Officiel le président gabonais est mort en Espagne
TANGUY BERTHEMET Le Figaro.fr
08/06/2009 | Mise à jour : 19:37
Dans un communiqué, le premier ministre gabonais, Jean Eyeghe Ndong, a mis fin lundi aux supputations et aux rumeurs qui avaient émaillé les dernières heures d'Omar Bongo : «À 14 h 30, l'équipe médicale m'a informé, ainsi que les membres de la famille présents, que le président de la République, venait de rendre l'âme.» Le texte ne donne aucune autre précision sur les raisons du décès d'Omar Bongo, 73 ans, qui sera resté hospitalisé près d'un mois dans l'unité de soins intensifs d'une clinique de Barcelone. Selon une source française, Omar Bongo souffrait d'un cancer intestinal qui était entré dans sa phase terminale.
Le président français a aussitôt exprimé sa «tristesse et son émotion», assurant
que la France était «dans cette épreuve aux côtés du Gabon, de ses institutions et de son peuple». «C'est un grand et fidèle ami de la France qui nous a quittés, une haute figure de l'Afrique et
un chef d'Etat qui avait su gagner l'estime et le respect de l'ensemble de ses pairs, notamment par ses nombreuses initiatives en faveur de la paix sur le continent africain», indique le
communiqué de l'Elysée.
Au pouvoir depuis quarante et un ans, l'indéboulonnable président gabonais avait brusquement fait savoir le 6 mai,
qu'il «suspendait momentanément» ses activités, laissant la gestion des affaires courantes au gouvernement. La situation totalement inédite avait sonné comme un aveu de la gravité de la maladie
et semé l'inquiétude. L'officialisation de la fin du président a immédiatement vidé les rues de Libreville, les Gabonais se terrant chez eux effrayés par l'avenir incertain qui se dessine. Lundi
soir, le Gabon a ordonné la fermeture des frontières. Car prendre la suite d'Omar Bongo sera délicat. Président omnipotent, clé de voûte d'un système complexe construit autour de clans rivaux et
d'allégeances forcées ou intéressées, l'homme ne laisse aucun dauphin désigné.
Le premier cercle, la famille, est sans doute le mieux placé pour succéder au défunt doyen, à commencer par son
fils Ali. Allié au ministre de l'Intérieur André Mba Obame, Ali Bongo, 50 ans, dirige le stratégique ministère de la Défense depuis dix ans. Il peut compter par ailleurs sur des appuis dans le
très puissant Parti démocratique gabonais (PDG). En dépit de ces atouts, la voie n'est pas totalement ouverte à l'héritier. Le 20 mai dernier, une tentative menée par les
« rénovateurs » pour le faire élire à la tête du PDG aurait d'ailleurs échoué.
Démarche dynastique
Le noyau familial compte un autre prétendant, Paul Toungui, nouveau chef de la diplomatie, mais surtout compagnon de la fille aînée d'Omar Bongo, Pascaline, directrice du cabinet du chef de l'État et grand argentier du régime. Ali Bongo, doit par ailleurs faire face à une certaine hostilité de la population, qui lui reproche son éducation française et sa mauvaise maîtrise des langues locales. Et, nombre de diplomates se montrent peu enthousiastes à l'idée de cette démarche presque monarchique.
Il lui faudra également faire face à l'entrée en lice, des « opposants » historiques, comme Pierre
Mamboundou ou Zacharie Myboto, qui ont fini par rejoindre la galaxie Bongo. La mort du chef devrait raviver leurs ambitions en berne. Une ambition qui pourrait également naître chez les barons du
régime. Ainsi, le général Idriss Ngari, 63 ans, ostracisé ces dernières années, possède toujours des amis dans la vieille garde du PDG et dans l'armée qu'il a très longuement dirigée. La mort du
président gabonais pourrait aussi sonner le réveil d'un certain nationalisme des Fangs, l'ethnie dominante du Gabon, auxquels le pouvoir échappe depuis plus de quatre
décennies.
