https://www.rfi.fr/ 28/03/2022 - 14:39 Avec notre correspondant à Bangui, Carol Valade
Le dialogue républicain en Centrafrique s’est terminé ce dimanche 27 mars 2022. Une semaine de discussions, 450 participants, mais pas l'opposition ni les groupes armés, et au final, 600 propositions.
Près de 600 propositions ont donc été retenues à l’issue de cette semaine de discussion. La seule mesure à avoir véritablement déchainer les passions a finalement été retirée. Elle prévoyait une révision de la Constitution. Certains proches de pouvoir y voyaient déjà la possibilité d’un troisième mandat pour le président Touadéra. La société civile s’y est aussi fermement opposée. Le dialogue s’est déclaré incompétent et a renvoyé la question vers la présidence et l’Assemblée nationale.
Les recommandations retenues sont assez générales. Il s’agit de réviser les accords bilatéraux et multilatéraux, renforcer l’armée, réformer les institutions électorales, trouver de nouvelles recettes pour les finances publiques. Pour vérifier l’application de ces mesures, le dialogue propose la création d’un organe de suivi rattaché à la présidence, mais sans préciser de calendrier.
Ce dialogue est sans surprise. Vous parlez de 600 propositions mais c’est un chapelet de bonnes intentions, de vœux pieux, il n’en sortira pas grand-chose. Deuxièmement, vous voyez le timing ? à quel moment le président de la République va-t-il exécuter tout ce qui a été recommandé, qui est en réalité une pâle copie du forum de Bangui.
Crépin Mboli Goumba, opposant du mouvement Patrie
Alexandra Brangeon
« Les questions de fond n’ont pas été abordées », pour les opposants
À l’exception d’une poignée d’opposants, par la suite exclus de la coalition, les poids lourds de l’opposition et des groupes armés étaient absents. Le président Touadéra les a vertement fustigés dans son discours : « Il est irresponsable de se calfeutrer derrière des arguments fallacieux pour refuser le dialogue et abandonner le peuple qu’on prétend servir. La porte du dialogue vous reste grandement ouverte. »
« Il suffisait d’accepter nos conditions, répond le porte-parole de l’opposition Nicolas Tiangaye. Les faits nous ont donné raison : on a tenté d’amener le troisième mandat alors que les questions de fond telles que la guerre, la présence des mercenaires ou la crise post-électorale n’ont pas été abordées. »
Plus largement, le dialogue répondait à une attente des partenaires internationaux de la Centrafrique. Ils en avaient fait une condition pour maintenir leurs aides financières. Reste à voir s’ils ont été convaincus.
La dialogue était fait pour que les critiques que vous avez à faire, vous les fassiez autour d’une table. Qu’on se parle, entre nous. Mais si vous ne venez pas, ne vous en prenez pas à quelqu’un d’autre ! Nous avons trouvé des Centrafricains avec qui parler et qui ont exprimé des choses dont on a tenu compte.
Albert Yaloké Mokpème, porte-parole de la présidence
Alexandra Brangeon
Lu pour vous
Fin du dialogue républicain sans résultats concrets
dw.com 27.03.2022
Le dialogue républicain s'est déroulé sans l'opposition et les groupes armés. Pour le président Touadéra, le dialogue national a "atteint son objectif".
Le dialogue de réconciliation nationale en Centrafrique a pris fin dimanche (27.03.2022) sans avancées concrètes.
Sans la participation de l'opposition, qui a boycotté le dialogue, et des leaders des groupes armés, les représentants des pouvoirs publics et de la majorité présidentielle, ont tenté de lancer l'idée d’une modification de la Constitution.
Après des débats houleux, l'idée a finalement été abandonnée. Les représentants de la société civile s'y sont fortement opposés, craignant que l’objectif soit de permettre au président Touadéra de se représenter pour un troisième mandat, qui n’est actuellement pas prévu par la loi fondamentale.
Des participants au dialogue républicain, le 22 mars 2022 à Bangui
Modification de la Constitution
Dans cette discussion à sens unique, entre les pouvoirs publics et la majorité présidentielle, (le parti MCU), la société civile refuse de servir de faire valoir.
“Sous le fallacieux prétexte de la modification de notre Constitution pour adapter certaines institutions républicaines aux nouvelles réalités, je voudrais connaître ces nouvelles réalités. Nous n’étions pas venus au dialogue pour modifier la Constitution, ni même pour réfléchir sur la révision des institutions. Nous sommes venus débattre de tout, sauf de la modification de la Constitution”, explique Me Bruno Hyacinthe Gbiagbia représentant de la société civile au dialogue.
Le président du présidium, Pr Richard Filakota décide de renvoyer donc le débat aux instances compétentes.
"C'est invalidé dans le cadre de ce dialogue, donc nous renvoyons la question, nous renvoyons le débat au niveau des instances qui sont habilitées à traiter de cette question, à savoir la présidence et l'Assemblée nationale. La question est terminée pour notre dialogue”, tranche le professeur Richard Filakota.
