De Patrick FORT
BANGUI 22 janv (AFP) — Des appels au calme ont été lancés pour les élections présidentielle et législatives de dimanche en Centrafrique, pays miné par des années d'instabilité et dont le président sortant, François Bozizé, donné favori, est accusé d'intentions de fraudes par son opposition.
La campagne électorale, qui s'est terminée dans la nuit de vendredi à samedi, s'est déroulée sans incident violent majeur, voire, selon plusieurs observateurs, "sans beaucoup de mobilisation".
Arrivé au pouvoir en 2003 par un coup d'Etat puis élu en 2005, M. Bozizé, qui a sillonné le pays, a conclu sa campagne à Bangui par un meeting dans un stade devant 4.000 à 5.000 personnes.
Se présentant comme "rassembleur", "bâtisseur" ou garant de la paix, il se montre confiant de l'emporter au premier tour, estimant que son bilan de sept ans de pouvoir est "positif" et connu du "peuple".
Ce scrutin, reporté d'avril 2010 à dimanche après de multiples négociations, doit être l'aboutissement du dialogue national amorcé en 2008 entre pouvoir, opposition et groupes rebelles après des années de violences et de multiples coups d'Etat. Mais les principaux adversaires de M. Bozizé ont mis en doute la régularité du scrutin.
L'ex-Premier ministre (2001-2003) Martin Ziguélé, seul candidat à avoir comme M. Bozizé fait campagne dans tout le pays, s'est offert un dernier meeting devant 1.000 à 2.000 personnes à Bangui.
"Depuis des mois, des fausses cartes d'électeurs circulent", accuse cet ancien assureur qui s'est forgé une réputation de bon gestionnaire.
"Si les élections sont claires, Bozizé sera battu au 1er tour. On n'acceptera pas le résultat si les élections ne sont pas claires", prévient-il.
Les listes électorales, que la commission électorale avait promis d'afficher 48 heures avant l'ouverture du scrutin, n'ont été affichées que samedi dans la matinée dans les bureaux de vote à Bangui, a constaté l'AFP.
L'ancien président Ange-Félix Patassé, renversé par M. Bozizé, a réalisé une campagne discrète mais reste selon certains observateurs son plus grand rival.
"Bozizé va frauder 10% ou 20% des voix. Ce n'est pas grave, je le battrai quand même", clame-t-il. "Les Centrafricains sont derrière moi".
Jean-Jacques Demafouth, ex-ministre de la Défense et chef d'une des principales ex-rébellions ayant signé les accords de paix, craint lui aussi la fraude et souligne le manque d'observateurs.
Autant d'accusations que balaie François Bozizé: "L'opposition nous fait tourner en rond depuis un an et demi. (...) Mes adversaires ont été au pouvoir. Le pays a été saccagé, pillé. Aujourd'hui ils se présentent comme des anges. Ils ont fait couler le sang". Il affirme même craindre "que l'opposition en perte de vitesse puisse choisir la violence en dernier réflexe".
Vendredi, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait appelé à des élections "crédibles" et au respect de leurs résultats "par tous les candidats". Samedi, le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Joseph Binguimalé, a aussi invité au calme: en cas de contestations, "que le règlement se fasse par la voie légale", a-t-il dit.
Ces "contestations", si elles n'étaient "pas gérées en toute responsabilité, peuvent créer des conditions de déstabilisation du pays", a estimé Cephas Germain Ewangui, chef de la mission des observateurs de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC).
Les résultats provisoires devraient être annoncés dans les huit jours après le scrutin, pour lequel 1,8 million d'électeurs sur 4,4 millions de Centrafricains sont appelés aux urnes.
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Infos à chaud de Bangui
1. La situation à Mbaïki était toujours tendue ce soir. Les habitants de la cité sont décidés à empêcher le vote si d'ici à demain, rien n'est fait pour corriger l'imposture.
2. Le 2ème arrondissement est en mouvement. Une rumeur annonce la présence d'urnes bourrées dans la maison du chef Gremboutou. Les jeunes du quartier ont encerclé la maison pour empêcher la sortie de ces urnes.
