière chance, celle qui aurait pu garantir la paix, malgré les bourrages des urnes et des exactions dénoncés ici et là, la France et la communauté internationale vont à l’encontre de la volonté du peuple centrafricain qui n’aspire qu’à mieux vivre et en paix. En faisant cela, elles réconfortent celui-ci dans ses turpitudes.
Les centrafricains ne sont ni contre la France, ni contre la communauté internationale. Conscients de la précarité de leur situation dans un pays pourtant aux sous-sols immensément riches. Dorénavant, ils veulent tout simplement vivre autrement. Ils veulent entretenir avec La France et d’autres pays amis des relations saines, dans une franche collaboration. Ils veulent êtres considérés comme des êtres humains et ne plus être la risée du monde par la faute d’un président qu’ils n’ont pas choisi dont on dit inapte à la fonction. La France et la communauté dite internationale doivent revoir leur copie et écouter attentivement le souffle d’une révolte qui va en s’amplifiant avant que les centrafricains ne les surprennent à nouveau. A partir de maintenant, elles ne peuvent pas dire « NOUS NE LE SAVIONS PAS »
Franck SARAGBA
Fini kodé
La troisième voie
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