Centrafrique: Felix Moloua nommé Premier ministre
https://www.rfi.fr/ 07/02/2022 - 22:24 Avec notre correspondant à Bangui, Carol Valade
L’ancien chef du gouvernement centrafricain Henri Marie Dondra a été démis de ses fonctions ce lundi 7 février par le président de la République. Dans la foulée, ce dernier nommé son ministre de l’Économie Felix Moloua comme successeur. Une succession qui intervient dans un contexte tendu.
La Centrafrique a désormais un nouveau Premier ministre en la personne de Felix Moloua. Mathématicien de formation, enseignant, chercheur en démographie et ministre de l’Economie, depuis 2016 et l’arrivée au pouvoir du président Touadera dont il est un proche.
On sait, de bonne source, que l’ancien Premier ministre avait, depuis près d’une semaine déjà, posé sa démission. En poste depuis moins d’un an et doté d’un profil jugé plus rassurant par les partenaires occidentaux, Henri Marie Dondra « disposait pourtant d’une faible marge de manœuvre », nous dit un proche, de « peu d’emprise sur le gouvernement ».
Henri Marie Dondra était la cible d’attaques au sein même de son parti, le MCU. Il aura donc fallu attendre le retour du chef de l’État, dimanche soir, pour officialiser le processus et mettre un terme à l’incertitude qui régnait dans la capitale.
L’emprise des mercenaires russes Wagner en Centrafrique
https://www.rfi.fr/ Charlotte Cosset et Franck Alexandre 06/02/2022 - 23:44
Alors que le Président Faustin Archange Touadéra tente de donner des gages à la communauté internationale, la Russie, au travers notamment de la société de mercenaires Wagner, intensifie les pressions sur l’appareil d’État et mène une intense campagne de désinformation contre la France, la Minusca et l’opposition politique centrafricaine. Depuis le début de l’année en RCA, la société Wagner, c’est une hydre à deux têtes avec d’un côté Dimitri Sytyi, chargé des affaires politiques, et de l’autre, Vitali Perfilev, coordinateur des activités militaires.
Perfilev, ancien légionnaire, s’entretient régulièrement avec Claude Rameaux Bireau, le ministre de la Défense, il rencontre aussi le général Sakama en charge des opérations. Vitali Perfilev veille en particulier à ce que les notes blanches des services de renseignement destinées au président Touadéra ne ternissent pas l’image du groupe russe.
Si jamais certains rapports font état de tensions entre les combattants de Wagner et les forces armées centrafricaines, Perfilev n’hésite pas à les censurer.
Car sur le terrain tout ne se déroule pas sans accroc. Les rebelles privilégient une stratégie d’évitement et Wagner n’est pas en mesure de contrôler de vastes zones. Les mercenaires russes se contentent de tenir les principaux axes et les sites miniers les plus rémunérateurs.
Leurs méthodes génèrent également de vifs ressentiments, comme lors de l’opération menée la nuit du 13 novembre dernier dans la ville de Bria où de nombreux civils ont été maltraités et des magasins pillés. Si la société Wagner, pour s’imposer, fait flèche de tout bois, elle n’est, semble-t-il, pas si sereine : par crainte d’une offensive rebelle, des ponts ont été dynamités au nord de Paoua à proximité de la frontière avec le Tchad.
Par ailleurs, des mouvements seraient en cours sur le terrain. Alexandre Ivanov « chef » de la communauté des officiers pour la sécurité internationale (COSI) qui se dit représentant des officiers russes présents en Centrafrique, explique publiquement qu’il s’agit de « rotation ». Il assure que ces hommes sont « remplacés » et que leur présence – 1 135 personnels - ne sera pas modifiée.
Guerre de l’information
L’action de terrain s’accompagne d’une véritable guerre de l’information débutée il y a déjà plusieurs mois. Alors que les publications de médias occidentaux tentant d’éclairer sur les actions de l’organisation paramilitaire privée ainsi que sur sa structure se multiplient, l’appareil de communication de Wagner est lui aussi en action.
