
d. Violation du Droit international humanitaire
30. Dans la préfecture de
l’Ouham, des informations émanant des sources crédibles ont fait état d’attaques qui ont été menées par des militaires de l’armée tchadienne contre des villages situés le long de la frontière
avec la RCA. Au cours de ces attaques, des exactions ont été perpétrées contre la population civile et des biens à caractère civil détruits, dans le
village de Sabo, Dokabi, Bele et Daga sur la route entre Markounda et Maitoukoulou, ainsi que Bedaya II et Bebingui, au nord de Paoua, à la mi-février 2008. Ces incurcions sont assez fréquentes.
e. Droit à la liberté de mouvement
· liberté d’aller et
venir
31. La section des droits de l’homme a
également
reçu des informations relatives à la violation du droit à la liberté de mouvement attribuées aux rebelles de l’APRD dans les zones où ils opèrent.
Les éléments de l’APRD interdisent à certaines personnes, notamment les centrafricains d’emprunter certains tronçons routiers aux usagers. En
revanche, les forces de défense et de sécurité quant à elles exigent à tous voyageurs de payer des « taxes » au niveau des barrières illégales érigées sur les routes reliant certaines villes centrafricaines, limitant ainsi la liberté d’aller et venir.
f.
Droits des personnes déplacées internes (PDI)
32. La présence des
coupeurs de route et parfois celle des forces de défense et de sécurité ont poussé les habitants de la préfecture de l’Ouham-pende a abandonné leur
village (Betokomania III) pour se replier dans la brousse autour de Paoua et autres localités. Il en est de même des habitants de Béhili (au Nord-est de Bossangoa dans la préfecture de l’Ouham)
qui se sont dirigés vers le Tchad voisin et à Kabo qui a également accueillis d’anciens réfugiés centrafricains en provenance du Tchad.
33. En effet, pendant le mois de
février 2008, entre 3000 et 5000 anciens réfugiés sont retournés dans la ville de Moyenne Sido, 1146 autres anciens réfugiés se sont dirigés vers Kabo et 2200 autres se sont installés dans les
villages situés entre Moyenne Sido et Kabo. Ces anciens réfugiés avaient fui la RCA pendant les crises de 2002 et 2003 et vivaient dans le camp des
réfugiés de Yaroungou. Les personnes retournées à Moyenne Sido ont été installées sur des terrains que le maire a « saisis » à la
population locale. Ce qui pourrait être à court ou à moyen terme la source d’un conflit entre les personnes retournées et la population locale de
Moyenne Sido.
h. Droit à un procès équitable
· administration de la justice et garanties judiciaires
34. Le principe fondamental de l’égalité de tous devant la loi, est régulièrement bafoué ou contourné par le personnel assermenté de façon systématique et permanente suite à la
longueur des périodes de détention provisoire. Cette situation est d’autant plus choquante qu’elle concerne les étrangers et les femmes accusées de pratiques de sorcellerie et de charlatanisme,
crime très discriminatoire prévu et puni par l’article 162 du code pénal.
35. Des
dysfonctionnements ont été constatés lors des visites effectuées dans les maisons d’arrêt de Bouar, de Bossangoa et de Bimbo (prison des femmes) et Ngaragba à Bangui concernant plusieurs prévenus
en détention depuis des périodes allant de 6 mois à plus de deux ans. En effet, les personnes gardées à vue, restent en détention soit du fait de la lenteur des procédures judiciaire, soit par
manque ou insuffisance de moyens matériel ou/et logistique pour mener dans les délais raisonnables les procédures d’enquêtes ou la tenue des audiences foraines. Les absences prolongées des
magistrats du Parquet à Bouar particulièrement contribuent à allonger la durée de la détention. Pendant cette période, les détenus ignorent le sort qui leur est réservé.
C’est le cas
lorsqu’il s’agit des poursuites engagées pour le crime d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat dont les éléments constitutifs ne sont pas bien définis. Cette
infraction reconnaît de larges pouvoirs aux officiers de police judiciaire qui en abusent aisément, et met le détenu dans un état de tension et d’angoisse extrême.