3. A 20h00, seulement 15% des bureaux de vote de la ville de Bangui ont reçu les listes. Au plan national, seulement 39% des centres de vote ont affiché les listes.
4. Les rumeurs persistantes de la journée ont obligé les observateurs de l'OIF, de l'UA et de la CEEAC à se déplacer dans les différents QG de campagne afin de rencontrer les candidats ou leurs états-majors et évaluer la situation.
5. De l'avis d'un observateur, il est tout simplement irresponsable de la part du pouvoir et des partis d'appeler les Centrafricains à voter dans les conditions de ce jour.
NDLR : Sans frauder, Bozizé ne pourra jamais gagner.
Le président sortant favori de la présidentielle en Centrafrique
par Paul-Marin Ngoupana
BANGUI 22 janv 2011 (Reuters) - La République centrafricaine organise dimanche des élections présidentielle et législatives, prévues à l'origine en avril, qui ont peu de chances d'apporter la stabilité à ce pays enclavé, déshérité et miné par les divisions politiques et ethniques.
Le président François Bozizé, au pouvoir depuis le coup d'Etat de 2003, apparaît comme le grand favori de la présidentielle mais pourrait ne pas s'imposer dès le premier tour.
Plusieurs centaines de candidats sont en lice pour les 105 sièges de l'Assemblée nationale.
La tenue de ces scrutins a été retardée trois fois pour des questions de financement et en raison de la difficulté à désarmer les forces rebelles qui, malgré les accords de paix, sont toujours présentes dans le nord-ouest et le nord-est du pays.
Quelque 1,8 million d'électeurs, sur une population totale de 4,6 millions d'habitants, sont appelés à se prononcer.
Les opérations de vote pourraient se heurter à des difficultés techniques, estiment des analystes, et des agents des services électoraux se sont déjà plaints de ne pas avoir été payés, mais tout devrait être fait pour que le scrutin se déroule dans des conditions acceptables.
"La communauté internationale ne veut pas la pagaille (...) On s'attend à ce que Bozizé l'emporte avec une avance confortable", a dit Ned Dalby, du cercle de réflexion Crisis Group.
CINQ CANDIDATS À LA PRESIDENTIELLE
Cinq candidats briguent la présidence. Les principaux adversaires du chef de l'Etat sortant sont Ange-Félix Patassé - ancien président chassé par Bozizé et rentré d'exil - ainsi que Martin Ziguélé, qui avait été Premier ministre de Patassé.
Si nécessaire, un second tour aura lieu en mars.
"Lors de la dernière élection en 2005, nous pensions l'emporter dès le premier tour et nous avons dû mettre les bouchées doubles pour battre Ziguélé", a confié un Reuters un ancien membre du gouvernement Bozizé, qui a requis l'anonymat.
"Cette fois encore, ce ne sera pas facile pour Bozizé", a-t-il ajouté.
Il y a cinq ans, Bozizé avait battu Ziguélé avec 67% des voix.
En août dernier, Bangui a demandé au Conseil de sécurité de l'Onu de l'aider à faire face aux rébellions, au banditisme et aux conflits interethniques qui touchent le pays.
Plusieurs groupes rebelles, dont les Ougandais de la redoutable Armée de résistance du Seigneur (LRA), sont actifs dans le nord et l'est de la Centrafrique.
La Minurcat, la force de l'Onu, s'est retirée du pays à la fin de l'an dernier mais un contingent africain reste sur place pour aider les forces gouvernementales.
La République centrafricaine, dont le sous-sol est riche en or, en diamants et en uranium, reste dans un état de grande pauvreté. Le pays, l'un des plus isolés d'Afrique, fait face à plusieurs rébellions intérieures et a en outre été entraîné dans des conflits régionaux où étaient impliqués le Soudan, le Tchad et la République démocratique du Congo (RDC).
Environ 200.000 civils vivent aujourd'hui dans la brousse pour éviter les zones de conflit.
Avec David Lewis, Guy Kerivel pour le service français