
Une dizaine de hauts cadres de la banque centrale figure sur la liste établie par un comité d'audit. Les révélations faites dans l'enquête exclusive publiée hier, lundi 14 septembre, par l'hebdomadaire Jeune Afrique et dont quelques éléments ont été repris, au même moment, dans ces mêmes colonnes éclaboussent plusieurs hauts responsables de la Banque centrale des Etats de la Cemac.
Pour arriver au détournement total estimé
à plus de 19 milliards de francs Cfa au niveau du Bureau extérieur de Paris (Bep), c'est un vrai
réseau qui aurait fonctionné. Car, les forfaits étaient pourtant connus de tous, depuis quelques années. Et les cercles dirigeants, bien au courant de ce scandale, ont observé un mutisme
complice. Le journal soutient par exemple que "dès avril 2004, une mission d'enquête interne dénonçait les
insuffisances et les dysfonctionnements inquiétants du Bureau extérieur de Paris, sans que son rapport remis au gouverneur de l'époque, le Gabonais Jean Félix Mamalépot, ne soit suivi
d'effets".
Après une plainte qui a finalement été déposée contre X à la brigade des fraudes de la préfecture de Paris, via le cabinet d'avocats français Feneon spécialisé dans les contentieux, le recouvrement et les procédures en Afrique par le successeur de Mamalépot, le conseil d'administration de la Beac réuni à Bata en Guinée Equatoriale se saisit enfin du dossier, sous la pression, apprend-on, du président de Guinée Equatoriale, Obiang Nguema. Le rapport du comité d'audit, présidé par le Directeur du Budget de Guinée Equatoriale, Miguel Egonga Obiang, et composé de sept membres, est accablant et précis sur les responsabilités des uns et des autres. A la tête de ce réseau, on cite Armand Brice Ndzamba. Comptable du bureau extérieur de Paris, ce Gabonais de 43 ans est présenté comme " l'homme clé de l'affaire" (Voir article ci-dessous). Le Camerounais Roger Kemadjou purge actuellement, quant à lui, une suspension. Délégué du gouverneur entre 1998 et 2008, puis directeur adjoint aux relations internationales de la Beac à Yaoundé, ce cadre, jure t-il, n'était " au courant de rien ". Selon les missions d'enquête, Roger Kemadjou aurait bénéficié de quelques chèques et virements frauduleux pour un montant de 14.000 euros, soit environ 10 millions de francs Cfa. Ce qu'il ne reconnaît cependant pas, selon le rapport d'enquête de la Beac.
Approvisionnements massifs
L'adjoint de Kemadjou, le Centrafricain Gaston
Sembo-Backonly aurait quant à lui bénéficié de chèques frauduleux pour un montant de 139.000 euros (environ 92 millions de francs Cfa). En termes de plaidoirie, ce cadre qui vit dans la
région parisienne parle de " machination ". Il " implore la compréhension " du conseil de discipline. La
filière gabonaise se poursuit avec Maurice Moutsinga. Directeur de la comptabilité et du contrôle budgétaire au siège de la Beac à Yaoundé de 2000 à
décembre 2007 et en retraite depuis, la commission d'enquête le considère "comme professionnellement responsable
des fausses informations comptables entretenues dans les comptes de la banque sur la période en revue ", ainsi que " des opérations de régularisation tendancieuses offrant à M. Ndzamba l'occasion de valider ces irrégularités ". Sur le plan personnel, il aurait bénéficié
de chèques frauduleux pour un montant minimal de 54.000 euros (soit 36 millions de francs Cfa).
Il aurait par ailleurs passé directement des commandes aux sociétés Ruby Export et Smartrade Company alors qu'il n'était pas sans savoir l'identité de leur générant, Armand Ndzamba. Le Congolais Rigobert Roger Andely, ancien ministre des Finances et vice gouverneur de la Beac depuis 2005 partage, selon le rapport qui ne donne aucun montant de détournement en sa faveur, " les mêmes responsabilité s que le gouverneur ". Il figure donc aux côtés de Mamalépot et Andzembe sur la liste des personnalités qui devront être interrogées par le comité d'audit. Quant aux deux gouverneurs, il reste sur la sellette. Jean Félix Mamalépot n'aurait rien profité des détournements, mais il aurait été aveugle et sans doute obéissant. Quant à Philibert Andzembe, il aurait fait preuve de légèreté. L'un des inspecteurs membres des missions d'enquêtes, le Tchadien Jacob Bertmendara, évoque les blocages et les obstructions émanant selon lui du gouverneur de la banque afin de limiter le champ de ses investigations.
Mutations Lazare Kolyang 15 Septembre 2009