François Bozizé: «Une bouffée d’oxygène et le pays repartira et pourra peut-être même surprendre»
ParBoniface Vignon RFI mardi 14 août 2012
En Centrafrique, le président François Bozizé a été récemment confronté à un mouvement de contestation d'une partie de la jeunesse du pays. De passage à Paris, le président centrafricain a accepté d'accorder un entretien à RFI. Il y revient sur les manifestations, la traque du rebelle tchadien Baba Laddé et l'insécurité sur le territoire national.
RFI : Quinze manifestants et trois gendarmes blessés lors d'affrontements violents à Bangui. Des manifestants qui vandalisent des monuments à votre gloire et qui pénètrent dans l'enceinte d'une prison pour libérer des centaines de détenus. Etait-ce le début du printemps arabe centrafricain ?
F B : Ce n’est pas le cas en Centrafrique. C’était une autre affaire. Notre jeunesse, qui voulait à tout prix être incorporée dans les forces de sécurité centrafricaines, a été tout simplement manipulée par nos détracteurs habituels. Le recrutement, ce n’est pas pour la première fois que nous le faisons. Il y aura d’autres recrutements par la suite. Nous prendrons les dispositions nécessaires pour que les défaillances de ce genre ne puissent pas se répéter.
Vous parlez de défaillances et on vous accuse d’avoir favorisé votre ethnie : l’ethnie Gbaya ?
C’est un recrutement qui s’est fait à ciel ouvert, au stade de 20 000 places de Bangui. Les examinateurs ont été des gens choisis dans l’armée, la gendarmerie, la police. Il n’y a pas eu de Gbayas, ni de Mandjas et Kabas ou autres. Je le dis en sango, la langue nationale, on m’appelle le « président Ti a marakwe », qui veut dire le président de toutes les ethnies.
Vous affirmez qu’Abdel Kader Baba Laddé n'est plus sur le sol centrafricain. Et pourtant quelques poches de résistance de son mouvement sont toujours signalées. Alors le départ annoncé de Baba Laddé n'est-il pas en fait un simple repli tactique?
La base de Baba Laddé en Wandago a été détruite par les forces coalisées centrafricano-tchadiennes. Il est en fuite et selon les renseignements qui nous parviennent, il doit se trouver au Soudan du Sud. Mais bien sûr, au cours de cette opération, ils ont été dispersés dans la nature et il y a quelques rares personnes qui circulent encore et qui, pour se nourrir, procèdent à des actes que nous déplorons.
Autre chef de guerre, Joseph Kony. Vous assurez qu'il sera bientôt neutralisé, mais il court toujours malgré les offensives que vous menez en commun avec l'armée ougandaise ?
Des dispositions sont prises en ce sens au niveau centrafricain comme au niveau des trois armées de la sous-région : l’armée congolaise, l’armée du Soudan du Sud et l’armée ougandaise. Nous sommes aidés par les forces américaines qui sont sur place. Les opérations se poursuivent et tôt ou tard, nous mettrons la main dessus.
Cette affirmation, vous la faites depuis quand même quelques temps ?
Oui. Nous avions affaire à une personne qui est très rodée dans la guérilla, la guérilla dans une région comme la nôtre où il y a la forêt, la savane boisée et autres. Ce qui rend difficile l’opération.
La France a toujours une base militaire en République centrafricaine. Pourquoi ses soldats ne participent pas à la traque de ces deux chefs de guerre ?
Nous venons de signer un nouvel accord avec la France, il y a à peine un an et demi. Et ces accords ne permettent pas aux forces armées françaises de participer aux opérations militaires sur le territoire centrafricain. La France ne voudrait pas jouer le gendarme en Afrique. Les forces françaises viennent en appui des décisions prises, soit aux Nations unies, soit au niveau de l’Union africaine, et elles se limitent à cela.
Les installations du groupe Areva ont été récemment pillées à Bakouma alors que le groupe français avait déjà repoussé de deux ans l'exploitation de la mine d'uranium. N'est-ce pas un prétexte de plus, cette insécurité, pour reléguer aux calendes grecques cette exploitation ?
C’est pénible de parler de cette affaire. Effectivement, selon la convention qui a été signée il y a quatre ou cinq ans, en janvier 2010, nous devions passer en phase d’exploitation. Il y a eu du retard et au moment des événements du tsunami au Japon, la partie d’Areva s’est présentée à nous pour dire que le cours de l’uranium avait chuté. Et, ce faisant, ils se trouvent maintenant face à des difficultés pour exploiter et voudraient repousser à plus tard, un, deux ans, trois ans, avant de pouvoir prétendre revenir l’exploiter. Nous y sommes. Tout cela ne sont que les arguments qui, selon nous, ne tiennent pas debout, mais cependant les négociations se poursuivent. Nous pensons que d’ici peu, nous trouverons une solution pour que cet uranium puisse être exploité une fois pour toute au profit de la population centrafricaine.
Avez-vous d'autres alternatives en ce moment ? Est-ce que vous pensez par exemple aux Chinois ?
Les Chinois ne se sont pas intéressés à l’uranium pour le moment. Bien sûr, si au cours de nos entretiens avec la partie Areva, s’il y a une possibilité, nous allons nous rapprocher des Chinois, il faut voir s’ils peuvent collaborer avec Areva pour exploiter cet uranium.
Malgré toutes vos richesses, diamant, bois, or, coton etc… la situation du pays s'améliore pas. Peut-on continuer, comme vous le faites, à tout mettre sur l'insécurité ?
L’insécurité a créé beaucoup de tort dans le pays, il faut reconnaître cela. Et ensuite, les querelles intestines et les mutineries ou autres, le passé a été lourd et pour remonter la pente, nous pensons que tous les fondamentaux sont là. Il suffit d’un peu d’oxygène. Une bouffée d’oxygène et le pays repartira et pourra peut-être même surprendre, si Dieu le veut.
NDLR : Bozizé n'a que ce tte formule de "bouffée d'oxygène" dans la bouche mais la vraie solution pour que la RCA s'en sorte est son départ de la tête du pays car c'est lui la source de tous les maux. Tant qu'il sera là, aucune bouffée d'oxygène ne pourrait constituer la solution car le sens de prédation qui caractérise son régime est tellement dévastateur qu'une seule bouffée d'oxygène ne suffira point.