
Le député MLPC de Paoua 1, Joseph Zoukétia Boykota, revient dans cette interview qu'il a accordée
à notre confrère du quotidien Le Confident du 20 août, sur l'incroyable imposture et le détournement par le pouvoir KNK de Bozizé, de la fête nationale du 13 août 2009 qui s'est
déroulée cette année dans la ville martyre de Paoua.
« A PAOUA CE N’ETAIT PAS UNE FETE NATIONALE, MAIS C’ETAIT LA FETE DU KNK», DIXIT L’HONORABLE J. BOYKOTA
ZOUKETIA
Le Confident : Vous avez participé aux festivités marquant le 49e anniversaire de l’indépendance de la RCA à
Paoua, votre région d’origine. Comment avez-vous trouvé cette ville?
Joseph Boykota Zouketia
Le processus du Désarmement Démobilisation Reconversion (DDR) a été lancé par le président de la
République à Paoua. Quel est votre sentiment ?
Le sentiment que je ressens est celui du parti auquel j’appartiens, le Mouvement de Libération du Peuple
Centrafricain (MLPC). Il faut donc cesser avec des effets d’annonce. Donc, ce que la population, c’est la mise en œuvre immédiate du processus du DDR. Toute la région demande également des
élections justes et transparentes en 2010. Voilà le sentiment qui habite la population de l’Ouham-Pendé en général et de Paoua en particulier
Croyez vous en l’aboutissement du DDR avant les élections de 2010 ?
Vous conviendrez avec moi que nous avons fini le DPI depuis le 20 décembre 2008. Nous sommes aujourd’hui en août
2009. Il a fallu beaucoup de pressions pour que l’on nous présente un bout de toile à Paoua qui a circulé devant la foule pour nous dire que c’est cela le lancement du DDR.
Et si cela n’aboutissait pas ?
Moi, je suis à la limite comme saint Thomas. Pour que les rebelles déposent les armes, il faut mettre en
œuvre immédiatement le processus DDR et cela sans à-coups. Au rythme où l’on est en train d’aller, j’ai l’impression que l’on veut traîner les pas pour les raisons que personne ne
sait.
En
tant que Député, quelle sera votre contribution au DDR ?
Nous avons en son temps pris nos responsabilités, les députés de Paoua et également les autres députés des
zones qui ont connu des rebellions. Sous l’initiative des députés de Paoua, nous avons écrit, fin avril, au Pnud pour lui demander de faire impliquer absolument les députés des zones de troubles
dans ce processus pour que la paix revienne effectivement dans notre pays. Nous étions une trentaine de députés à entreprendre ces démarches.
Nous avons constaté que le KNK est en train de gagner considérablement du terrain dans l’Ouham-Pendé, votre
bastion. Êtes-vous inquiété ?
Pendant le défilé qui a duré pratiquement deux heures, c’était vraiment à rire ou à pleurer. Parce que
comment comprendre que des banderoles de 12 mètres soient traînées par des enfants de 8 à 12 ans quand on sait qu’il a plu ce jour là. Et vous avez vu la peine que ces enfants ont eu à traîner
lesdites banderoles. Ce qui a écœuré les invités, ce sont nos mamans que je respecte d’ailleurs beaucoup qui ont été transportées dans des camions entiers de Bangui à Paoua pour le besoin de la
cause. Pour revenir sur les banderoles, il y avait derrière celles-ci quatre à six personnes et cela a duré des heures. Même les compatriotes de la majorité présidentielle en sont agacés. Celui
qui a trouvé le plaisir à applaudir, c’était le président Bozizé lui-même. La population a vite compris. La foule qui était devant les tribunes n’avait pas applaudi, parce que le 13 août est la
date de proclamation de l’indépendance de notre pays et non la fête du KNK. La population centrafricaine comprend pourquoi, à chaque occasion, le président Bozizé demandait à la foule d’acclamer
comme si celle-ci avait les yeux fermés. A Paoua, ce n’était pas une fête nationale, mais c’était la fête du KNK. La confusion était grande.
Certaines langues disent que vous vous êtes levé à la tribune pour ovationner le KNK. Est-ce un fair-play politique ?
C’est le griot de la Radio Centrafrique qui animait le défilé, un certain Zama du KNK qui a lancé cette
contrevérité. Je profite également de cette occasion pour m’élever contre les images de la cérémonie qui ont été totalement falsifiées et tronquées à la télévision nationale.
