«Quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit par se lever»[1]
L’Eglise catholique de Centrafrique vient de traverser une période sombre de son histoire. Un virus émanant de son sein a été cause de son malheur. Des écrits anonymes visant à ternir l’image des uns et des autres, des lettres ouvertes et tapageuses, des articles de presse et beaucoup d’autres facteurs ont contribué à assombrir l’image de cette Eglise qui n’a plus de place dans certains milieux. Beaucoup de fidèles sont désemparés et déconcertés. Mais «quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit par se lever».
Ce fut le 14 mai 2012 que la nouvelle surprise a été annoncée dans un communiqué du Saint-Siège et reprise peu après par la radio Notre-Dame de Bangui. Sa Sainteté le pape Benoît XVI vient de nommer quatre nouveaux évêques pour l’Eglise locale de Centrafrique. Il s’agit de:
- Mgr Dieudonné Nzapalainga, spiritain centrafricain, qui était jusqu’alors administrateur apostolique de Bangui, est nommé archevêque métropolitain de la capitale, Bangui;
- Mgr Denis Kofi Agbenyadzi, ghanéen, de la Société des Missions Africaines, qui était jusqu’alors supérieur régional des Pères de la Société, est nommé évêque de Berbérati;
- Mgr Désiré Nongo-Aziagbia, centrafricain, de la Société des Missions Africaines, qui était jusqu’alors supérieur des Pères de la Société d’Haguenau à Strasbourg, est nommé évêque du diocèse de Bossangoa;
- Mgr Cyr-Nestor Yapaupa, prêtre diocésain centrafricain, qui était jusqu’alors vicaire général d’Alindao, est nommé évêque coadjuteur du diocèse d’Alindao.
En Centrafrique et dans la diaspora, la nouvelle a été diversement accueillie. Pour les uns, c’est l’indifférence. Les évènements douloureux, vécus durant la période de la crise, ont laissé des traces tellement profondes qu’il faut du temps pour tourner la page. Qu’il faille, peut être, organiser au préalable une assise ou mieux un synode national de l’Eglise catholique en Centrafrique où prendraient part tous les membres ecclésiaux, à savoir évêques, clercs, religieux et religieuses, laïcs. Cette plateforme donnerait lieu à une analyse et une relecture de la crise qui perdure, l’évaluer en dégageant les côtés négatifs et les côtés positifs, puis formuler ensemble des recommandations pour l’avenir de l’Eglise en Centrafrique. Cette étape nécessaire pourrait déboucher sur la célébration de la réconciliation sincère et vraie, condition sine qua non pour une paix durable. Après quoi, l’Eglise reprendrait son chemin de foi sur la base de relation nouvelle entre ses divers membres. Pour d’autres, c’est une attitude de réserve. Ils préfèrent pour l’instant être sur la touche et observer le changement avant de prendre position plus tard, au moment venu. Un adage populaire le dit à point nommé: «Quand on n’a pas encore fini de traverser la rivière, on ne dit pas que le crocodile a le nez bossu». Pour d’autres encore, la joie est au comble. C’est l’occasion de proclamer comme la Vierge Marie: «Mon âme exalte le seigneur et mon cœur exulte de joie en Dieu mon sauveur…»[2]. Le Seigneur s’est penché sur L’Eglise de Centrafrique pour la relever. Après ces moments d’angoisse et de désespoir, un jour nouveau se lève. Il convient d’implorer la grâce de Dieu sur ces nominations, Lui demander de combler des grâces nécessaires les évêques, les prêtres, le peuple chrétien afin de bâtir, ensemble, la main dans la main, une Eglise-Famille de Dieu en Centrafrique, avec toute la vitalité et tout le dynamisme propre aux Eglises d’Afrique.
Toutefois, quelle que soit la prise de position de chacun, une réalité s’impose: l’Eglise de Centrafrique est en train de tourner une page de son histoire. Elle prend le large et tous ses membres, filles et fils de Centrafrique, missionnaires expatriés, tous sont embarqués dans le bateau. La question de fond revient à se demander: Comment allons-nous vivre ce moment crucial, ce tournant? Avons-nous pris le temps nécessaire pour évaluer le parcours suivi jusque-là? Avons-nous pris la peine de relire notre passé, les évènements qui ont préparé et façonné notre présent assez douloureux?
Les nouveaux évêques seront ordonnés le 22 juillet en la Cathédrale Notre-Dame de l’Immaculée Conception de Bangui. C’est dans cette Eglise que 74 années plus tôt, eurent lieu, le même jour, l’intronisation de Mgr Marcel Grandin, vicaire apostolique de l’Oubangui-Chari et l’ordination presbytérale du premier prêtre oubanguien, l’abbé Barthélémy Boganda. Loin de se contenter des manifestations à caractère festif, quoique nécessaires, l’Eglise de Jésus-Christ en Centrafrique a grand intérêt à vivre cet évènement dans la foi et surtout dans une prise de conscience de sa mission. Le pape Benoît XVI, dans son allocution avant la prière de l’Angelus du 20 novembre 2005, rappelle que la mission centrale de l’Eglise hier, aujourd’hui et toujours, est «annoncer le Christ et lui rendre témoignage afin que l’homme, tout homme, puisse réaliser pleinement sa vocation»[3].
Je ne saurai terminer ces quelques lignes sans évoquer le propos, combien prophétique, du premier prêtre oubanguien, l’abbé Barthélémy Boganda, lors du toast après son ordination presbytérale. On a l’impression que ce discours s’adresse à nous aujourd’hui et se conjugue parfaitement avec le contexte actuel:
Notre optimisme chrétien doit prendre le dessus et nous faire entrevoir l’avenir de l’Oubangui sous un jour serein et plein d’espoir. Un jour prochain, car il me semble entendre l’heure de Dieu sonner pour ce pays. Alors ce ne sera plus seulement un prêtre et quelques séminaristes mais deux clergés indigènes constitués qui (…) se donneront la main pour conduire leurs frères au Christ (…); tels sont les vœux que mon cœur de jeune prêtre africain forme aujourd’hui pour tout ce Pays qui m’est si cher[4].
Puisse la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, aider les fidèles de Centrafrique à accueillir le Christ comme Seigneur de leur vie pour coopérer fidèlement à l’avènement de son règne d’amour, de justice et de paix.
Abbé Célestin DOYARI DONGOMBE