François Bozizé veut-il vraiment des élections en Centrafrique ? Il est permis d'en douter. Depuis qu’il a révélé au grand jour son incapacité à organiser les élections dans son pays, le dictateur sanguinaire de Bangui, le dépeceur Bozizé a trouvé un nouveau joujou en politique qu’il affectionne désormais. Il consiste à rassembler une fois par mois dans la salle de cinéma du Palais de la Renaissance sous forme de grande messe pour les humilier, les principaux leaders la classe politique, les forces vives de la nation, les représentants de la société civile et des confessions religieuses, les responsables de la commission électorale, le corps diplomatique, tous convoqués toujours au pied levé par voie de communiqué radiodiffusé, sans ordre du jour précis. Durant deux ou trois heures d’horloge, Bozizé va faire son one man show sur les la question des élections en donnant la parole à tour de rôle à qui bon lui semble..
C’est ce genre de réunions, celle du 19 octobre dernier qui avait dérapé car Bozizé a décidé de faire expulser manu militari Joseph Bendounga qui le chahutait pour son refus de lui accorder la parole. C’est ainsi que celui-ci une fois dans la cour du Palais, se fera copieusement rouer de coups par les éléments de la garde présidentielle sur ordre de Bozizé, Avec celle qui a eu lieu ce lundi 15 novembre, ces réunions du Palais de la Renaissance qui se succèdent et se ressemblent, sont toutes caractérisées par leur médiocrité essentiellement due à celle de celui-là même qui les préside ainsi que par le contenu extrêmement lamentable des échanges qui s’y déroulent.
Un constat s’impose. Bozizé prouve ce faisant qu’il demeure toujours seul maître à bord et pilote du jeu électoral, décrétant lui-même dans quel délai les candidats aux élections doivent déposer leur dossiers de candidature, avec quel type de découpage se dérouleront les législatives ainsi que par quel mode de traitement, manuel ou informatisé, seront traitées les listes électorales. Dès lors, quelle est alors l’utilité de la « gloutonne » CEI ? (ndlr !le terme est de Bozizé lui-même). A quoi bon adopter et promulguer un code électoral si on doit s’asseoir dessus de cette façon. C’est clair que pour Bozizé qui n’y comprend sans doute rien, c’est juste un chiffon de papier pondu par des intellectuels pour faire traîner les choses en longueur.
Selon nos informations, Bozizé qui n’a pas les moyens de sa politique à savoir le nerf de la guerre comme on dit, a carrément demandé aux chefs d’Etat des pays membres de la CEEAC de mettre la main au portefeuille de leur pays pour lui réunir la bagatelle de 7 milliards de F CFA pour financer les élections dans son pays. On a ici l’explication entre autre de son récent déplacement à Luanda, l’Angola étant membre de la CEEAC. Sa dernière visite chez le colonel Kadhafi doit sans doute aussi avoir pour but de lui mendier un peu de fric et un appui militaire afin de pallier le retrait des troupes de la MINURCAT stationnées à Birao.
Bozizé feint d’oublier que certains chefs d’Etat de l’Afrique centrale n’ont pas la mémoire courte. Ils ne sont pas amnésiques au point d’oublier que la CEMAC a versé en 2009 huit milliards de F CFA au gouvernement centrafricain pour le DDR mais force est de constater que cette enveloppe n’a pas vraiment servi à faire avancer ce programme pourtant indispensable au retour de la paix dans ce pays, d’où la réticence actuellement de certains d’entre eux à répondre favorablement à l’appel de fonds que leur fait à nouveau Bozizé qui joue lui-même les pigeons voyageurs ou dépêche certains de ses ministres.
Tout ce pitoyable et triste spectacle d’incapacité à tenir des élections pour un corps électoral d’à peine 1,5 millions électeurs qu’offre Bozizé et son complice et alter ego Binguimalé est la résultante de leur médiocrité et de la volonté de Bozizé de tourner tout le monde en bourrique pour que les élections n’aient point lieu car en réalité, il a très peur de perdre le pouvoir dans les urnes. Pour un bonhomme qui est arrivé à la magistrature suprême par coup d’Etat, il ne peut accepter de perdre ce pouvoir dont il connaît les délices par la voie d’élections libres et transparentes. D’où ses tentatives de caporalisation du processus électoral et autres atermoiements dont il fait montre aux Centrafricains et à l’opinion internationale.
Il est conscient que du fait de ses responsabilités accablantes dans plusieurs dossiers dont l’affaire de la disparition de Charles Massi et de Hassane Ousman et sans doute de bien d’autres cas, celles des violations massives des droits de l’homme et nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans le Nord de la RCA plusieurs années durant, s’il ne meurt pas au pouvoir, dès qu’il le quittera il perdra ipso facto ses immunités présidentielles et sera en principe un gibier potentiel de la justice, celle de son propre pays ou celle internationale.
Par ailleurs, en jouant les dictateurs et en se comportant comme s’il était le président de la CEI et en manifestant sa volonté d’exclusion de certains adversaires politiques de la compétition électorale comme il l’avait fait en 2005, Bozizé donne quelque part raison à tous ceux qui ont choisi de prendre les armes et le maquis contre lui se disant qu’avec lui, il n’y aura jamais d’élections libres, démocratiques, transparentes et crédibles en Centrafrique. Aujourd’hui, de plus en plus de Centrafricains souhaitent ouvertement qu’il arrive à Bozizé ce qui est advenu le 18 février 2010 à son semblable Mamadou Tandja du Niger. Malheureusement, la situation dans laquelle il a plongé les forces armées centrafricaines est telle qu’il est sans doute à l’abri de ce genre de coup de force.
Rédaction C.A.P