Gabon une difficile
succession
LIBREVILLE (AFP) - lundi 08 juin 2009 - 18h42 - Absence de dauphin désigné et d'opposants crédibles, volonté de la famille Bongo de conserver le pouvoir, équilibres ethniques à
préserver: la succession à la tête du Gabon du président Omar Bongo Ondimba, après un règne de 41 ans, s'annonce complexe.
Ali Ben Bongo
Le nom le plus cité est celui d'Ali Ben Bongo, fils du président, 50 ans, ministre de la Défense. Des observateurs disent qu'il a été nommé à ce poste stratégique par son père en 1999 pour éviter
tout coup d'Etat mais aussi pour le placer en vue de la succession.
Ses atouts sont
nombreux.
Ancien ministre des Affaires étrangères, il est en bons termes avec Paris.
Il s'est aussi imposé comme un poids lourd du Parti démocratique gabonais (PDG),
l'ex-parti unique fondé par son père, toujours ultra-majoritaire. Avec son ami André Mba Obame, ministre de l'Intérieur, Ali Bongo dirige le courant des "réformateurs" du PDG.
général Idriss Ngari
Considérés comme de jeunes loups aux dents longues, les deux hommes se heurtent notamment aux "caciques"
du parti. Parmi eux, Idriss Ngari, un baron du régime de 60 ans, ministre de la Santé après avoir notamment été à la Défense. Certains prêtent au général Ngari des ambitions personnelles qui
seraient bien accueillies par une frange du PDG.
D'autant qu'Ali Bongo a plusieurs handicaps à surmonter. Son père ne l'a jamais
officiellement désigné comme dauphin, et surtout il est souvent considéré comme "un étranger" par l'homme de la rue.
Né au Congo-Brazzaville, élevé en France, il parle mal les langues locales et la
rumeur le présente parfois comme un "Biafrais" adopté par le président Bongo lors d'un voyage au Nigeria
en pleine guerre du Biafra.
Une rumeur qui persiste malgré ses démentis. "Certains prétendent que je serais Nigérian" mais ils
"connaissent mal l'Histoire", affirme-t-il. Et de rappeler que la guerre du Biafra a commencé en 1967. A
cette date, "j'ai déjà 8 ans. Je n'ai rien à prouver, je sais qui je suis".
Au sein du clan Bongo, un autre candidat pourrait entrer en lice, au risque de
divisions familiales, en la personne de Paul Toungui.
Chef de la diplomatie après avoir été ministre de l'Economie, il est marié à Pascaline Bongo, la fille aînée et directrice du cabinet du chef de l'Etat. C'est elle qui gère les affaires
familiales. M. Toungui ne portant pas le nom de Bongo, il est moins exposé aux critiques contre une succession "monarchique".
Pierre Mamboundou
Les opposants Pierre Mamboundou ou Zacharie Myboto, ainsi que Paul Mba Abessole, désormais rallié au pouvoir, se voient aussi un destin national, et leurs partis ont déjà commencé à se mobiliser
pour un éventuel scrutin.
Mais leurs compromissions avec le régime ont entaché leur crédibilité en vue d'une présidentielle, théoriquement organisée dans les 45 jours qui suivent le décès du chef de l'Etat.
Encore faut-il que la voie constitutionnelle soit suivie.
Selon une source proche de la présidence, un consensus pourrait se dégager, y
compris au sein de l'opposition, pour organiser une transition jusqu'à la fin du mandat entamé par Omar Bongo, en 2012.
Tout ne se joue pas uniquement sur le plan politique, souligne en outre un haut
fonctionnaire sous couvert de l'anonymat: le président Bongo avait mis en place un savant équilibre ethnique pour la répartition des pouvoirs.
"Il était le garant du système. Sans lui, chaque ethnie va revenir à une défense de ses intérêts propres",
estime-t-il.
"Les Fangs (la majorité relative dans le pays) voudront le pouvoir", prédit ce connaisseur de la politique gabonaise, convaincu que les autres ethnies ne se laisseront pas faire.
Un analyste proche du palais exclut toutefois que la succession puisse dégénérer en violences ethniques.