Hormis le KNK et le MLPC, d’autres partis politiques, pourtant présents à Paoua, n’ont
pas pu défiler ?
J’ai vu la représentante du FPP et les représentants d’autres partis mobiliser leurs militants. Et ils étaient
assez nombreux. Des vrais militants qui étaient vénus célébrer l’anniversaire de l’Indépendance aux côtés de leurs compatriotes de Paoua, ville martyre. Ils étaient bien vêtus et voulaient
manifester aux côtés de leurs compatriotes. On les en a empêchés. Il n’y a que les organisateurs pour nous donner des explications à ce sujet.
Le
Chef de l’Etat François Bozize a accusé la population de l’Ouham-Pendé d’être l’auteur des destructions des infrastructures de cette région. Votre commentaire.
Mon commentaire reste le même. Nous avons connu des rebellions sur la partie Nord de notre pays d’Octobre 2002 à
aujourd’hui. Et nous savons par qui les rebellions sont arrivées chez nous. Celui là nous a amené des zaghawas tchadiens. Ils ont détruit les projets Drop, Acadop, les usines de Pendé, de
N’Dim et l’hôpital de Paoua. On a remué le couteau dans la plaie. Et la population a vite compris et personne n’a applaudi. Tout le monde était furieux.
Le président Bozizé vous a reproché de ne pas être aux côtés de la population de Paoua
aux moments douloureux.
Le président Bozizé n’a jamais été député. Moi qui vous parle, je ne pouvais pas rentrer à Paoua pendant les
crises politico-militaires. Nous avons réussi grâce à nos luttes multiformes engagées avec l’UFVN à imposer le DPI. C’est après le dialogue que la tension a baissé quelque peu et immédiatement
nous nous sommes rendus dans nos circonscriptions électorales. Ce n’est pas parce qu’on envoie deux ou trois camions des vivres, fruits d’une coopération internationale aux populations d’une
région que l’on doit traiter les élus locaux d’irresponsables.
Comment cela ?
Écoutez, la population de l’Ouham-Pendé avait besoin des vivres en urgence en 2006 lorsque la guerre faisait
rage. Mais le gouvernement s’était désengagé. Et pourtant, le président avait un avion Hercule C130. Cette population s’est battue avec l’aide des organisations internationales pour refaire sa
vie. Et aujourd’hui, pour besoin de campagne, le président Bozizé envoie du riz, fruit de la coopération internationale et des pagnes à son effigie comme pour narguer la population de
l’Ouham-Pendé. D’ailleurs, cette population consomme plus de mil que de riz. Et elle est connue pour être le grenier de la RCA. Paoua n’a pas besoin de poisson mais plutôt de la canne et des
filets pour pêcher lui-même.
La population de Paoua et ses environs se plaignent des exactions, vols et rackets qu’elle subit de la part de
certains éléments de l’APRD, notamment la bande à Doumro. En tant que député, êtes-vous rapproché de l’APRD pour en discuter ?
Nous travaillons à cela depuis la fin du dialogue politique inclusif pour la recherche des solutions mais
tout dépendra du processus DDR. Dans ce processus, d’aucuns cherchent les intérêts égoïstes et personnels au détriment de la population qui souffre.
Qu’entendez-vous par ses intérêts personnels ?
Mais d’autres veulent maintenir la région dans les troubles pour dit-on, tirer profit lors des échéances
futures.
Votre mot de la fin.
Je suis très heureux de ce que les militants du MLPC n’ont pas raté l’occasion. Ils ont exigé sur plusieurs
banderoles la mise en œuvre du DDR, contrairement à la petite toile qu’on a présentée aux gens comme si le processus du DDR avait besoin de ce spectacle nauséabond. La population attend les
élections libres, transparentes, justes et équitables en 2010. Un adage de chez nous dit et je cite: « le pire des traitements qu’on peut infliger à un homme, c’est de l’empêcher de se
mettre en colère ». La population qui nous suit, qui nous observe et qui souffre aujourd’hui en avisera.
Jeudi 20 Août 2009
Propos recueillis par Chantal Bangui
Source : http://www.leconfident.net
: Les festivités se sont déroulées dans la ville de Paoua. La ville qui a été martyrisée par la plupart des régimes qui se sont succédé et surtout par le régime du président Bozizé. Et donc, j’ai trouvé Paoua martyrisée depuis le 15 mars 2003 et tous ceux qui y ont été ont pu constater avec moi ce que la population a fait comme effort pour le déroulement de ces festivités pendant deux jours.