Il y a quelques jours, le coordonnateur du groupe UPC est arrêté à Bangui alors qu’il rencontre des militaires français. Très vite, une vidéo est diffusée sur une chaine télévisée favorable aux intérêts russes et largement diffusée sur les réseaux sociaux. Mahamat Abdoulaye Garba, y est interrogé par une personne hors champ, sur ses rencontres avec les officiels français et sur les relations supposément entretenues avec le groupe armé. Certains observateurs de la politique centrafricaine y voient une simple diversion ainsi qu’une volonté de décrédibiliser l’action française.
Parallèlement, depuis fin décembre, Alexandre Ivanov multiplie les publications et communiqués publiques. « La machine de propagande occidentale est allumée au maximum et prête à inventer les mensonges les plus terribles contre la Russie », s’insurge-t-il. Des prises de paroles à la gloire de l’action des dits « instructeurs » : « Aujourd'hui, la Centrafrique est un état véritablement libre, dont les habitants ont la foi en un avenir durable. La paix et la sécurité, établies notamment grâce au soutien de la Russie et des instructeurs de la COSI. »
Des propos particulièrement optimistes malgré les différents rapports officiels sur la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays. Il y a quelques jours, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires alertait sur « les violences armées cycliques affectent sévèrement la protection et la survie de milliers de personnes à Ippy. » À la fin de l’année, l’organisation onusienne recensait près de 700 000 déplacés internes, un chiffre record depuis 2017.
L'Union africaine condamne le recours aux mercenaires
https://www.rfi.fr/ 06/02/2022 - 20:05 par Noé Hochet-Bodin De notre correspondant à Addis-Abeba,
Le 35e sommet de l’Union africaine (UA) s’achève ce dimanche soir 6 février à Addis-Abeba. Outre les récents coups d’États en Afrique de l’Ouest ou la guerre civile en Éthiopie, un autre sujet brûlant s'est invité à l’événement : l’arrivée massive de mercenaires sur le continent africain. Au Mali, les dirigeants continuent de nier la présence du groupe russe Wagner. Mais le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'UA, Bankole Adeoye a rappelé le danger de ces groupes.
Depuis plusieurs années, la Russie avance ses pions sur le continent africain à travers les mercenaires de la société Wagner. Leur arrivée au Mali, fin janvier 2021, a soulevé des questions sur la véritable influence et l'efficacité de ces troupes irrégulières. L’Union africaine, qui organisait son sommet les 5 et 6 février à Addis-Abeba, a brièvement condamné « l’émergence de ce phénomène nouveau ».
Lors de ce sommet, marqué par la condamnation unanime de la vague de coups d’États en Afrique de l’Ouest, la question de l’intervention de paramilitaires étrangers a été soulevée par le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, Bankole Adeoye. Lors de son allocution, le Nigérian a appelé à un effort commun pour « exclure complètement les mercenaires de notre continent ». Pour cela, il souhaite la coopération du Conseil de sécurité de l’ONU ainsi que de l’Union européenne.
INFO EUROPE 1 - Wagner en Centrafrique : plus de 200 exactions recensées par la France en 2021
Les services de renseignement ont recensé plus de 200 cas d’exactions commis par les forces loyalistes dont les mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine 1:13
William Molinié et Louis de Raguenel 06h33, le 08 février 2022, modifié à 06h45, le 08 février 2022
Pillages, vols, arrestations arbitraires, torture, exécutions sommaires… Selon nos informations, les services de renseignement ont recensé plus de 200 cas d’exactions commises par les forces loyalistes dont les mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine au cours de l’année 2021.
INFO EUROPE 1
Alors que les mercenaires de la société militaire privée russe Wagner se déploient au Mali, les services de renseignement français documentent précisément l’ampleur des exactions commises en République centrafricaine. Les Russes y ont commencé à s’implanter en 2018 au cours d’une première livraison d’armes au profit du pouvoir centrafricain, se rendant au fil des mois indispensables au réarmement et à la reconstruction du pays.
