Bozizé on le sait maintenant, a déclenché depuis le 1er août dernier la démarche visant à dessaisir la Cour pénale internationale des enquêtes qu’elle a initiées sur les nombreux
crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violations massives de droits de l’homme qui ont eu lieu en RCA depuis 2002, 2003 en allant, travail qui a déjà abouti notamment à l’arrestation en
juillet dernier à Bruxelles du président du MLC Jean-Pierre Bemba. Aussi paradoxal que cela puisse être, c’était pourtant Bozizé lui-même qui avait voulu, convaincu qu’il pourrait ainsi
définitivement noyer le président Patassé, que la CPI se saisisse du dossier centrafricain. Mais seulement, il croyait que les investigations de celle-ci n’iraient pas au-delà de l’année 2003.
Ses illusions ont été confortées dans un premier temps avec la venue à Bangui du procureur Ocampo de la CPI qui y a ouvert un bureau et s’était entretenu avec lui. Bozizé pensait que l’affaire
était dans le sac et qu’il ne pourrait jamais être dans la ligne de mire de ce procureur.
Or, depuis sa prise du pouvoir par coup d’Etat et jusqu’aujourd’hui, sa soldatesque s’est tristement illustrée par de nombreuses exactions et autres crimes de guerre que certains n’hésitent pas à qualifier de génocide (surtout dans la ville de Paoua et ses environs), dans plusieurs préfectures du Nord du pays. Le procureur de la CPI s’en est naturellement ému et a adressé en date du 10 juin dernier une lettre à Bozizé dans laquelle il lui faisait part de sa grande préoccupation quant aux violences massives commises dans les préfectures du Nord de la RCA qu’il a même clairement citées dans son courrier. Dès lors, Bozizé a compris que l’étau va immanquablement se resserrer sur lui tôt ou tard si les choses demeurer en l’état et qu’on laisse la CPI poursuivre ses enquêtes jusqu’au bout.
C’est le sens de son courrier du 1er août dernier envoyé au Secrétaire général des Nations unies pour solliciter l’implication du Conseil de sécurité afin d’arrêter la machine infernale de la CPI. La transmission tardive par Ban Ki Moon de ce courrier au président du Conseil de sécurité est, à n’en pas douter, la preuve que le SG des Nations unies a accordé peu d’attention à la démarche de Bozizé. En se rendant récemment à New York à l’assemblée générale des Nations unies, il devait secrètement espérer avoir un écho de sa requête mais le fait qu’on apprend qu’il vient de dépêcher à La Haye son ministre de la justice Thierry Maléyombo et le procureur de la République de Bangui Firmin Feindiro auprès de la CPI, montre qu’il a dû essuyer une fin de non recevoir à l’ONU.
Après le président El Beshir du Soudan qui est déjà dans le collimateur du procureur de la CPI, Bozizé sera sans doute le second président africain en exercice sur la liste, contre lequel sera délivré d’ici là un mandat d’arrêt lorsque les investigations de la CPI auront suffisamment avancé au sujet des nombreux crimes de guerre et autres exactions telles que les incendies de villages, délibérément perpétrés par la garde présidentielle de Bozizé sous sa responsabilité dans plusieurs préfectures du Nord Centrafrique. Espérant échapper à peu de frais au jugement de l’histoire, voilà Bozizé dans de beaux draps. On ne sait pas où s’arrêtera-t-il avec la logique de dessaisissement de la CPI dans laquelle il s’est engagé. Une chose est sûre, les dispositions de l’article 16 du statut de Rome qu’il invoque dans son courrier à Ban Ki Moon ne peut pas s’appliquer à sa situation.