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25 juillet 2008 5 25 /07 /juillet /2008 15:45

 

 

Envoyée spéciale à Batouri (Cameroun) FANNY PIGEAUD Libération  vendredi 25 juillet 2008

Reportage

 

En voilà une bonne affaire : c’est sans rien payer qu’un ministre camerounais a récupéré, il y a quelques années, une bouteille de 75 cl remplie de diamants. Il avait débarqué dans un village du département de la Kadéi, dans l’est du pays, pour demander l’autorisation d’extraire la pierre précieuse de la rivière. Les habitants avaient accepté… jusqu’à ce que son «représentant» disparaisse, sans régler les salaires des paysans qui travaillaient pour lui et les derniers diamants qu’ils avaient trouvés. «Il y a beaucoup d’histoires de ce type par ici», soupire Pierre, un ancien orpailleur. Selon lui, beaucoup de personnalités qui gravitent autour du pouvoir pillent l’or et le diamant dont la Kadéi est riche. De fait, le département, enclavé et frontalier de la Centrafrique, est peu développé, malgré ses nombreux chantiers d’exploitation artisanaux : ses routes sont des pistes défoncées, le réseau téléphonique rare, l’électricité inexistante ou régulièrement coupée.

Mafieux.

Largement informelles, les filières de l’or et du diamant du Cameroun, par lesquelles transite aussi une partie du diamant centrafricain, sont contrôlées par des réseaux mafieux d’acheteurs maliens, sénégalais ou nigérians, accuse un responsable camerounais. Ces trafiquants profitent de la situation de survie des mineurs, souvent des paysans ou des jeunes sans emploi, pour leur imposer un système de crédit abusif et les payer sans suivre de règles, explique-t-il. Le prix d’achat du gramme d’or varie de 6 000 à 10 000 francs CFA (10 à 15 euros) selon les chantiers.

Un commerçant malien, installé depuis longtemps dans la région, met plutôt en cause les acheteurs de Dubaï, qui raflent tout depuis trois ans. «Ils ne nous laissent rien. Les affaires ne marchent plus comme avant», déplore-t-il. Des nagbatas (chercheurs-artisans miniers en kako’o, une langue locale), se plaignent, eux, du Cadre d’appui et de promotion de l’artisanat minier, une structure étatique née en 2003. Ils assurent que ses agents les escroquent. «Certains exploitent des chantiers pour leur propre compte, explique Pierre. D’autres utilisent des balances truquées lorsqu’ils achètent la production des nagbatas.»

Les travailleurs sont installés dans des camps de fortune ou contraints de parcourir plusieurs kilomètres à pied pour rejoindre les chantiers, souvent situés dans des zones de forêt tropicale. Maltraités par les «chefs de chantiers», ils creusent le lit des rivières, façonnent d’énormes puits, taillent dans la terre de longs souterrains. Toujours armés de leurs pelles «Bokassa» (du nom du dictateur centrafricain, qui offrait des diamants à ses hôtes), ils trouvent une douzaine de grammes de poussière d’or certains jours, souvent rien du tout pendant des semaines.

Eboulement.

Bien sûr, il y a des accidents, comme celui du chantier de Kambele III près de la ville de Batouri, début juin : un éboulement dans un souterrain avait blessé trois hommes. «L’or, c’est ce qui donne l’argent», explique Mathilde, 35 ans. Comme les autres femmes, elle lave, tamise le gravier ou pile des cailloux contre les quelques «miettes» que les hommes veulent bien lui laisser. Elle ne gagne jamais plus de 5 000 francs CFA (7,6 euros) par semaine. Insuffisant pour scolariser, nourrir, habiller ses trois enfants. Le travail dans les champs est moins pénible, d’autant que la terre est très fertile dans la région, souligne-t-elle, mais il ne «rapporte» pas tout de suite.

La vie des orpailleurs ressemble à un cercle vicieux, enrage Pierre, qui se désole de voir la plupart des nagbatas dépenser leur argent dans l’alcool. «Il y a un gros problème d’éducation», juge-t-il. Mais les écoles de la région sont dans un état lamentable et en nombre insuffisant : «C’est comme si on voulait que les gens d’ici restent ignorants et ne puissent pas se défendre contre ceux qui s’emparent de leurs ressources», observe-t-il.

 

 

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Published by Centrafrique-Presse.com - dans Economie