
LIBREVILLE (AFP) - mercredi 02 avril 2008 - 10h16 - Deux mois après avoir été arrêté à la fin d'un raid rebelle à N'Djamena, l'opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh est toujours porté disparu et la commission d'enquête "obtenue" par le président Nicolas Sarkozy, contestée de partout, ne s'est pas encore réunie.
"Deux mois sans aucune nouvelle, ça nous préoccupe beaucoup", dit Moussa Mahamat Saleh, un cousin du porte-parole de la principale coalition de l'opposition, la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC).
Selon des témoignages concordants, Ibni Oumar Mahamat Saleh a été arrêté le 3 février par des membres de la garde présidentielle du chef de l'Etat Idriss Deby Itno, ce que les autorités nient. Deux autres opposants interpellés dans les mêmes conditions, l'ex-président Lol Mahamat Choua et le député Ngarlejy Yorongar, ont depuis retrouvé la liberté.
Sous couvert de l'anonymat, plusieurs membres de l'opposition disent craindre que leur porte-parole soit mort. Ngarlejy Yorongar, qui affirme avoir été détenu dans la même "prison" de N'Djamena, en est même presque certain.
"Nous ne croyons pas qu'il soit mort", proteste Moussa Mahamat Saleh, tout en avouant ne pas avoir d'informations à ce sujet. "Nous lançons un SOS à la communauté internationale pour qu'elle fasse pression sur Deby".
Jusqu'ici, la communauté internationale a essentiellement obtenu une "commission d'enquête", qui ne s'est jamais réunie.
Très critiqué pour sa visite à N'Djamena le 27 février, après avoir aidé Idriss Deby à repousser les rebelles et alors que des opposants manquaient à l'appel, Nicolas Sarkozy a tenté de tourner la situation à son avantage en annonçant que son homologue tchadien avait "accepté" de créer une commission d'enquête "internationale".
Or, les critiques ont immédiatement fusé. Opposants, proches d'Ibni Oumar, défenseurs des droits de l'Homme et même, en coulisses, diplomates européens ont tous contesté une commission presque intégralement nommée par Idriss Deby et que dirige un de ses alliés, le président de l'Assemblée nationale Nassour Ouaïdou.
La France, l'Union européenne et la Francophonie, censées être représentées au sein de cette instance controversée, ont participé à des réunions pour la "remanier" afin de la rendre "plus crédible", selon un diplomate.
"Les Européens et la Francophonie vont avoir un statut d'observateurs et non de membres, et la commission devient nationale et non internationale", explique sa porte-parole Hélène Lambatim.
"Nous menons aussi des négociations pour intégrer des représentants de l'opposition et de la société civile dans la commission", ajoute-t-elle, tout en reconnaissant des "difficultés" pour les convaincre, liées à "un problème de crédibilité" de l'instance.
Président de la Ligue tchadienne des droits de l'Homme (LTDH), Massalbaye Tenebaye dit ainsi avoir été "approché" avant de "refuser" de faire partie de la commission. "Elle n'est pas du tout indépendante", tranche-t-il, "il faut une personnalité étrangère, africaine de préférence, pour la diriger".
Même son de cloche à la CPDC, qui réclame, outre "la libération immédiate et inconditionnelle" d'Ibni Oumar, la mise en place d'une commission "réellement internationale et réellement indépendante".
"La France, qui a aidé militairement Deby à chasser les rebelles, a les moyens de faire pression sur lui", note l'ancien chef de l'Etat Lol Mahamat Choua. "Mais jusqu'ici, la visite de Sarkozy n'a pas eu beaucoup de résultats".
L'organisation Human Rights Watch (HRW) résume à sa manière: "Le président Deby a mystifié le président Sarkozy".