Le processus électoral en Centrafrique est à la croisée des chemins. Il faut que les Centrafricains patriotes et démocrates en prennent bien conscience. C’est à tort que certains compatriotes critiquent sans ménagement l’opposition en croyant qu’elle serait responsable de la situation actuelle. Il n’y a pas une autre alternative. Il ne faut pas se méprendre sur les véritables enjeux de ces élections. Ou bien elles élections se tiendront lorsque les conditions préalables minimales auront été réunies et cela se fera largement après la fin du mandat constitutionnel de Bozizé, ou bien elles ont lieu aux dates arbitrairement et unilatéralement fixées par Bozizé dans les conditions chaotiques actuelles.
C’est à dire sans listes électorales fiables puisque la CEI sous l’instigation de l’incompétent et corrompu Binguimalé se refuse à procéder à un recensement électoral digne de ce nom, sans que les nombreuses rébellions qui pullulent dans le pays soient démobilisées et désarmées etc…et c’est la catastrophe. Bozizé rempilera pour encore cinq années supplémentaires avec la perspective qu’il caresse déjà de procéder à la révision par voie parlementaire de la constitution actuelle qui interdit un troisième mandat à la même personne. Autrement dit, les Centrafricains se le farciront jusqu’à plus soif et probablement se paieront ensuite pourquoi pas son fils Jean Francis comme on le dit. Ce n’est pas une hypothèse d’école mais un cas de figure hautement probable.
Si les élections se déroulent le 18 mai ou le 6 juin comme on prête encore à Bozizé l’intention de faire un énième report, il faut savoir que ce ne sera pas des élections transparentes, ni démocratiques ni crédibles. Les bailleurs de fonds de la communauté internationale qui ont pourtant donné leur accord pour les financer et ont toujours souhaité ouvertement sans être entendus, et avec raison, le report de ces élections. Ils n’enverront pas d’observateurs et d’autres mesures désagréables pour le régime et le pays suivront également si Bozizé s’entête à organiser coûte que coûte que les élections aux dates arbitraires qu’il a retenues dans le désordre et conditions chaotiques actuelles.
La question ne se pose pas de savoir si l’opposition est prête à aller aux urnes ou pas. Bien d’exemples en Afrique ont montré que si l’opposition ne veille pas bien à ce que les conditions minimales préalables à la tenue d’élections transparentes et crédibles soient réunies, en acceptant de prendre part aux élections généralement organisées sur les conditions des pouvoirs en place, elle ne fera que légitimer la réélection des potentats qu’elle cherche à remplacer. Il en a été ainsi des récentes élections au Gabon et au Togo.
Les oppositions dans ces deux pays ont été bêtement piégés non seulement par le mode de scrutin à un seul tour institué pour d’évidentes raisons politiciennes afin d’empêcher une union sacrée de l’opposition au second tour contre eux par les défunts présidents Omar Bongo Ondimba et Gnassingbé Eyadéma, mais n’ont pas été fichus de s’unir derrière un candidat unique. On connaît la suite. Il ne sert donc à rien de se presser pour accompagner les tyrans qui se portent candidats à leur succession dans l’espoir qu’ils rempileront inévitablement grâce aux techniques de fraudes électorales de plus en plus sophistiquées qu’ils ne cessent de mettre au point au gré des scrutins.
Pour une fois que l’opposition centrafricaine essaie de tirer leçon de la mauvaise expérience et de l’infortune de celle d’autres pays frères, on doit non seulement la féliciter mais l’encourager à persévérer dans la vigilance dont elle fait présentement preuve vis à vis des manœuvres machiavéliques de Bozizé. Celui-ci dispose non seulement d’un plan précis de hold-up électoral mais aussi de quelques individus patentés tels que le vrai faux pasteur Joseph Binguimalé chargés de le réaliser.
Avant que certains cherchent inutilement à polémiquer avec l’opposition en lui reprochant de n’être pas prêt à aller aux urnes et de se cacher derrière son petit doigt, ils doivent se poser une seule question. Peut-t-on faire des élections sans listes électorales ou sans que le corps électoral soit défini ? Or c’est le cas actuellement avec les cafouillages et tâtonnements de Binguimalé à la tête de la CEI. Peut-t-on sérieusement faire des élections avec seulement la moitié de la population et du territoire national actuellement occupée par des rébellions ? Ces questions sont incontournables et doivent être obligatoirement résolues avant qu’on parle d’élections. En faire un préalable n’est pas craindre d’aller aux urnes. C’est tout simplement vouloir que les élections ne puissent pas être discréditées et considérées après leur tenue comme une simple mascarade ou donner lieu à des contestations susceptibles d’aggraver la fragile situation.