Créé le 17-05-2010 à 09h00 | AFRIQUE REDACTION | CPI | RDC | le 17-05-2010 à 09h20 Par Kric
Lors de l’audience qui a eu lieu mardi 27 avril à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, l’avocat de la République centrafricaine (RCA), Emile Bizon, a demandé aux juges de cette juridiction internationale «de ne pas renoncer au procès» de l’accusé Jean-Pierre Bemba Gombo. La défense de celui-ci avait plaidé pour le dessaisissement de la CPI au profit des instances judiciaires centrafricaines. Au motif que celles-ci avaient déjà statué sur la question en mettant Bemba hors cause. "Je pense que c’est parce que notre humanité aujourd’hui n’est pas en mesure de supporter l’impunité de tels actes que la CPI a été instituée", a déclaré l’avocat de la RCA.
L’impunité. Parlons-en un peu. Jean-Pierre Bemba est accusé d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité suite à l’envoi, entre octobre 2002 et mars 2003, des combattants du MLC en Centrafrique. C’était à la demande du chef d’Etat centrafricain d’alors, Ange-Felix Patassé, dont le régime faisait face à un mouvement insurrectionnel dirigé par le général François Bozizé, l’actuel chef de l’Etat. A Bangui, les hommes envoyés par Bemba étaient non seulement placés sous le commandement de l’état-major de l’armée mais surtout portaient les mêmes uniformes que les soldats centrafricains. Il va sans dire que ces combattants recevaient leurs ordres des autorités politiques et militaires de ce pays. Les miliciens du MLC sont accusés d’avoir commis des meurtres, viols et pillages. Ce que l’histoire ne dit pas est que l’appui militaire apporté à Patassé n’a été apprécié que modérément par la France de Jacques Chirac. La Radio France Internationale a été, comme par hasard, le premier média à dénoncer les meurtres, viols et pillages commis dans la capitale centrafricaine par… les «hommes de Bemba».
«La liberté est la règle, la détention, l’exception», dit un principe général de droit. Le 24
mai prochain, Jean-Pierre Bemba Gombo aura accompli un total de 24 mois de détention. Cette longue «garde à vue» sans jugement cache mal
l’embarras - d’aucuns parlent d’incompétence - du procureur près la CPI, le Chilien Luis Moreno-Ocampo. Ce magistrat est manifestement
instrumentalisé par quelques «groupes d’intérêt» lesquels l’ont incité à précipiter l’embastillement de l’accusé Bemba sans que l’accusation
ait pu réunir les preuves irréfutables de ses assertions. Plusieurs audiences de la CPI ont été reportées sous le fallacieux prétexte que le tout-puissant procureur Moreno-Ocampo n’était pas prêt.
Au fil du temps, les poursuites engagées à l’encontre de Bemba sont devenues suspectes. La plainte déposée par l’Etat centrafricain auprès de la CPI épinglait, en effet, plusieurs personnes. Outre Bemba, il y a l’ancien président Ange-Felix Patassé qui y est présenté comme l’accusé principal suivi notamment de son conseiller militaire Abdoulaye Miskine. Pourquoi Bemba est-il le seul à répondre devant les juges de la CPI? Jusqu’à preuve du contraire, Patassé ne doit-il pas être considéré comme l’auteur principal des faits mis à charge du leader du MLC ? Bemba n’est-il pas de ce fait un «complice» pour autant que l’accusation soit en mesure de démontrer qu’en envoyant ses troupes à Bangui il savait qu’il s’associait à une entreprise criminelle ou délictuelle? La CPI pourrait-elle faire triompher la vérité dans ce dossier judiciaire en l’absence de l’homme qui réunit en lui les éléments matériel et moral de l’infraction en cause? Les poursuites engagées contre Bemba sont d’autant plus suspectes que l’accusation reste muette sur les exactions commises tant par la garde présidentielle de Patassé que par les «rebelles tchadiens» conduits par le chef rebelle Bozize.
Les déclarations de l’avocat centrafricain Emile Bizon sont indignes d’un praticien du droit. Comment est-ce que ce juriste pense-t-il combattre l’impunité alors que des délinquants notoires impliqués dans ce même dossier judiciaire circulent librement à Bangui ? Pire, ces délinquants n’ont fait l’objet d’aucun mandat d’arrêt délivré par la CPI. D’éminents juristes et professeurs de droit avouent leur perplexité face l’absence de l’accusé principal Patassé au procès. Il y a quelques mois, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) a fait couler quelques larmes de crocodile en invitant la CPI à lancer d’autres mandats d’arrêt.
Il est désormais clair que l’accusé Bemba Gombo se trouve seul face à trois coalitions. A savoir : la coalition centrafricaine (le régime Bozizé et la société civile), la coalition kabiliste (le régime Kabila et les anciens transfuges du MLC) et la coalition incarnée par le procureur Moreno-Ocampo derrière laquelle se dissimulent divers groupes d’intérêt nébuleux. L’opinion congolaise attend toujours de connaître les conclusions de l’enquête ouverte à la suite de l’attaque simultanée, l’année dernière, des résidences des ministres Alexis Thambwe Mwamba et José Endundo Bononge, deux anciens cadres du MLC.
Bemba doit batailler dur. Ses avocats doivent faire preuve de créativité et surtout de combativité. A défaut, le président du MLC va servir de bouc émissaire dans une affaire faussement judiciaire qui est en réalité un traquenard politique …