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Les forces françaises pourraient quitter le Burkina Faso
dw.com
Paris n'écarte pas un départ de ses troupes basées au Burkina Faso, où une manifestation contre la présence militaire française a eu lieu vendredi dernier.
Paris n'écarte pas un départ de ses troupes basées au Burkina Faso, où une manifestation contre la présence militaire française a eu lieu vendredi dernier.
Une manifestation qui a visé l'ambassade de France à Ouagadougou et la base militaire de Kamboisin, en périphérie de la capitale, où est stationné un contingent des forces spéciales françaises.
Le lendemain, c'est le Premier ministre du Burkina Faso qui critiquait les partenaires internationaux de son pays qui n'ont "pas toujours été loyaux" selon lui, dans la lutte antidjihadiste que son pays mène depuis plusieurs années.
"Certains partenaires n'ont pas été loyaux"
"Nous pensons, peut-être à tort, que certains partenaires n'ont pas toujours été loyaux", a estimé Apollinaire Kyélem de Tembela dans sa déclaration de politique générale, devant les députés, sans citer de pays.
Le bilan paradoxal de Barkhane, revendiquant des succès militaires mais constatant un…
L'armée burkinabè peine à venir à bout des djihadistes
"Comment comprendre que le terrorisme gangrène notre pays depuis 2015, dans l'indifférence, si ce n'est avec la complicité de certains de nos prétendus partenaires ? N'avons-nous pas été jusque-là trop naïfs dans nos relations avec nos partenaires ? Sans doute", s'est-il demandé.
"Les nouvelles autorités du Burkina ont sorti récemment une décision d'interdiction de survol du territoire sans autorisation par la force Sabre (force française). Tout logiquement, la France ne pouvait pas faire autrement. Nous ne pouvons pas continuer à faire semblant de ne pas voir l'inefficacité des forces étrangères. Une bonne partie du territoire est hors contrôle de l'Etat. La France est en première ligne et ses faits et gestes sont scrutés. Le retrait de la France n'aura aucune conséquence sur le Burkina Faso", estime Ali Mana, expert des questions de sécurité et de défense.
La France, qui déploie encore quelque 3.000 militaires au Sahel, après avoir compté jusqu'à 5.500 hommes, a officiellement mis fin à son opération antijihadiste Barkhane, et s'est donné six mois pour finaliser sa nouvelle stratégie en Afrique.
"Il n'est plus question de lutter contre le terrorisme à la place de nos partenaires, mais de le faire avec eux, à leurs côtés", indique le ministre français des Armées.
Paris, qui a déjà quitté le Mali avec qui il entretient des relations exécrables, souhaite néanmoins conserver une présence militaire au Sahel, notamment au Niger.
Burkina : le capitaine Ibrahim Traoré lâche ses « vérités »
Publié le 14.11.2022 à 17h18 par APA
Le président de la transition burkinabè a entamé une série de rencontres avec les forces vives de la nation pour, dit-il, dépeindre « la réalité du Burkina ».Dans une vidéo de 12mn45 rendant compte d’une rencontre avec les partis politiques et la société civile, tenue vendredi 11 novembre 2022 et diffusée sur la télévision nationale et la page Facebook de la présidence du Faso dimanche soir, le capitaine Ibrahim Traoré a dépeint une situation sécuritaire difficile.
Au pouvoir depuis début octobre 2022, le chef de l’Etat a rappelé les origines du terrorisme au Burkina, dû essentiellement à une mauvaise gouvernance. « J’ai marché pour traverser le Sahel (…). Il n’y a rien là-bas. Qu’avons-nous construit ? Qu’avons-nous fait de sérieux dans cette zone ? Qui en est responsable ? C’est nous », a décrit Ibrahim Traoré.
Malgré les alertes, rien n’a été fait en termes d’actions de développement en faveur de plusieurs régions, aujourd’hui sous le joug des groupes armés terroristes. « C’est nous qui avons créé cette situation. On a tout fait pour abandonner certains peuples (…) à cause de nos intérêts égoïstes (…). Nous sommes responsables du malheur qui nous arrive », a insisté le capitaine.
Dans un franc-parler que les Burkinabè découvrent, il s’en est vivement pris aux hommes politiques qu’il a accusés d’avoir « infiltré » et « politisé » l’armée au point que chaque soldat « agit en fonction de certain bord politique ». Avec le coup d’Etat du 24 janvier 2022 qui avait porté le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba au pouvoir, il a un temps espérer que « ça va cesser, mais ça continue ».
Le capitaine Traoré a également fustigé l’attitude des citadins qui, selon lui, ne mesurent pas encore la gravité de la situation. « Je parie que les gens ignorent sérieusement la situation dans laquelle nous nous trouvons. Dans les grandes villes, la vie est tout autre. Hors de ces villes, vous n’imaginez même pas ce qui se passe. Est-ce que vous êtes conscients que le territoire est presque perdu ? », a-t-il demandé à l’assistance.
Pour illustrer ses propos, il a pris l’exemple des attaques terroristes régulières sur la Route nationale N°1, reliant Ouagadougou à Bobo-Dioulasso. « C’est quand la route sera coupée que certaines personnes vont prendre conscience », a poursuivi le Chef de l’Etat du Burkina Faso.
Conséquence directe de la crise sécuritaire, le capitaine Traoré a dépeint une situation humanitaire des plus catastrophiques. Loin du folklore urbain, il a évoqué le cas de « ces enfants qui ont la peau sur les os, ces vieillards qui meurent de faim, ces femmes qui ne peuvent plus allaiter parce qu’elles n’ont plus rien dans leur sein (…), des gens qui mangent des herbes » dans les localités occupées par les jihadistes.
Dans un « langage de vérité », il a aussi dénoncé le manque de solidarité des Burkinabè dans ce contexte difficile. Des commerçants ont fait de la surenchère dans la location de camions pour ravitailler les zones sous blocus des groupes armés terroristes. « C’est quoi l’intégrité ? Burkina Faso, où est l’intégrité ? (…) Il n’y a aucune pitié (…). Le Burkinabè n’a pas pitié du Burkinabè (…) Les gens meurent ailleurs, mais à Ouagadougou on fait la fête », a déploré le capitaine.
Il a invité les acteurs politiques et de la société civile à faire leur « introspection » et leur « mea culpa ». « L’avenir de ce pays est entre vos mains. (…) Chacun [est] libre, à partir de cet instant de son action future, soit pour la patrie, soit contre la patrie », a tranché le capitaine Traoré.
Pour Fabé Mamadou Ouattara, journaliste au quotidien national Sidwaya, le capitaine Ibrahim Ouattara a dit ses « vérités » à la classe politique et à la société civile, parce qu’il estime que « ce sont eux qui ont mené le pays dans cette situation ». Comme le capitaine veut « asseoir son autorité, il surfe sur la vague de discrédit qui pèse sur ces acteurs », a dit l’observateur de la vie politique Burkinabè.
« Le capitaine Ibrahim Traoré accuse l’armée, mais il semble dire qu’il se charge de mettre l’armée au pas et demande aux autres de faire profil bas s’ils ne veulent pas aller dans le sens de la transition », a analysé Fabé Mamadou