Dans son interview à l’hebdomadaire jeune Afrique qui vient de paraître cette semaine, le président tchadien Idriss Déby relance la controverse sur les circonstances de la disparition ou plutôt de la mort plus que probable du colonel Charles Massi. Il relate pour se dédouaner lui, la version que Bozizé a donnée à sa demande, sur la disparition de l’ex patron de la rébellion de la CPJP, aux chefs d’Etat des pays de la CEMAC réunis au sommet de cette organisation à la mi-janvier dernier à Bangui. Le président tchadien affirme clairement à Jeune Afrique : « je n’ai rien à voir avec l’enlèvement et le massacre de Charles Massi ».
En revanche, à la question qui lui a été posée de savoir si c’est lui qui a extradé ou livré Massi à Bozizé, voici la réponse d’Idriss Déby : « Charles Massi s’est effectivement rendu à N’Djamena et je l’ai reçu, avec l’accord du président Bozizé. Je l’ai encouragé à rentrer en Centrafrique pour participer au processus électoral, mais il voulait également la garantie du président du Congo, Sassou Nguesso. J’ai contacté ce dernier, qui a accepté de le recevoir en présence du président Bozizé. J’ai donc revu Massi et je lui ai fait remettre un billet d’avion pour Brazzaville. Nous étions alors tout début janvier, peu avant le sommet de la CÉMAC à Bangui. Mais Charles Massi a profité de l’escale de Douala pour disparaître, et réapparaître quelques jours plus tard à la tête de ses hommes à la frontière tchado-centrafricaine, où il a été tué au cours d’un accrochage avec l’armée. C’est du moins ce que nous a dit le président Bozizé lors du compte rendu qu’il a fait à ma demande devant les chefs d’État, en marge du sommet de Bangui, le 16 janvier ».
La version qu’a fournie Bozizé devant ses pairs de la CEMAC selon laquelle Charles Massi aurait été tué au cours d’un accrochage avec l’armée centrafricaine n’est pas la même que celle qu’il a donnée publiquement le 30 janvier lors d’une rencontre avec les partis politiques en présence du corps diplomatique. En marge du sommet de l’UA à Addis-Abeba fin janvier, répondant aux questions de l’envoyé spécial de Radio France Internationale de savoir s'il savait si le chef rebelle était mort ou en vie, Bozizé avait répondu "Je ne sais pas". Et lorsque le journaliste a rappelé que selon l'épouse de Charles Massi, (elle-même décédée au mois de mars dernier), l'ex-ministre est décédé, François Bozizé a commenté, excédé: "Son épouse est peut-être mieux placée". Le président centrafricain a également qualifié d'"inventions" les informations de Denise Massi et du parti de Charles Massi selon lesquelles le chef rebelle a été arrêté le 19 décembre en territoire tchadien puis remis fin décembre par N'Djamena à Bangui.
Le fait que pour la disparition de la même et seule personne Bozizé donne plusieurs versions différentes selon la qualité de ses interlocuteurs, est le signe évident de son profond embarras face au sort fait à son ancien ministre d’Etat. Si Charles Massi a été tué par les Faca comme il l’a déclaré devant ses homologues présidents de la CEMAC, on doit pouvoir remonter la chaîne de commandement du détachement Faca qui combattait contre le groupe de Charles Massi lorsqu’il a trouvé la mort. On devrait être en mesure de savoir où, quand, comment et par qui il a été tué. Or jusqu’aujourd’hui, le mystère reste entier et Bozizé continue de se murer dans un silence assourdissant. Même vis à vis des autorités françaises au plus haut niveau qui cherchent à connaître la vérité sur cette affaire, il joue au chat et à la souris.
Maintenant que le président tchadien vient par ses propos de relancer l’affaire Massi, Bozizé ne continuera pas indéfiniment à se taire ni à se retrancher derrière d'autres. La mort d’un homme pèse toujours sur la conscience de l’assassin et hantera ad vitam aeternam ses nuits. Idriss Déby qui a déjà suffisamment d'ennuis chez lui et aussi en France puisque les députés s'en mêlent, avec l'affaire de la disparition de son opposant Ibni Omar Mahamat Saleh qui continue de lui empoisonner la vie, n'a pas du tout besoin ni envie qu'on lui fasse encore porter le chapeau d'une autre disparition d'opposant, cette fois-ci imputable à Bozizé de Centrafrique.