•
Violences basées sur le genre
36. La section des droits de l’homme de Bangui et les bureaux régionaux ont enregistré des cas de violences faites aux femmes et aux jeunes filles. Elles se résument aux mutilations génitales à Bambari, aux viols à Bossangoa, aux coups et blessures volontaires domestiques et parfois à des homicides. Les
plus graves ont été attribuées aux forces de sécurité affectées à la maison d’arrêt de Bouar, Bossangoa et Bangui (Bimbo). Les campagnes de sensibilisation de la Loi du 15 décembre 2006 relative
aux violences faites aux femmes, menées par la section des droits de l’homme, n’ont pas pu renverser la courbe des violences. Les magistrats et les
auxiliaires de justice ne se sont pas encore appropriés ladite loi. A OBO, dans la préfecture de Haut-Mbomou, les femmes et les jeunes filles ont soutenues avoir été violées, violentées et
enlevées lors du passage des groupes armés supposés être de la LRA.
V. Les actions du gouvernement en faveur de la promotion des droits de
l’homme
37. Les échanges avec
les représentants des institutions étatiques qui oeuvrent pour la promotion et la protection des droits de se font dans un climat de collaboration parfaite. Ce qui facilite les interventions de
la section et des bureaux auprès du Haut Commissariat des droits de l’homme et à la bonne gouvernance et du Parquet. Cette collaboration a permis de corriger certains comportements des
auxiliaires de justice indélicats qui enfreignent les lois et règlements en vigueur.
38. La Section des
droits de l’homme note avec satisfaction, d’une part, que le Procureur Général près la Cour d’Appel de Bouar s’est engagé à mener des actions pour résoudre la question des détentions provisoires
trop longues et d’autre part ; que le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Bossangoa s’est dit conscient du problème qu’il s’est également engagé à le résoudre.
39. Des actions ont
été prises par le Gouvernement dans le sens de la promotion des droits de l’homme à savoir :
- L’autorisation
donnée au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de visiter la RCA a permis de lever le tabou sur cette délicate question ;
- La réouverture de Cour constitutionnelle après près de 6 mois de suspension; la mise en place du Comité chargé de la relecture des textes relatifs à l’installation de la future
Commission nationale des droits de l’homme ;
- Les mesures prises par le Ministre des télécommunications pour l’installation d’une ligne de téléphone gratuite en faveur des
victimes de violation des droits de l’homme ;
- L’autorisation accordée par le Chef d’état major général des forces armées (FACA) au Cluster protection de dispenser des cours de formation en droit de l’homme et les sur les
principes directeurs sur les personnes déplacées internes au profit des éléments des FACA.
VI. Activités
réalisées
- Education aux droits humains
40. Pendant la
période sous revue, la Section des droits de l’homme à Bangui et ses bureaux régionaux ont organisé de nombreuses activités d’éducation aux droits humains visant à instaurer la culture du respect
des droits de l’homme en RCA au profit des élèves des collèges et lycées, des membres d’ONG et d’agents d’application des lois.
- Appui aux
institutions nationales et aux organisations de la société civile
41. La Section des droits de l’homme à Bangui et ses bureaux régionaux ont poursuivi leur collaboration avec les institutions nationales et les organisations de la société civile,
par la mise en place du cadre de concertation avec les ONG de défense des droits de l’homme. Cette collaboration s’est entre autre matérialisée lors
de la célébration de la journée internationale de la femme, le 8 mars 2008, où un appui financier, matériel et technique a été fourni au Ministère des affaires sociales ; un atelier sur le
renforcement des capacités des travailleurs sociaux dudit Ministère a également été organisé.
-
Collaboration avec les institutions internationales et les agences des Nations Unies
42. La période sous
revue a vu le renforcement de la collaboration entre la Section des droits de l’homme et les agences et entités du Système des Nations Unies (UNHCR, UNICEF, PNUD, UNIFEM et ONUSIDA) à travers
l’adoption des plans d’activités conjointes et /ou appui technique en éducation aux droits humains, à l’intention des forces de défense et de sécurité.
