Malgré son désastreux bilan de la gestion du pays, en dépit de son incompétence criarde tant dénoncée et d’une grande et réelle impopularité auprès de ses compatriotes, notamment dans les préfectures dont les suffrages des électeurs décident du vainqueur de la présidentielle, c’est un secret de polichinelle que Bozizé aimerait se succéder encore à lui-même lors des présidentielles de 2010. Il faut dire que l’homme n’a pas beaucoup de choix. Sauf à fuir ou à bénéficier également des dispositions de la loi d’amnistie générale que tout le monde appelle de ses vœux afin de permettre la tenue du dialogue inclusif et ipso facto, une paix durable en RCA, l’avenir et le sort de Bozizé en dehors du fauteuil présidentiel sont très sombres. En clair, il est condamné à demeurer président.
Or il est conscient de son impopularité qui est telle qu’il lui sera très difficile voire quasiment impossible de battre quelque candidat que ce soit en 2010. Sachant pertinemment que dans les bastions patassistes du Nord Ouest, du Centre Nord, du Nord Est, il est grillé à jamais à cause de sa politique criminelle de terre brûlée, Bozizé semble se résoudre à ne pouvoir tabler que sur l’électorat de la Lobaye et d’une partie de celui de l’Ombella-Mpoko, qu’il croît à tort lui être acquis d’office.
Il multiplie en direction des ressortissants de la Lobaye et de son chef lieu Mbaiki, des opérations de charme et de séduction. C’est ainsi que récemment, il a demandé à un curé du coin une messe d’action de grâce pour les mémoires de Jean Bedel Bokassa et David Dacko, deux personnalités phare de cette préfecture qu’il est inutile de présenter. Il est allé lui-même inaugurer à Mbaiki il y a quelques mois, une auberge que son fils Francis Bozizé y a fait construire. Tout cela est loin d’être fortuit et obéit à d’évidents calculs politiciens opportunistes.
Il vient aussi de faire tomber une pluie d’étoiles sur les épaules de certains officiers supérieurs et généraux de l’armée dont certains de ses promotionnaires de l’ESFOA. Plusieurs d’entre eux sont des ressortissants de la Lobaye, tels que Sylvestre Yangongo qui a eu sa quatrième étoile, Michel Bémakassoui qui est passé général de division, Guillaume Lapo est devenu général de brigade. Il vient aussi de nommer le ministre des finances et non moins son beau frère, Emmanuel Bizot, lui aussi ressortissant de la Lobaye, magistrat hors hiérarchie à la cour des comptes. Ce n’est pas par pur hasard.
Néanmoins, Bozizé et sa clique du KNK sont conscients de leurs nombreuses faiblesses et songent ainsi sérieusement à déployer le cas échéant, leur arsenal de fraude et d’achat des consciences qui leur ont permis de triompher lors de la mascarade électorale de 2005. C’est cette peur de perdre les élections si celles-ci sont libres et réellement transparentes qui fait hésiter et louvoyer Bozizé quant à la tenue du dialogue politique inclusif. Il est pris d’une peur panique devant la perspective d’un retour au bercail du président Patassé car celui-ci est à lui seul une redoutable force électorale. L’idée d’affronter Patassé à une élection présidentielle est insupportable et un véritable cauchemar pour Bozizé. Sa volonté de verrouiller l’organisation et la tenue du dialogue politique inclusif ainsi que ses nombreuses hésitations ne s’expliquent pas autrement.
Le problème est que plus il est impopulaire, plus Bozizé se retranche et se repose sur son clan familial et une poignée d’obligés médiocres zélés. C’est Ndoutingaï par-ci, c’est Wafio, Gonda, Kéléfio par là. La pitoyable affaire des trois projets de loi sur l’amnistie générale qu’il est contraint de retirer en est une illustration. Il aura convoqué une session extraordinaire de l’Assemblée nationale pour rien. Il va falloir en convoquer à nouveau une autre ou prolonger l’actuelle, avec les incidences financières en termes d’indemnités pour les députés que cela entraînera. C’est du cafouillage, de la médiocrité pour ne pas dire de la vacuité de pouvoir.