Un piège, selon Me Thimoléon Kokongo, qui regrette la posture de la société civile, évitant un vrai débat républicain autour du sujet.
"Vous savez que le MCU a les moyens de battre campagne aujourd'hui et va jusqu'à faire modifier la Constitution. Et ce que veut éviter la société civile là, on leur a donné l'occasion sur un plateau d'or pour le faire. Ce qui est regrettable et on nous a enlevé la possibilité de nous prononcer et de dire au moins que le chef de l'Etat écoute qu'au sein de la population, les gens pensent peu de cette démarche même s'il faut autoriser le 3e mandat. Cet exercice, il nous l'a interdit et c'est antidémocratique", estime Me Thimoléon Kokongo.
Pas de résultats concrets
Le vif débat suscité par l’idée d’une révision constitutionnelle aura presque éclipsé le fait que ce dialogue républicain n’aura finalement abouti à aucun résultat concret.
Et en renvoyant le débat sur la Constitution sur la table du président Touadéra et à l'Assemblée dominée par le MCU, l'opposition et la société civile ne sont pas encore parvenues à mettre la loi fondamentale à l'abri.
Lors de cette cérémonie, le président du dialogue, Richard Filkota, a annoncé que 600 recommandations avaient été formulées.
Il n'a cependant égrené qu'une partie de ces propositions, comme la mise en place d'un impôt pour le budget de l'armée, ou encore la fin de l'embargo sur les armes à feu réclamée depuis de nombreuses années par Bangui. Cet embargo avait été imposé par l'ONU en 2013, après qu'une coalition de groupes armés avait renversé le régime du président François Bozizé et plongé le pays dans la guerre civile.
Le président Faustin Archange Touadéra avait promis à la communauté internationale ce dialogue de réconciliation au lendemain de sa réélection, fin décembre 2020, avec 53,16% des suffrages mais alors que moins d'un électeur sur trois avait eu la possibilité d'aller voter en raison de l'insécurité.
Centrafrique : fin d'un dialogue de réconciliation sans avancées concrètes
27.03.2022 à 17:39 AFP
Le dialogue de réconciliation nationale en Centrafrique, pays en guerre civile depuis 2013, s'est conclu, dimanche 27 mars, sans avancées concrètes. Une semaine de débat à laquelle les groupes armés n'étaient pas conviés et que l’opposition a boycotté.
Le 15 mars, le président Faustin Archange Touadéra avait, à la surprise générale, annoncé que le "Dialogue républicain" avec l'opposition et la société civile, se tiendrait à partir du 21 mars. Le programme et les objectifs étaient toutefois restés très vague.
Cette semaine de discussions, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale à Bangui, s'est parfois tenue parfois dans des conditions houleuses. Notamment lorsque des représentants de la société civile ont menacé de se retirer quand une modification de la Constitution pour permettre au chef de l’État de se présenter à un troisième mandat a été évoquée. La proposition a finalement été retirée.
600 recommandations formulées
Lors d'une cérémonie de clôture de ces assises, le président du dialogue, Richard Filkota, a annoncé que 600 recommandations avaient été formulées.
Il n'a cependant égrené qu'une partie de ces propositions. Parmi elles, la fin de l'embargo sur les armes à feu. Celle-ci a été imposé par l'ONU en 2013, après qu'une coalition de groupes armés a renversé le régime du président François Bozizé et plongé le pays dans la guerre civile. Ou encore la mise en place d'un impôt pour le budget de l'armée.
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Absence des principaux rivaux politiques et des ennemis armés du régime
"Le président a toujours dit qu'il ramènerait la paix dans ce pays avec le dialogue, toutes les recommandations sont essentielles", a affirmé Albert Yaloké Mokpeme, porte-parole de la présidence.
"Il faut qu'on applique ces conclusions pour que l'on puisse s'en sortir, et ce dialogue est une demi victoire, même si nous aurions souhaité que les groupes armés soient là parce qu'ils sont à l'origine de nos problèmes", a regretté Bruno Gbiebga, avocat et militant des droits de l'Homme, membre de la société civile.
« les recommandations ne seront pas mises en œuvre. Même si le gouvernement voulait les mettre en œuvre, il n'en aurait ni le temps ni l'argent »
Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l'Institut français des relations internationales (Ifri)
Selon Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l'Institut français des relations internationales (Ifri), "les recommandations ne seront pas mises en œuvre. Même si le gouvernement voulait les mettre en œuvre, il n'en aurait ni le temps ni l'argent."
L'opposition et plusieurs experts de la région avaient déjà critiqué un dialogue de réconciliation sans les principaux rivaux politiques ni ennemis armés du régime. Ils estimaient qu'il ne pourrait déboucher sur aucune avancée concrète en dehors de la promesse vague d'une "feuille de route" destinée à mieux intégrer l'opposition et la société civile dans la gouvernance du deuxième pays le moins développé du monde, selon l'ONU.