
03/09/2009 à 00h00 Libération (Analyse) Par THOMAS HOFNUNG
Les Kabila, les Gnassingbé, et demain les Bongo ? Après le multipartisme, le continent s’en remet à la
filiation
Premier, deuxième ou troisième ? Le résultat d’Ali Bongo, le fils de feu Omar, resté au pouvoir durant quarante-et-un ans à Libreville, a focalisé toutes les attentions lors de
la présidentielle au Gabon. S’il s’imposait - par les urnes ou par la force - dans cette ancienne colonie française, cet homme trapu et massif viendrait renforcer le camp des successions
dynastiques sur le continent noir. S’il perdait - et acceptait sa défaite -, son échec donnerait, à l’inverse, un coup d’arrêt à un phénomène qui apparaît, à certains égards, comme la maladie
infantile du multipartisme en Afrique.
«Greffe». «Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle a dû expérimenter des systèmes importés et que, parfois, la greffe n’a pas pris»,
analyse Jean-Paul Ngoupandé, ancien Premier ministre de Centrafrique, faisant allusion à des pays où la
compétition, matinée d’ethnicisme, a dégénéré en conflits sanglants, notamment en Afrique de l’Ouest. La fin du parti unique, quand elle se conjugue avec le dénouement du long règne d’un
dirigeant, apparaît aussi comme un moment des plus périlleux. Le déclin du maréchal Mobutu au Congo-Zaïre a ainsi débouché sur des années de guerre.Après les indépendances, acquises au début des années 60 dans l’ancien «précarré» colonial français, nombre de pays ont
connu soit une période d’instabilité chronique (comme au Niger) soit, au contraire, le long règne d’un seul homme (Houphouët-Boigny en Côte-d’Ivoire, Omar Bongo au Gabon ou
Gnassingbé Eyadéma au Togo). Mais, après la chute du mur de Berlin, tous ont dû accepter, bon gré mal gré, l’instauration du multipartisme.
C’est dans ce pays, rebaptisé république démocratique du Congo, que l’Afrique subsaharienne a expérimenté sa
première succession dynastique. En 2001, le tombeur de Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, est assassiné. Aussitôt, son fils Joseph, illustre inconnu, assure l’intérim. Une
promotion validée par les urnes que bien plus tard, en 2006, avec la bénédiction de la communauté internationale. En 2005, le fils d’Eyadéma, Faure Gnassingbé, a été propulsé dans le sang
à la tête du Togo par son clan, désireux de préserver ses avantages acquis. Dans d’autres pays, comme en Libye ou au Sénégal, les dirigeants actuels ont mis sur orbite leurs rejetons. A Tripoli,
Seif el-Islam (37 ans) et Saadi (36 ans) tiennent la corde. A Dakar, malgré un échec retentissant lors des dernières municipales, Karim Wade s’est vu confier un
super ministère par son père de président.
«Fierté». Nommé à la Défense par son père en 1999, Ali Bongo a eu le temps de se préparer à prendre les rênes. Mais, note Jean-Paul Ngoupandé, «la
longévité de son père, synonyme de stabilité, a créé un sentiment national fort, une vraie fierté d’être gabonais». Paradoxalement, cette fierté pourrait se retourner contre son fils,
les Gabonais refusant une dérive monarchique dans leur pays.