VII. Conclusions et
recommandations
43. Comme cela vient d’être décrit dans le présent rapport, la situation des droits de l’homme est préoccupante. Pour l’améliorer, des actions concrètes et urgentes doivent être
prises par les autorités centrafricaines.
44. L’impunité reste l’élément majeur de la poursuite des exécutions extrajudiciaires et arbitraires dans le pays. Il est vivement conseillé à la République Centrafricaine de
s’engager résolument dans une politique plus appuyée de lutte contre l’impunité. Cette politique devrait porter sur l’ouverture des enquêtes concernant toutes les allégations relatives aux
violations des droits de l’homme en général et en particulier les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Des condamnations des auteurs doivent être effectives.
45. La torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants perdurent parce que les responsables d’application des lois et les forces de défense et de
sécurité les considèrent comme étant des moyens légitimes pour obtenir des aveux ou de répression contre les délinquants. Les autorités devraient également insister sur le respect strict des
dispositions légales, des codes de conduite et de procédures pénales dans l’accomplissement de leurs missions et leur responsabilité engagées en cas
de manquement à leur devoir.
46. Quant aux arrestations et détentions arbitraires, elles ne pourront régresser que si les magistrats du ministère public exercent effectivement leur pouvoir de direction et de
contrôle des officiers de police judiciaire. En effet, seules des instructions fermes des Procureurs de la république en direction des officiers de
police judiciaire pourront obliger ces derniers à se conformer aux dispositions du droit positif centrafricain d’une part et aux normes internationales ; et d’autre part, seuls des contrôles
réguliers des unités de police et de gendarmerie pourraient permettre aux magistrats du ministère public de s’assurer que leurs instructions sont mises en pratique par les policiers et
gendarmes.
2. Les longues détentions provisoires, quant à elles, constituent un déni du droit de toute personne à être jugée dans un délai raisonnable. Enfin, elles posent des problèmes
d’ordre public qui pourraient être surmontés par la prise de certaines mesures et par l’application d’une politique répressive différente favorisant les mesures de substitution.
3. Par ailleurs, l’administration pénitentiaire fait face à des difficultés pour prendre en charge correctement les détenus compte tenu de l’insuffisance de crédit de
fonctionnement. Prononcer des mesures de placement en détention provisoire, fondées sur la stricte nécessité, allégerait les difficultés de
l’administration pénitentiaire dans le domaine de la prise en charge alimentaire et médicale des détenus. Et il suffit pour cela, de prendre un décret d’application de l’ordonnance de 2003
instituant le travail d’intérêt général pour désengorger les prisons.
Au regard de ce qui précède, le BONUCA recommande :
Au
Gouvernement centrafricain
- De prendre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité des personnes et des biens dans le nord, le nord-ouest et le sud-est de la République
Centrafricaine ;
Au Ministre de la
défense et au Ministre de la justice :
- d’ordonner l’ouverture d’enquêtes pour déterminer les circonstances exactes et
d’identifier les auteurs des exécutions des personnes accusées d’être des coupeurs de route et de les traduire devant les Cours et tribunaux ;
Au Ministre de la Justice Garde
des Sceaux :
- De prendre des mesures judiciaires et administratives pour lutter efficacement
contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants et d’améliorer les conditions de détention des personnes privées de liberté et de travail des
magistrats ;
Au HCDH et au DPA :
- Le HCDH et le DPA d’augmenter le budget de la section des droits de l’homme et ses
capacités en moyens roulants supplémentaires, de renforcer les bureaux régionaux de la section des droits de l’homme du BONUCA, en les dotant des moyens de communications performants.
2. Au HCDH :
- Le HCDH devrait appuyer la mise en œuvre des recommandations de la
mission conjointe DPA/HCDH de mai 2007 pour mieux faire connaître les activités de promotion des droits de l’homme de la section au niveau national qu’international.
Fin