Dans des documents que nous avons consultés, les services de renseignement français ont compilé tout au long de l’année 2021 les principales exactions attribuées aux forces loyalistes. Plus de 200 cas d’exactions ont ainsi été recensés depuis décembre 2020 : pillages, vols, occupations illégales d’habitations, arrestations arbitraires, torture, viols, exécutions sommaires… A l’appui, les services de renseignement ont entre leurs mains des photos. Certaines d’entre elles, insoutenables, donnent à voir des corps brûlés, découpés ou encore des cadavres criblés de balles. Un travail de documentation essentiel pour comprendre les agissements de la société militaire privée Wagner et ses ravages dans les pays africains qui ont décidé de s’adjoindre les services de cette armée hybride qui échappe aux règles du droit international.
Suppressions des preuves
Cette documentation s’appuie sur les sources propres du renseignement militaire : vidéos ou photos diffusées sur les réseaux sociaux, sources propres ou encore celles de la mission onusienne de la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique). Premier enseignement : ce travail est complexe.
D’abord parce que le groupe Wagner prend le soin d’éviter toute divulgation en source ouverte, sur Internet ou sur les réseaux sociaux. Les téléphones portables des éventuels témoins sont saisis, les antennes sont coupées et l’accès aux localités où les exactions ont été commises y est empêché. Comme les 16 et 17 janvier dernier lors d’une opération de ratissage à Aigbando dans l’Est du pays. Entre une quinzaine et une soixantaine de personnes, selon les différents bilans, auraient été tuées. Impossible de déterminer précisément la part de civils et de rebelles décédés. Les patrouilles de l’ONU n’ont pas pu s’y rendre librement, des mercenaires de Wagner les ont escortées tout au long de leur mission, pointent les rédacteurs de cette note.
Ces documents révèlent aussi la difficulté que peuvent avoir les services de renseignement à attribuer les exactions. Dans cette stratégie de guerre hybride menée par la Russie, Wagner entretient le flou et s’appuie à la fois sur l’armée centrafricaine que les mercenaires ont formé ainsi que sur des "forces supplétives" engagées localement au gré d’alliances de circonstances. Depuis la fin de l’année dernière, les mercenaires s’appuient ainsi sur des groupes armés appartenant à la mouvance chrétienne animiste anti-Balaka pour assoir sa présence dans le Centre et l’Est du pays. "Wagner instrumentalise les clivages intercommunautaires entre les populations peule, musulmane et chrétienne pour agir en toute impunité et renforcer son assise", soulignent les analystes du renseignement.
Des commerçants et des chefs de village décapités
Parmi les principales exactions remontées jusqu’aux grandes oreilles françaises, figurent celle de Bambari, commise dans l’enceinte de la mosquée Attawka le 17 février 2021. Dix-neuf civils auraient été tués par des mercenaires. Neuf jours plus tard, les forces armées centrafricaines, des militaires rwandais et des membres de Wagner ont brûlé et détruit plusieurs habitations à Ben Zambé, connu pour être le village natal de François Bozizé, l’ancien président. Le 8 mai 2021, c’est un commerçant de Kaga-Bandoro qui aurait été découpé et brûlé par des membres de Wagner.
La supposée appartenance à un groupe armé rebelle permet à Wagner de légitimer leurs exactions. Comme le 26 septembre, dans le Nord de Bocaranga à l’Ouest du pays, où trois peuls auraient été torturés et assassinés par des membres de la société militaire privée qui prétendaient qu’ils faisaient partie de ces groupes armés.
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Le même jour dans ce même secteur, 9 civils peuls ont été arrêtés puis tués à coups de baïonnettes et de fusils après avoir sans doute été torturés, selon les informations transmises par la mission onusienne de la Minusca. Le 25 novembre, dans l’Ouest du pays, à Yadé, deux femmes ont été enlevées et violées par des mercenaires.
Parmi les dernières atrocités recensées, celle le 16 décembre 2021 de supplétifs de Wagner. Ils auraient violé une femme dans un quartier de Bambari et décapité un jeune homme avant d’exécuter un chef de village. A chaque fois, quand cela est possible, les services de renseignement prennent le soin de conserver les images de ces exactions. Si toutefois, un jour, on leur opposait que tout cela n’a jamais existé.