Le Monde.fr | 02.02.11 | 18h47
François Bozizé, chef de l’Etat centrafricain sortant, a été réélu avec 66,06 % des suffrages (607 184 voix) lors du premier tour du scrutin présidentiel qui s’est déroulé, dimanche 23 janvier, selon les résultats provisoires annoncés, mardi 1er février, par la Commission électorale indépendante (CEI).
Ange-Félix Patassé, ancien président (de 1993 à 2003), qui avait été renversé par François Bozizé lors d’un coup d’Etat, est arrivé en deuxième position (20,10 %) devant Martin Ziguélé (6,46 %). Les deux derniers candidats n’ont pas franchi la barre des 5 %. Ces résultats doivent maintenant être validés par la Cour constitutionnelle dans les quinze jours.
Dans un pays peuplé de 4,5 millions d’habitants, d’une superficie comparable à la France et la Belgique réunies mais dépourvu d’infrastructures routières et en queue de classement de tous les indices sociaux-économiques, l’organisation de ces élections présidentielles et législatives avait pris les allures d’un défi.
A deux reprises, le scrutin avait été reporté en 2010 et il fut incertain jusqu'au dernier moment. Du recensement des électeurs à l’affichage tardif des listes électorales, l’opposition avait pointé plusieurs dysfonctionnements.
"C'EST TELLEMENT GROSSIER ET RIDICULE"
Prêts à patienter plusieurs heures dans les files d’attente pour aller voter, les Centrafricains s’étaient déplacés en nombre, dimanche 23 janvier. Le vote s'était achevé cinq heures après l'horaire prévu, et le dépouillement avait eu lieu pendant la nuit, à la lueur des bougies et des lampes de poche.
"Tous ont décrié la mauvaise organisation, surtout en ce qui concerne les listes électorales qui ont été affichées en retard, qui n’existaient pas à certains endroits ou se retrouvaient à des endroits qui n'étaient pas les bons", avait déclaré Fulgence Zeneth, coordinateur national de l'Observatoire national des élections, au lendemain du scrutin.
L'attente des résultats – ils auraient dû être communiqués quelques jours plus tôt par la CEI – a renforcé les soupçons de fraude dans le camp de l'opposition. "C'est un non-événement, a déploré Martin Ziguélé lors de la proclamation des résultats. C'est tellement grossier et ridicule. Maintenant, nous allons porter plainte et déposer un recours devant la Cour constitutionnelle, mais nous ne sommes pas dupes. La Cour va valider les résultats."
Au cours de la campagne, le parti KNK (pour Kwa Na Kwa, qui signifie "le travail rien que le travail" en langue sango) de François Bozizé s’était donné comme objectif de remporter cette élection "par KO, dès le 1er tour". C’est donc chose faite.
"C'EST LA RÉCOMPENSE D'UN TRAVAIL BIEN FAIT..."
"C'est la victoire de la démocratie pour quelqu'un qui a pris le pouvoir par un coup d'Etat et qui l'a légitimé par les urnes en 2005, a déclaré Fidèle Ngouandjika, porte-parole du gouvernement et directeur adjoint de la campagne du chef de l’Etat. C'est la récompense d'un travail bien fait..."
Dans un tel contexte, il est difficile de croire que ces élections pourront enfin amener la paix dans ce pays ruiné par des décennies d’instabilité politique. Ce scrutin se présentait pourtant comme l'aboutissement d’un dialogue national amorcé en 2008 entre le pouvoir, l’opposition et différents groupes armés qui occupent une grande partie du pays.
"Nous serons obligés de reprendre les armes afin de faire rétablir une réelle démocratie en Centrafrique, a confié à l’AFP Joachim Kokaté, l’un des représentants de la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), une rébellion qui n’avait pas participé au processus de paix. Nous avions observé une trêve dans l'intérêt du peuple centrafricain. Nous dénonçons la fraude massive. Le président Bozizé a tourné le dos à la jeunesse et à tout le peuple."
Comme pendant toute la campagne électorale, le calme régnait dans Bangui, la capitale, lors de l’annonce des résultats.
Pierre Lepidi (avec AFP)